la saison 14-15 du théâtre national de Chaillot

La saison danse 2014-2015 du Théâtre national de Chaillot

photoMalgré les grands travaux de rénovation  du théâtre, la saison future s’avère très prometteuse. Sur les 34 spectacles prévus  avec quelque  260 représentations, vingt spectacles de danse… Josette Baïz ouvre le bal en octobre avec vingt-deux adolescents de 14 à 18 ans qui donneront toute leur énergie pour faire vivre Roméo et Juliette.
 Au même moment, José Montalvo réalisera une proposition dansée autour de Huit et demi de Federico Fellini puis une adaptation de l’épopée de Gilgamesh.
Carolyn Carlson présente un nouveau solo, Now, musique de René Aubry.  On attend aussi une chorégraphie de Pierre Rigal, Paradis Lapsus,  avec deux danseurs et une chanteuse.
William Forsythe, honoré par le festival d’Automne, présente une dernière fois sa compagnie,  avec Study # 3. Andréa Siter dansera un solo inspiré de son parcours personnel d’artiste.
 En décembre, la Batsheva Dance company reprendra un grand succès, Décadanse Paris, et une nouvelle création.  Béatrice Massin, elle,  fera rêver le public avec sa version de La Belle au bois dormant. Philippe Decouflé, lui,  prépare, avec Contact, un hommage à Pina Bausch et aux comédies musicales! «Je vais faire un truc divertissant», promet-t-il.
Du côté international, il y aura aussi deux coproductions du festival d’Avignon avec Arkadi Zaïdes et Thomas Lebrun. En mars, deuxième Biennale d’art de flamenco, en collaboration avec la Biennale de Séville,  et,  au même moment,  Hideki Noda interpétera Egg avec  d’importantes parties dansées. Ce sera aussi  l’occasion de découvrir  la compagnie nationale norvégienne de danse, dans le cadre d’une carte blanche, avec Not Here/Not Ever.
  En avril, période de migration des oiseaux, nouvelle création de Luc Petton avec quatre grues du Japon et quatre danseurs. Philippe Jamet, qui avait enthousiasmé le public avec ses Portraits dansés va réaliser des Portraits Chantés. Enfin, pour clôre une belle saison de découvertes, la Montréalaise Danièle Desnoyers et trois spectacles de  l’australien Gary Stewart, Stephanie Lake, et un projet de Falk Richter avec Anouk van Dick.
«L’art du théâtre ne prend toute sa signification, disait Jean Vilar, que lorsqu’il parvient à assembler et à unir. » La danse aura aussi cette faculté au Théâtre National de Chaillot.

Jean Couturier
theatre-chaillot.fr
 

          


Archive pour 7 septembre, 2014

open space

Open Space, conception et mise en scène de Mathilda May

 

p183751_2Sur la grande scène transformée en « open space »  six personnages partagent, pendant une journée, le huis-clos de ces  “bureaux ouverts”.
Sans cloison, sans véritable intimité! Ce sont les bruits qui dominent et qui ponctuent le spectacle, amplifiés et distordus, grâce à une sonorisation virtuose. Couinements des sièges, cliquetis des touches d’ordinateur, grondement de la machine à café, sonneries incessantes des téléphones, cataractes des toilettes, jusqu’au tapotement des doigts sur un bureau métallique, ou au bruit d’un avion qui rugit quand on ouvre la fenêtre, composent ici une symphonie burlesque et rythment les borborygmes des comédiens qui retrouvent ici le plaisir du grommelot.

“ Le spectacle est né des sons  » explique Mathilda May qui a composé aussi toutes les musiques du spectacle. La  comédienne que l’on connaît bien, est aussi autrice-compositrice, romancière et danseuse de formation, ce que l’on sait moins. Elle conjugue ici tous ses talents pour réaliser une comédie “burale” où elle a demandé aux interprètes, recrutés sur auditions, de savoir danser, chanter, mimer…
Chacun a composé son personnage: il y a La Femme agaçante, (Stéphanie Barreau), dont les talons  aiguilles martèlent insupportablement le sol ;  la Déjantée qui boit en cachette (Dédéine Volk Léonovitch); la Complexée ( surprenante Agathe Cémin), amoureuse transie du jeune employé dynamique Jean Loup-Denis Elion tout en grâce et souplesse). Il y a aussi le Jovial débonnaire, et enfin celui qu’on a mis au placard, devenu invisible pour ses collègues, mais pas pour les spectateurs qui ne perdent pas une miette du jeu d’Emmanuel Jeantet (alias Manu Kroupit) qu’on a pu voir  chez  Philippe Genty. Gilles Gaillot, quant à lui, interprète tous les personnages venant de l’extérieur, dont le patron,  petit chef véreux.

Le spectacle est  toujours en mouvement, avec une chorégraphie des corps au travail voués à une dérisoire répétitivité. Les gestes insignifiants, caricaturés, prennent  une ampleur grotesque, et  ouvrent ainsi des espaces plus intimes, et des parenthèses au sein du quotidien, où les protagonistes donnent libre cours à leurs fantasmes. Il y a aussi quelques échappées poétiques et  des instants ludiques. Parfois le groupe se fige : arrêt sur image  avec un gros plan sur l’un des employés...
Mathilda May ne signe pas ici une œuvre réaliste ni polémique sur le monde du travail ou sur la sociologie des bureaux dits “paysagers”. D’autres s’y sont déjà attaqués comme Alexandre des Isnards et  Thomas  Zuder avec Open space m’a tuer (Livre de poche). “On ne sait pas ce qu’ils font comme métier, dit-elle, ni quel est l’objet de leur productions (…) C’est leur intimité qui m’intéresse, confrontée aux obligations du boulot, à la hiérarchie, à la routine.” Elle nous livre ici des instants de comédie humaine, avec  de petites et grandes tragédies personnelles (il y a quand même mort d’homme dans ce spectacle!)
Tenir la scène une heure et demi à ce rythme, c’est prendre le risque de s’essouffler, et à certains moments, le spectacle patine, quand, par exemple, surgit la femme du patron, et c’est dommage. Mais une situation a à peine le temps de s’éterniser,  qu’un mini-événement surgit, et c’est reparti pour le rire, avec une nouvelle trouvaille. Et après tout,  pourquoi bouder son plaisir devant le plaisir manifeste qui circule sur le plateau ?

 Mireille Davidovici

 Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Roosvelt ; T. 01 44 98 21 jusqu’au 19 octobre.

 

Sils Maria et Winter Sleep

Sils Maria et Winter Sleep.

 

A l’affiche de la rentrée, deux très beaux films qui tissent des liens intimes avec le théâtre:  Sils-Maria d’Olivier Assayas met en scène une célèbre comédienne, Maria Enders, qui doit reprendre une pièce qu’elle a jouée vingt ans auparavant. Seulement, ce n’est plus Sigrid, la jeune première conquérante qu’elle doit incarner, mais le rôle moins prestigieux de sa partenaire d’alors, Héléna, une femme mûre, celle qui perd au jeu de l’amour qui les a enflammées toutes deux.
Maria est brutalement face à la jeunesse qu’elle n’a plus, en la personne d’une bimbo du moment, made in Hollywood, jouée par la pulpeuse Chloé Grace Moretz.

Juliette Binoche Sils Maria StillJuliette Binoche qui a suggéré le thème du film à Olivier Assayas avait envie de faire se croiser trois personnages de femmes et se confronter deux générations d’actrices. Le réalisateur a donc écrit un scénario où les répétitions de la pièce tiennent une large place.
 Pour travailler, Maria Enders et Valentine,sa jeune assistante se sont retirées dans la maison du défunt auteur, à Sils-Maria, dans le village d’Engadine, au charme magique, qui fut la villégiature de Nietzsche et de bien d’autres écrivains dont Hermann Hesse, Rainer-Maria Rilke, Marcel Proust…). Un nuage, dit “Serpent de Maloja” (le titre de la pièce imaginée par Assayas), se lève et rampe dans la vallée, maléfique comme le temps qui passe.
 L’âge qui vient n’obsède pas seulement les actrices, mais tout un chacun. C’est en quoi le sujet de l’œuvre ne s’enferme pas sur des egos étriqués comme souvent dans le cinéma français. Mais la forme du film doit beaucoup au théâtre et Le Serpent de Maloja est une pièce solidement écrite, aux ambiances parfois ibseniennes.
Dans ce cadre romantique, avec la mort qui rode dans la montagne (fantôme de l’auteur et disparition de Valentine), se joue un étrange jeu entre Maria et son assistante. Leur dialogue et celui de la pièce se superposent, leurs préoccupations et celles des répliques entre Sigrid (Valentine) et Helena (Maria) se mélangent et l’on ne  distingue bientôt plus le théâtre de la situation présente.
Ce tuilage, cette confusion et  l’amitié amoureuse qui lie les deux femmes,  renvoient insidieusement à la passion funeste entre la Sigrid et l’Helena de la pièce. En épilogue, le théâtre reprend ses droits et  c’est sur une scène que se dénoue le film. Olivier Assayas réussit ici avec son équipe d’acteurs, et grâce à un montage exemplaire,  une belle performance.

 Winter Sleep de Bilge Ceylan Bilginer

 708xNx708.pagespeed.ic.fClaZYTHYkC’est également le théâtre qui est convoqué dans ce magnifique film de ce réalisateur turc, en la personne du héros, un acteur autrefois charismatique, retiré depuis en Anatolie. Devenu tenancier de l’hôtel Othello, Aydin s’enlise peu à peu dans la solitude d’un couple qui n’en est plus un, et dans le rôle de notable de village qu’il est devenu.
Niché dans d’admirables paysages  enfouis sous la neige, la petite bourgade troglodyte vidée de ses touristes, semble somnoler; la misère couve sous les braises et ses habitants qui vivent à crédit, ne peuvent que s’en remettre à la miséricorde d’Allah.
Réfugié au fond de la grotte  où se trouve son bureau et  où il a la velléité d’écrire une histoire du théâtre turc, Aidyn refuse de voir la réalité sociale en face et campe sur son bon droit de hobereau de province, aveugle à la pauvreté et méprisant les indigents. Et il se coupe aussi de ses proches :  sa sœur et sa jeune épouse avec lesquelles il s’affronte longuement (plus de vingt minutes chaque fois) dans deux scènes dignes de Tchekov : “Je m’intéresse à tout ce qui se dérobe, au monde intérieur des individus, à leur âme, à la manière dont ils se lient ou s’opposent. Les questions que se pose le grand mélancolique que je suis sont celles qui nous travaillent de toute éternité », confesse le réalisateur. Et  sa  caméra de fouiller et scruter sans trêve les visages et les paysages.
Aydin rêve de retourner à Istanboul, sans jamais y parvenir, et  on pense évidemmment aux Trois Sœurs…
Le réalisateur de Winter Sleep, s’est d’ailleurs nourri de Tchekov qu’il admire. On y reconnaît son cynisme, sa mélancolie, le sens qu’ont les personnages d’être passés à côté de leur vie. Le long hiver russe n’est pas loin et il y a aussi l’espoir d’un train… qu’on ne prendra pas. Certaines scènes sont très théâtrales par la teneur de leur dialogue, mais les jeux de lumière sur les personnages renvoient à une intimité profonde.
Pour que le film atteigne vraiment à la perfection, on eut aimé que Bilge Ceylan Bilginer maîtrise un peu mieux son montage et que, dans des séquences domestiques moralisantes qui s’éternisent, fasse plus confiance à ses remarquables images qu’aux mots, comme dans les  très belles scènes avec l’enfant ou avec le cheval qui, eux, ne parlent pas !
Trop de théâtralité nuit parfois au cinéma, mais pas assez ici,  pour regretter d’avoir vu ce film.

 Mireille Davidovici

 

 

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