Habitaculum

Festival d’Aurillac

Habitaculum par la compagnie  Kamatchàtka  

  Cette compagnie née en 2006 de la rencontre d’artistes de différentes disciplines, implantée à Barcelone, elle a créé Habitaculum il y a cinq ans. C’est une sorte de spectacle,  ou plutôt une installation fondée sur un langage non verbal: pas une parole n’est prononcée pendant une heure et demi par les douze interprètes, et qui doit beaucoup aux arts plastiques.
 Cela se passe à la périphérie du centre ville, dans une zone de petite industrie. Après quelques détours, on arrive par groupe d’une vingtaine pas plus, à l’entrée d’une vieille et belle  demeure cantalienne au bout d’un grand pré bien vert. 
Nous sommes immédiatement délivrés de nos sacs et certains reçoivent en échange une des quelque anciennes cinquante vieilles valises. Puis arrivés dans l’entrée de la maison dont le sol est couverts de centaines de petites clés de toute espèce. A main gauche, un salon avec des rangées de citrons posés ou suspendus au plafond, et une petite trampoline.
A main droite, une belle et grande cuisine d’autrefois avec cheminée en pierre. Un des acteurs prépare en silence quelque chose qui ressemble à du vin chaud.
  On monte ensuite au premier puis au second étage de la maison où dans chaque pièce qui constitue,  si on a bien compris,  une sorte de cocon affectif,  un des interprètes est chargé, dans le plus grand silence, de créer une complicité avec entre spectateurs. Il y a en particulier,  une pièce où on est assis sur de vieilles valises pour boire une petite tasse d’une mixture non identifiée, du genre vin chaud coupée d’eau…
Il y a aussi une pièce aux murs remplis de très belles photos anciennes de famille et de guerre, sans doute la plus émouvante, et une autre, vide où une baignoire en zinc d’autrefois, remplie d’eau,  sert de pédiluve collectif pour six personnes et où chacun est prié de masser les pieds de son voisin avec des tranches de citron, après que l’on vous ait  enlevé chaussures et chaussettes que vous serez prié de récupérer ensuite sur le tapis ou sur les étagères d’une autre pièce uniquement réservée à cette plaisanterie.
 Il y a aussi au premier étage une grande pièce dotée d’une tempête de billes blanches de polystyrène soufflées par de gros ventilateurs. Drôle? Pas vraiment,  mais les enfants semblent apprécier…
  La visite se prolonge derrière la maison où un chemins de sable est tracé avec dessus une longue rangée de bouteilles vides. A la sortie, on vous confie une valise et on vous habille d’autorité avec un vieux manteau. Et on vous serre dans les bras comme le vieil ami de la famille Kamatchàtka  que vous devez être devenu.
  Cette promenade, payante,  est  tout à fait au point sur le plan technique, mais reprend souvent des poncifs comme le portage de vieilles valises, la participation du public aux petites actions, etc… lequel public semble content, mais nous a semblé bien longuette et pas très passionnante surtout pendant une heure et demi!
Bref, malgré une note d’intention qui se voudrait enthousiaste, on reste sur sa faim. « Habitaculum est une expérenice unique, un voyage dans une installation vivante », disent ses créateurs,  » Et c’est de l’essentiel et de la simplicité que naît l’échange avec l’autre. Sentir , toucher, jouer… avec la liberté de celui qui ne connaît pas et ne juge pas ».
On veut bien mais on est  ici vraiment un peu loin du compte!

Philippe du Vignal

Spectacle joué  du 20 au 23 août.

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Archive pour août, 2014

Ballets russes, the Art of Costume

Ballets russes, the Art of Costume

photoDans  Histoire du Ballet russe (1950), Serge Lifar écrivait: «Les Ballets russes furent accueillis comme un miracle précurseur d’une ère nouvelle en art. Tout d’abord, on apprécia les décors et les costumes ; on les apprécia tant au point de vue artistique (l’orgie des couleurs de Bakst eut un retentissement considérable) qu’au point de vue des innovations qu’ils apportaient à l’art de la scène.»
C’est cet art précurseur de toute la danse du XXème siècle que le public japonais a eu le bonheur de découvrir à travers une collection de costumes d’une richesse incroyable.
Après le décès de Diaghilev en 1929, Léonide Massine «hérita» de la plupart de ses biens mais  dès 1934, se sépara d’une partie de sa collection;  les costumes dispersés lors de ces premières ventes seront mis aux enchères entre 1967 et 1973; l’Albert Museum de Londres, le Danse Museum de Stockholm, le Theatre Museum d’Amsterdam et enfin la National Gallery of Australia (à l’origine de cette exposition) acquièrent alors ces collections.
Aucune structure culturelle française n’était, bien sûr, présente (l’Opéra de Paris a déjà ses propres archives, mais est-ce suffisant !). Ce qui explique que les plus grandes expositions dédiées aux Ballets russes sont organisées hors de France… À Tokyo, est ainsi exposée une petite dizaine de dessins originaux d’Alexandre Benois et Léon Bakst  et  trois exemplaires originaux de la revue Comédia Illustrée de 1910, 1912, et 1914 avec ses photos de scène des danseurs et danseuses des saisons russes, et quelques programmes de théâtres londoniens et parisiens, dont le Châtelet et l’Opéra de Paris.
Une grande partie de l’exposition est consacrée au début de ces ballets, de 1909 à 1913 et, à son terme, le public a découvert plus de quatre-vingt costumes remarquablement conservés, malgré la dispersion  de l’héritage artistique de Diaghilev après 1929, et symbolisés par des personnalités telles que Leonide Massine, Georges Balanchine, Boris Kochno et Serge Lifar!
Parmi toutes les créations des Ballets russes,  quelques costumes de spectacles moins connus du grand public, mais d’une grande richesse, comme la tunique du Dieu bleu créé par Léon Bakst en 1912 au Châtelet, ou l’étonnant hippocampe de l’opéra Sadko, créé en 1916 à l’Opéra de Paris par Natalia Goncharova.
Il est très émouvant de voir enfin  le véritable costume de Petrouchka porté par Nijinski et réalisé par Alexandre Benois en 1911. Tant de richesse enivre, et se perdre entre les costumes de Schéhérazade, de lOiseau de feu, ou de lAprès-midi d’un faune, est délicieux. Un jour peut-être, cette mémoire de la danse viendra-t-elle en France… Dans ce  même National Art Center de Tokyo, le Musée d’Orsay délocalisé connaît un grand succès !

Jean Couturier

The National Art Center de Tokyo jusqu’au 1er septembre.

Sleep

Sleep, conception et chorégraphie de Saburo Teshigawara

 

photoSaburo Teshigawara a invité Aurélie Dupont, une des danseuses étoiles de l’Opéra de Paris les plus connues au Japon,  pour sa nouvelle création à Tokyo.
Il l’a associée pour Sleeep, à son interprète-fétiche Rihoko Sato que nous avions vue au printemps dernier, au Théâtre national de Chaillot et à la Maison de la Culture du Japon, . Comme toujours,  le chorégraphe  a choisi la partition musicale,  enregistrées et parfois mixée à des  sons de la nature.
Il crée les costumes et, conçoit, pour tout scénographie, un plateau nu, surmonté de tables, de chaises, et de plaques en plexiglass translucides descendant des cintres et délimitant l’espace de jeu en fonction des différentes scènes. Un miroir rectangulaire horizontal, au fond, permet de multiples jeux de lumière, toujours très précis.  Saburo Teshigawara fait alterner des mouvements lents et souples avec des séquences très rapides et saccadées. mais sa gestuelle est toujours aussi harmonieuse et aussi envoûtante.
Deux jeunes danseuses japonaises accompagnent le duo en noir et blanc. Aurélie Dupont  a une partition égale à celle des autres artistes; sa fluidité et sa douceur de geste contrastent, dans certaines scènes, avec l’énergie survoltée de Rihoko. Saburo Teshigawara élabore une forme de danse très ouverte,  où les tableaux successifs des corps en mouvement donnent lieu à de multiples interprétations. Il dit : «Tout est mouvement à l’intérieur de notre corps, les fluides, le pouls, la respiration.»
Nous pouvons y voir des rêves et des cauchemars se croiser, avec des moments d’une grande intensité émotionnelle, en particulier, au moment  où les artistes entament ensemble une danse lente sur la musique d’Alina d’Arvo Pärt. Une autre séquence, pleine d’humour, sur  le Casse-noisette de Tchaïkovski,  mêlée à des cris de femmes, ponctue le milieu de ce spectacle  d’une heure trente. Entrées et sorties des danseuses  presque imperceptibles: l’une remplace l’autre comme par magie. Et solos,  duos ou trios alternent mais parfois les cinq artistes sont tous ensemble sur scène. Ce qui est remarquable ici:  la danse est permanente, et  se suffit à elle-même, dans toute sa beauté.
Le spectacle oscille constamment entre rêve et réalité et l’on pense aux dernières répliques du Songe d’une nuit d’été  : « Si nous n’avons vécu, ombres que nous sommes, figurez-vous seulement,  pour tout arranger, que vous avez  seulement  dormi ici, pendant que toutes ces visions vous apparaissaient.»
On souhaite vraiment que Sleep soit présenté  un jour en France.

 Jean Couturier

Tokyo Metropolitan Theater du 14 au 17 août.

http://www.st-karas.com/sleep/

 

Livres, revues et DVD

Livres, revues et DVD…

Anna Halprin Danser sa vie

AnnaHalprinCe DVD-ROM a été réalisé par Peter Hulton qui, à l’occasion de la sortie du livre d’Anna Halprin, la grande chorégraphe et théoricienne de la danse américaine née en 1920,  Mouvements de la vie,  a filmé un atelier de deux jours qu’elle a réalisé en janvier 2010 à Paris et que publient aujourd’hui les éditions Contredanse. Avec des questions pour elle, fondamentales, à savoir le sens de la danse.  » J’ai un point de vue sur la danse, avait-elle précisé, En cinq minutes, elle a résumé comment elle concevait la danse: une science, une philosophie et un art ».
Ce DVD interactif comprend un certain nombre de mots-clés qui comprennent l’enregistrement de  l’atelier donné à Paris, les étapes de sa vie et ses feuilles de route. mieux vaut déjà connaître l’itinéraire  d’Anna Halprin qui abandonna la modern dance telle que la concevait Martha Graham ou Doris Humphrey ou Charles Weidman pour se mettre en contact avec des forces primitives et plus vitales pour elle.
Notamment, en privilégiant, ce qui paraît souvent la norme aujourd’hui dans les arts du spectacle, la disparition du cadre de scène. Mais aussi en demandant à ses  interpètes une implication autre que celle peut avoir d’habitude un danseur sur un plateau, notamment en créant un processus de création en plein air,  donc tout à fait proche de la nature et des besoins les plus primitifs de l’homme.

Editions  Contredanse 375 minutes, v.o. en anglais, sous-titrée en français. 32 €

Le Tartuffe 

Après Coups de théâtre, une jolie revue théâtrale des éditions L’Harmattan trop tôt disparue, le numéro 3 – Printemps 2014 du Tartuffe paraît sous l’égide du rédacteur en chef Gérard Allouche, homme passionné de textes et de théâtre.
Construire et déconstruire l’art dramatique, s’amuser du jeu et des jeux, faire voler en éclats les pièces et leurs perspectives : sans cette vie organique qui le métamorphose, le théâtre, selon lui, resterait sans voix, un paradoxe! Par ailleurs, le retour vers les classiques est éternel : «Nourri du passé, en quête d’avenir : un classique », Jean Grapin évoque ce concept-trésor sur lequel spectateurs, comédiens et metteurs en scène reviennent sans cesse.
Jade Lanza, elle, analyse la volupté du sacrifice dans l’œuvre de Musset  où aimer est une aventure héroïque, un chemin de croix douloureux, quand on doute de l’autre mais aussi de soi. Musset, Sand…
Jean Gillibert a eu carte blanche pour rappeler que l’éthique précède tout simplement l’esthétique. Pour ce psychiatre mais aussi metteur en scène et analyste érudit, l’acteur est un exilé perpétuel qui rappelle sa présence grâce à sa parole prophétique.
Gérard Allouche parle lui du fameux Mondory, cet acteur fétiche de Corneille qui mourut d’un a.v.c. sur le plateau  : «Son engagement paroxystique sur scène montre les ravages de l’alexandrin, arme létale et le pouvoir des mots, plus mortels que l’épée… »
Il y a aussi un excellent article de Michel Ellenberger consacré aux situations dramatiques selon Georges Polti (1868-1946), auteur méconnu. Dans  Les 36 situations dramatiques, il analyse les éléments dynamiques mis à l’œuvre dans tous les cas théâtraux possibles. Implorer par exemple, concerne le Persécuteur, le Suppliant et la Puissance indécise. Le Sauveur a à voir avec L’Infortuné, le Menaçant et le Sauveur. La rivalité des proches considère le Proche préféré, le Proche rejeté et l’Objet. Les crimes d’amour touchent autant l’Épris que l’Aimé. Le remords fragilise le Coupable et la Victime mais aussi l’Interrogateur.
Autant de situations,  sentiments, réactions, autant de victimes et bourreaux, de maîtres et d’esclaves : le calcul des probabilités est infernal mais témoigne de  l’infinie vitalité de la vie qui pétille et bruit en chacun, selon sa position. Cette problématique savante  a a été adoptée par le cinéma et enseignée… On ne peut rester indifférent à cette folle entreprise de l’inventaire humain. Ce numéro 3 du Tartuffe se lit avec un réel enthousiasme, un esprit de découverte. Donc à suivre…

Véronique Hotte

Le Tartuffe n°3  Éditions L’Harmattan, 12 euros.

 Carnets d’artiste  1956-2010 de Philippe Avron

 Image-3 Depuis longtemps, les hommes de théâtre ont consigné leurs observations, et souvent au jour le jour, sur la pratique de leur métier, et il y eut des livres formidables comme ceux de Louis Jouvet que les apprentis acteurs ne cessent de relire. Et celui de Philippe Avron, à la fois comédien mais aussi auteur, est de la même veine. Ces carnets, écrits un peu partout au hasard des possibilités dans un café souvent   « quand disait-il les idées sont fraîches, qu’elles ont envie de galoper, » et cela depuis 1956 jusqu’à sa mort en 2010 peu après avoir joué son Montaigne, Shakespeare et moi, mis en scène par Alain Timar au Festival d’Avignon. Un document d’une exceptionnelle richesse écrit par un homme passionné et généreux et qui n’arrêta jamais de travailler avec les plus grands metteurs en scène…
D’abord longtemps avec Jean Vilar au festival d’Avignon et au T.N.P. . puis avec  Jacques Lecoq, Peter Brook, Jorge Lavelli, Roger Planchon et Beno Besson, notamment dans  Le Cercle de craie caucasien de Brecht et dans Dom Juan de Molière Il fit aussi merveille au cabaret avec son vieux complice Claude Evrard. Puis il entama une carrière en solo avec ses textes: entre autres Ma Cour d’honneur, Je suis un saumon, Le Fantôme de Shakespeare que ces soit en France , au  Canada, voire aux Etats Unis.
On le vit aussi au cinéma dans les films de René Clair,  Michel Deville, Gilles Grangier. C’est de cette formidable aventure humaine et artistique à la fois qu’il parle dans  ces Carnets. Aussi intelligent dans ses réflexions que modeste, aussi pétillant d’humour que de gravité parfois philosophique. Boulimique, il possède une culture exceptionnelle, grand lecteur, et curieux de tout, il ne cesse d’admirer les êtres, les peuples, les textes et les œuvres d’art. Son Ophélia d’abord et toujours, et Shakespeare, les Dogons, Molière,  la philosophie de Kant…  .
Côté métier, il n’est pas du genre à céder: « Pas de vie sans combat. Autrement on regarde tomber ses cheveux ». Mais Philippe Avron reste lucide et pense à sa disparition prochaine et programmée: « A cinquante-trois ans, je me sens vieux quand j’ai peur, mais, à part ça, je pète le feu. Quand j’ai peur angoisse, je me sens vieux, figé. Quand j’ai peur maladie, je me sens vieux, perdu ». Mais avec un bel humour, il note plus loin: « C’est dommage que la vie finisse mal. On s’en va sur une mauvaise impression ». Et il mourra  au combat, à 81 ans, peu de temps après ce Montaigne, Shakespeare et moi  qu’il crée en Avignon, au Théâtre des Halles dans la mise en scène d’Alain Timar, sans doute conscient de vivre ses derniers jours: « Maintenant je dois me ménager pour mourir en pleine forme ».
C’est de ce parcours d’homme de théâtre que parle ce livre vraiment étonnant et qui se lit d’un seul trait.

Ph. du V.

Editions Quatre Vents L’Avant-Scène Théâtre, 20 €

Montaigne, Shakespeare et moi de et par Philippe Avron, image et réalisation de Jean-Michel Carasso.

  C’est l’enregistrement réalisé  par Jean-Gabriel Carasso des essais de ce dernier spectacle  au Théâtre de la Vie à Bruxelles.  Il est là seul en scène, avec son beau visage buriné, vibrant de passion tenant à la main un livre tout rafistolé d’Extraits de Montaigne qui avait appartenu à son père, lycéen à Calais pendant la Grande Guerre. Philippe Avron évoque ses souvenirs de vacances quand son grand-père qui, comme son père , s’appelait aussi Philippe et qui arbitrait le jeu du meilleur mort que lui et ses frères et sœur jouaient sur la plage de Sangatte. Comme un pressentiment?
Puis le comédien, droit dans ses bottes, simple et majestueux  commence par  lire Montaigne puis Shakespeare. « Tant qu’il y aura de l’encre et du papier de par le monde, j’écrirai ».
Diction et gestuelle  des plus  remarquables, présence fabuleuse, ce  dernier essai avant les quelques représentations d’Avignon,  est évidemment plus que précieux…  Ce testament  émouvant et bien filmé, qui est une initiative de l’association Les amis de Philippe Avron, nous restitue en une petite heure, à la fois l’homme et le comédien: c’est aussi  une grande leçon d’interprétation théâtrale. Le texte définitif du spexctacle est édité aux Editions Lansman.

Ph. du V.

Editions L’Oiseau rare.

Frictions n° 23

Au sommaire du dernier numéro de la revue dirigée par Jean-Pierre Han, plusieurs articles  tout fait intéressants comme entre autres, cet entretien par lui-même avec Olivier Py,  sur son parcours d’homme de théâtre en proie aux interrogations métaphysiques qui revendique à la fois son homosexualité e sa profonde foi catholique. Le nouveau directeur du festival d’Avignon, qui reste aussi et avant tout auteur et acteur, souligne que sa programmation correspond  à sa façon de penser le monde au travers des auteurs et des compagnies qui les jouent.
Il y a aussi  un court témoignage de notre ami René Gaudy qui fut proche d’Arthur Adamov auquel il a consacré une thèse. Il relate ici la fin tragique en décembre 90 de cet auteur que l’on ne joue plus guère et qui, pourtant, fut un des dramaturges importants de l’après-guerre en France.
Jean-Pierre Han  signale dans un beau portrait, l’apparition, disparition, réapparition de cet auteur-metteur en scène hors-normes,  inclassable et bourré de talent qu’est Eric da Silva dont la trajectoire est d’une certaine façon d’une logique remarquable, même si elle est à éclipses. L’homme qui a fait de grandes choses avec sa troupe L’Emballage Théâtre  comme Tombeau pour cinq cent mille soldats de Pierre Guyotat ou Troïlus et Cressida, adapté de Shakespeare, est sans doute brouillé à jamais avec les institutions, et c’est tant mieux. Même si le comité d’experts de la D.R.A.C-Île de France lui a manifesté son soutien  et l’a aidé financièrement.
Mais quand on pense aux réflexions idiotes d’un inspecteur de la Direction des spectacles sur son parcours  atypique, il y a des raisons d’être quelque peu amer… Pourtant Eric Da Silva, pour l’écriture et pour la mise en scène, a une place importante dans le théâtre contemporain. Ce que souligne à juste titre Jean-Pierre Han.

Ph. du V.

Frictions n°15. 14 €

Lettre de l’Académie des Beaux-Arts n° 76: L’art de la rue

Signalons aussi plusieurs articles à la fois bien documentés  sur les arts de la rue , notamment sur  sur ce mouvement d’expression urbain aux Etats-Unis dans les années 70 par Lydia Harambourg et un autre sur le parcours maintenant bien connu de l’excellent artiste qu’est Ernest Pignon-Ernest qui a réussi  à faire de la rue un lieu d’exposition grâce à ses photos sur papier collées un peu partout sur les murs de  grandes villes.
Ce numéro comprend aussi un article sur l’installation de l’artiste JR,  composée de trois parties réparties sur le dôme du Panthéon, sous la coupole et sur le sol, à l’occasion de la rénovation  du bâtiment par les monuments historiques. Avec plus de  4.000 portraits photographiques, les bâches de protection deviennent le support  d’une création artistique, ce qui n’est pas anodin.
Signalons aussi un dossier sur La Tour Paris 13 qui avait été appelée à disparaître fin 2013 et qui a servi un temps  d’exposition collective de street art, comme on dit en français, avec plus de 4.500 m2 au sol comme au plafond  sur neuf des étages et qui sont devenus le support d’artistes provenant de de seize pays.
Cette Lettre de l’Académie des Beaux-Arts n° 76 s’empare, ce qui est plutôt inhabituel pour une revue des plus officielles, d’un mouvement artistique qui, depuis cinquante ans, a donc  déjà maintenant une histoire, curieusement et logiquement par le bais de plusieurs galeries, un véritable marché…

Ph. du V.

Academie-des-beaux-arts.fr/lettre/minisite_lettre 76/index.html

 

Le Festival d’Aurillac 2014

Le Festival d’Aurillac édition 2014

Capture d’écran 2014-08-18 à 15.17.11Vingt neuf ans déjà que ce festival est bien connu en France mais aussi en Europe, voire un peu plus loin. « Ce programme, dit Jean-Marie Songy son directeur, devrait vous parler de l’âme et de sa jouissance, du vivre-ensemble et du beau geste, d’écologie personnelle et globale …) Nous guettons les signes de notre évolution, et faisons le pari que nous serons moins bornés en nous rassemblant dans les villes au nom de l’art ».
Avec, dans cette édition 2014, 21 spectacles payants ou gratuits, c’est selon,  mais les gratuits sont pour la plupart avec réservation payante et remboursement à l’entrée (on ne voit pas bien le mode d’emploi mais bon…!) et un certain nombre de créations comme Hagati Yacu, « poème urbain de la guerre, du soleil et de la mélancolie », en trois épisodes par la compagnie Uz et coutumes, Trust-Objet nocturne n°24 par le Groupe Merci, ou encore Le Banquet de la vie qui reprend le thème du banquet… sans mariés mais avec ses convives. Réunis pour célébrer la vie, témoigner de la leur et se nourrir » ,  et d’autres qui ont déjà pas mal tourné dans l’hexagone comme le spectacle de Sébastien Barrier,  rencontre avec sept vignerons de Val-de-Loire, Savoir enfin qui nous buvons (voir Le Théâtre du Blog).
Moins, semble-t-il, de compagnies étrangères, mais de grande qualité, comme celle, entre autres, et très attendue, d’Ascanio Celestini, acteur auteur italien, bien connu maintenant dans son pays,  et David Murgia, comédien belge,  avec un spectacle de théâtre-récit, Discours à la nation dans la lignée du grand Dario Fo, sur la société contemporaine sur fond de démission des syndicats, et fausse respectabilité de politiciens et chefs d’entreprise.
Il y aura aussi We par la compagnie amsterdamoise du Project Wildeman qui se définit comme une déclaration de guerre à l’encontre de l’individu et une quête de nouveaux moyens pour construire la communauté ».
Au Festival d’Aurillac, il y  aussi, en parallèle, une sorte de off officiel, le rendez-vous de quelque 500 compagnies dites de passage, avec un programme quotidien édité au jour le jour, qui jouent un partout dans les rues, cours, places, etc… du vieil Aurillac. Mais où évidemment,  on trouve un peu de tout…
C’est aussi l’occasion d’un certain nombre de rendez-vous de professionnels du théâtre de rue, dont les chemins croisent parfois ceux d’un théâtre plus ancré dans la vie des grandes villes françaises…Même s’il y a aussi belle lurette que le Festival d’Aurillac se joue aussi dans les salles et où  la SACD, intervient pour soutenir les jeunes compagnies et le travail d’auteurs confirmés. Ce qui revient à défendre les droits d’auteurs de spectacles de rue, chose aujourd’hui considérée comme bien normale mais encore impensable il y a une vingtaine d’années…
Les festival d’Aurillac comme celui d’Avignon verra sans aucun doute apparaître les revendications des intermittents, nombreux sur ses spectacles. Et c’est bien ainsi; il faut croiser les doigts pour que la météo soit un peu plus clémente en cette fin août…

Philippe du Vignal

Festival d’Aurillac: festival@aurillac.net et www.aurillac.net. T: 04 71 43 43 70

opéra chinois pour touristes

Opéra chinois pour touristes

Plaisir et obligation du visiteur en Chine : une soirée d’opéra. Disons, de cabaret. À Xi An (bien prononcer les deux syllabes), on vous propose un immense restaurant, face à une grande scène. Un couple de présentateurs, costumés, évoque les anciens fastes impériaux.
Suivent des numéros d’une incontestable qualité : de fines danseuses vous présentent leurs impeccables « danses du printemps et de la pluie », ou  L’Histoire de la princesse hirondelle, avec leurs gracieux (et un peu lassants au bout d’un moment) effets de longues manches flottantes et de voiles, sur fond de projections vidéo dans les mêmes couleurs de bonbons anglais.
L’orchestre de cymbales qui suit,  d’une incroyable virtuosité, fait alterner éclats retentissants et murmures subtils du métal, dissonances et roucoulements. Un musicien siffleur communique son plaisir de jouer et fait rire un public qui n’a pas toutes les clés (mais les numéros sont présentés en chinois et en anglais).
Bref, l’honorable étranger est content de sa soirée.
Il avait eu un aperçu de ce genre de spectacle à Hohot, capitale de la Mongolie-Intérieure : sous le dôme d’une salle reproduisant  » la yourte de Gengis Khan », donc démesurée, orchestres d’instruments traditionnels, danses viriles, scènes parfois hermétiques pour l’Européen de passage (ici, le spectacle n’est pas bilingue), épopées chantées avec une orchestration qui relèverait plutôt de la variété italienne, violon à une corde électrifié…

Le touriste doit s’y faire : il n’aura droit d’accéder à l’authentique que par le filtre du folklore. Et cela, pour lui faire plaisir : tout y est, pour lui, inutilement sonorisé, orchestré selon les codes de la très monotone variété internationale. Sous cette lourdeur, la source, religieuse (pour l’orchestre de cymbales), historique (l’incarnation d’une danse très ancienne dont il ne reste que les figurines Tang), est encore vive.
Il reste de beaux moments d’une culture traditionnelle habitée, et une esthétique hétéroclite de la surenchère par l’excès de bruit, de couleurs, d’accumulation décorative,  qui n’a pas encore tout noyé.

Pour le moment, la masse des touristes en Chine est chinoise. En bonne dialectique, le pays a fait table rase de la Révolution culturelle pour mener à bien sa dernière révolution : celle du tourisme (en même temps que celle de l’écologie, mais ceci est une autre histoire). Il reconstruit, comme cela s’est toujours fait au fil des siècles, temples, jardins et palais,et  aménage des accès pour gérer le flux des visiteurs.
Mais, en matière de spectacle, le touriste n’aura jamais que ce qu’il mérite : des produits faits pour lui, censés plaire statistiquement au plus grand nombre. Tant pis pour le touriste français qui aime tant… ne pas être un touriste et échapper au spectacle pour touristes…

Christine Friedel

Dancing Grandmothers

photo

Dancing Grandmothers,  conception et chorégraphie d’Eun Me Ahn

   Un déluge de pluie s’est abattu sur  la capitale! Pourtant, grâce au travail des techniciens et à la conviction de Kaori Ito et d’Olivier Martin-Salvan,  La Religieuse à la fraise  (voir Le Théâtre du Blog), programmé aussi par Paris Quartier d’été,  réussit à se dérouler normalement sur les berges de la Seine pour le plus grand plaisir du public.
Et il y avait ce même soir, au Théâtre de la Colline, le spectacle de la chorégraphe coréenne Eun Me Ahn qui débute avec un  court solo silencieux, puis continue avec les solos de trois danseuses et six danseurs sur de la musique électronique. Le plateau nu est fermé par un curieux rideau de fond de scène en chemises et  T-shirt de tons clairs, rehaussés par des lumières multicolores qui vont baigner en permanence cette création.
Ensuite, nous découvrons en silence, des vidéos de grands-mères coréennes de soixante à  quatre-vingt cinq ans qui dansent gaiement devant la caméra, avec, surtout, des balancements de bras au-dessus de la tête. Ce  qui, selon la chorégraphe, est une façon pour elles, de se libérer du dur travail manuel du passé. A la moitié de ce  spectacle de quatre-vingt dix minutes,  avec la complicité des danseurs, douze de ces grands-mères viennent sur scène nous livrer leurs propres danses.
Les musiques composées de musique de variétés des années 70 en Corée, (en particulier les chansons chantées par un Elvis Presley local),  reprennent  souvent des standards européens et emporte le public vers  une nostalgie joyeuse. A un rythme rapide, se succède alors un mixte de danses traditionnelle et contemporaine), avec clins d’œil fréquents au public. Leurs jupes et robes  semblant sortir  d’un Emmaüs coréen,  et rivalisent de fleurs et motifs aux couleurs criardes.
Grâce à la danse, ces vieilles dames semblent avoir la volonté de libérer leurs corps des contraintes du temps, retrouvant ainsi une certaine jeunesse, et se confrontent aux neufs jeunes danseurs et danseuses. «La gaîté appelle le bonheur, la danse appelle le bonheur» cette  phrase de la chorégraphe, projetée un instant en fond de scène,  traduit la volonté de partage avec le public.
Car, pour  Eun Me Ahn, tout le monde peut danser. A la fin, des dizaines de boules à facettes descendent des cintres, et  avec les artistes  et les grands-mères, elle invite le public à les rejoindre sur scène dans une danse effrénée.
Rarement,  le Théâtre National de la Colline n’aura connu une telle joie sur scène… Merci au festival Paris Quartier d’été d’avoir permis à tous de vivre ce moment unique. Tendre parfois et joyeux toujours.
..

Jean Couturier

Théâtre National de la Colline du 6 au 9 août.                 

Breizh Kabar

Festival Interceltique de Lorient

Breizh Kabar  par le Kevrenn Alré (Bagad et Cercle d’Auray), et la Saodaj’ (Mayola Nomade, Île de la Réunion et Firmin Viry et sa famille).
 
imagesL’histoire du peuplement de La Réunion (350 ans!) relie dès le début, la Bretagne et de La Réunion, puisque de nombreux Bretons sont  allés par  la mer s’installer dans l’île, quand d’autres préféraient poursuivre leur passage sur la route des Indes.
La famille Viry, famille rurale et réunionnaise, dont le père Firmin est le chef tonique et  la grande figure de la culture maloya, est un groupe musical qui concerne tous ses membres. Les Viry se sont en effet attachés à collecter et à retranscrire les richesses de la culture de leur île, et, c’est grâce à cette famille, qu’a pu resurgir la musique traditionnelle créole, la maloya.
Mais les pouvoirs publics voyaient d’un mauvais œil cette forme artistique issue de l’esclavage, mouvement de révolte et symbole profane d’un rite sacré et confidentiel, le kabaré, le culte des ancêtres , et 
essentiel à la communion avec les esprits.
Le spectacle provient du métissage de ces deux  cultures:  la maloya réunionnaise et le fest-noz breton, (danse et musique) inscrites au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Le fest-noz comme la maloya traduisent un moment convivial de chants et de danses, à travers les travaux et les saisons qui passent. Ce soir-là, les frères Morvan se lancent dans un kan-ha-diskan des plus virulents, et un jeune chanteur d’Auray fait preuve d’un talent prometteur.
Le métissage  s’accomplit à travers les musiques qui résonnent et les corps qui dansent, expression privilégiée d’un chemin artistique commun. Aujourd’hui, le jeune groupe réunionnais Saodaj’ s’associe à la famille Viry pour cette rencontre avec le Bagad et Cercle d’Auray, la Kevrenn Alré.
Saodaj’ signifie « l’épine amère et douce » qui s’implante sans douleur dans le corps et l’âme de celui qui écoute. Le groupe Saodaj’ (Marie Lanfroy, Jonathan Itema, Fodé Cipriano, Laurence Courounadin Mouny) chante dans la tradition du verbe et de la musique créole réunionnais, avec une inspiration puisée dans le Maloya, à partir des sonorités de l’harmonium, des tambours et des vibrations primitives du Yidaki (Didgeridoo).
  Ce beau voyage onirique s’accomplit à travers une transe  contemporaine avec  les percussions réunionnaises et les baticongas. Saodaj’ se fond alternativement dans l’univers maloya et s’en échappe. Quant à la Kevrenn Alré, un ensemble musical traditionnel, contemporain et ouvert au monde, il sait depuis longtemps faire voyager les imaginaires
La culture bretonne épouse naturellement les expressions artistiques, éloignées en apparence mais qui se révèlent en être souvent  proches :  jazz,  classique, rock et autres musiques populaires. Les influences de ses chefs de file, Fabrice Lothodé, Julien Le Blé, Gweltaz Rialland, Loïc Le Cotillec sont nombreuses.
 Spectacle musicalement somptueux, avec son penn-soner et son bagad d’interprètes de cornemuses, bombardes, caisses claires et  clarinettes: la formation musicale traditionnelle sait s’assumer en tant que telle , et se couler dans la modernité de son temps, en jouant de rythmes nouveaux, et en s’amusant de brisures et de cassures…
Juste un bémol:  il y a un côté muséal du cercle de danse qui ne trouve pas vraiment  sa  place de spectacle traditionnel, renouvelé et vivant. La chorégraphie offre ainsi au public une reproduction mimétique des gestes de travail et des figures de danse de fest-noz, trop illustratives et souvent proches de l’  amateurisme, malgré la qualité des interprètes. Avec un écart entre une musique reine et une danse  qui n’arrive pas à s’imposer sur la scène.

 Véronique Hotte

 Grand Théâtre de Lorient,  le 9 août.

 

 

The Financier (Turcaret ou le financier)

The Financier (Turcaret ou le Financier) d’Alain-René Lesage, adaptation en anglais de Laurie Steven et de Joanne Miller, mise en scène de Laurie Steven.


DSC_0106 Cette première  au Canada d’une adaptation en anglais par la compagnie Odyssey sous les étoiles,  de Turcaret, le Financier d’après  Lesage a été réalisée pour des acteurs masqués de commedia dell’arte.
Malgré des costumes rappelant ceux  du 18ème siècle  et des masques d’une grande beauté, une chorégraphie délicate et un décor d’une grande sensualité inspirée des tableaux de François Boucher, le résultat  n’est pas tout à fait à la hauteur…
Cette œuvre comique en prose (1709),  est aussi le  portrait cruel du stéréotype de l’usurier, un des personnages les plus vils de la société selon Lesage : «  L’usurier le plus juif: il vend son argent au poids de l’or ». L’auteur  se moque  ici de l’avarice qui des  financiers mais  surtout de Turcaret, figure emblématique de son temps. Entouré d’une bande de fourbes qui  font tout pour le tromper, le trahir, le ridiculiser et le dépouiller de ses biens, Turcaret va devenir  le plus détestable des hommes et tous les  moyens vont donc être bons pour le ruiner…
La Baronne, dont il est amoureux, le trompe mais le financier lui cache l’existence de sa femme légitime, et lui dissimule aussi les prêts qu’il accorde à des gens de réputation douteuse. (Le  comédien qui  joue avec subtilité à la fois Vole et  Ratsa est excellent).
Turcaret  qui fait crouler son petit monde bâti sur des mensonges et sur la soif d’argent mériterait  la plus grave des punitions. Nous  voyons alors la belle maison de la Baronne, qui tire tout son argent des cadeaux reçus de son amant, voler littéralement en éclats!
Et Frontin, le valet de Turcaret, finit par mettre la main sur  la fortune de son maître pour continuer ses machinations.  Mais le triomphe du valet  annonce la chute de l’usurier, mais pas encore le début des conflits de classe… Lesage n’est pas Beaumarchais et  la Révolution française  n’aura lieu que dans quatre-vingt ans.
L’irruption de la commedia dell’ arte dans la pièce  est belle et divertissante surtout dans la deuxième partie mais les personnages sont dépouillés de leur côté cruel.  Le jeu masqué  déplace l’attention sur le corps et  élimine toutes les nuances humaines inscrites dans le texte. Et cela affaiblit donc la sauvagerie de la situation… La pièce souffre déjà d’une  structure dramatique  peu développée, et est fondée sur les personnages, et sur  leur  manière de théâtraliser leur fourberie et leur cruauté.
Les conventions de la commedia dell’arte  autorisent la mise en relief d’une chorégraphie raffinée et exempte de vulgarité. Mais les personnages-types jouent dans les boudoirs,  loin de la foire populaire, et la première partie de la  pièce devient assez fade, voire monotone. Et ces corps masqués  n’arrivent pas à transmettre la méchanceté  qui sous-tend les dialogues  de Lesage.
Les valets ici,  sont de gentils manipulateurs, le chevalier, un beau gosse qui séduit la Baronne, et le jeu  des acteurs est assez dilué, sauf celui de la comédienne qui joue Lisette, la femme de chambre de la Baronne. Elle suinte la méchanceté et la passion pour l’argent… Et on la croit capable de n’importe quoi pour arriver à ses fins.
L’action se corse  aux derniers moments de la pièce, et le jeu de Turcaret s’éveille : on le voit pris de panique quand  son monde s’écroule autour de lui. L’équipe de bons acteurs maîtrise la technique de la commedia dell’arte,  ce qui est exceptionnel sur une scène canadienne, mais  Laurie Steven et de Joanne Miller ont édulcoré la cruauté de Lesage et en ont certainement trahi l’originalité, sans  vraiment apporter un nouveau sens qui redonnerait un véritable intérêt à la pièce.
Une soirée amusante, techniquement  réussie, mais  guère plus…

Alvina Ruprecht

Théâtre d’été d’Ottawa du 24 juillet au  24  août.

 

 

dans l’univers des bardes, Anoushka Shankar

 Festival Interceltique de Lorient:

Dans l’univers des Bardes,  Anoushka Shankar

 

images-1La sitariste Anoushka Shankar, 33 ans, fille et disciple du maître légendaire Ravi Shankar disparu en 2012, a, dès son plus jeune âge, a sillonné avec lui les scènes les plus prestigieuses du monde, et est maintenant une figure lumineuse de la world-music.
  A vingt ans,  elle s’est engagée dans une carrière solo et  compose des œuvres représentatives d’une singulière exploration de métissages entre musiques indienne et  occidentale.
Elle présente ici son septième album, Traces of you, une œuvre facétieuse,  où les ragas indiens sont joués sur des arrangements pour cordes classiques occidentales et où la voix revêt un rôle sourd et prégnant.
Traces of you est aussi un hommage à la voix de sa demi-sœur, Norah Jones. Sur scène, la formation d’Anoushka Shankar est composée de musiciens, à la fois jeunes et aguerris , aux origines diverses mais résidant tous à Londres. Ayanna Witter-Johnson, tunique rouge seyante, est au chant et au violoncelle, Pirashanna Thevarajah, au mridangam et au ghatam, Manu Delago, à la batterie et au tambour hang, Sanjeev Shankar est au shehnai et au tanpura, et Danny Keane, au piano et au violoncelle.
  « Il y a dans mon travail, dit Anouska Sitar, dans mon éducation et ma culture d’origine, la musique que j’ai apprise de mon père. Cela fait partie intégrante de mon être, mais il y a aussi cette musique autre qui reflète une dimension multiculturelle à laquelle j’appartiens encore, à travers mon histoire et ma génération, la musique de mon temps. Même si mes chansons relèvent d’une musique classique indienne, les arrangements en transforment la facture convenue. »
Cette musique,  à la fois traditionnelle et revisitée, possède une évidence flagrante  surtout dans les tonalités contemporaines, et les instruments répondent aux appels de la sitar qui mène la danse, en dentellière des sons et des soupirs.
Un concert envoûtant qui mène le public vers des espaces lointains trop peu visités.

 Véronique Hotte

 Espace Marine, , le 6 août.

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