Le Capital et son singe. Sylvain Creuzevault

Le Capital et son singe, à partir du Capital de Karl Marx, mise en scène de  Sylvain Creuzevault

 

lecapitaletsonsinge  “ Le Capital et son singe que nous te donnons ici à jamais inachevé, spectateur bienveillant, a été composé par l’auteur il y a quelques jours. Il a toujours eu l’intention de le terminer, mais l’aphasie a fini par l’emporter avant qu’il ai pu le mener jusqu’au terme désiré”,  avertit le programme. Avec toute la bienveillance demandée avec humour au public par ce jeune collectif, et grâce au souvenir laissé par leur décoiffant Notre Terreur, présenté en 2009 dans ce même théâtre (voir Le Théâtre du blog),  on est peu enclin à la sévérité….   D’autant que ça commence bien: avec un brillant et désopilant échange d’idées entre Michel Foucault, Sigmund Freud et Bertold Brecht, interpété en solo par le talentueux Arthur Igual.  Le débat continue, à plusieurs, autour d’un repas de haricots pour Blanqui, et de lentilles pour les autres personnages dont Raspail, Louis Blanc, Barbès, Fourier, et même Engels, réunis, à la veille du 15 mai 1848, alors que la gauche, minoritaire après les élections, se trouve évincée du gouvernement.    Comment peser sur l’Assemblée en pleine rédaction d’une nouvelle constitution? Comment reprendre le pouvoir, après la révolution trahie par des élections?  Par la violence ou par la force des idées? Il est question du rôle de l’Etat dans l’économie, puis on en vient bientôt à une explication lumineuse et ludique de la valeur d’usage et et de la  valeur d’échange chez Marx. Puis, à une définition du capitalisme, où Blanqui le radical s’oppose à Barbès, le légaliste… Suspense. Jusque là, on suit à peu près, malgré quelques cafouillages, mais cela se gâte vite! Nous voici à Berlin, le 13 juin 1919. Dans une vague parodie de La Noce chez les petits bourgeois, les convives parlent, à bâtons rompus, du taylorisme à l’américaine, tandis que défile le cortège funèbre de Rosa Luxembourg,  assassinée par la police qui a maquillé son meurtre en noyade. Après l’agonie (et la résurrection?) de Spartacus, le spectacle  zappe de nouveau: 23 mars 1849, c’est le procès de Barbès, Blanqui et Raspail, auxquels se mêlent… Jacques Lacan et l’extravagant Daniel, dit Dada.  Au gré des séquences et des zigzags spatio-temporels, on prend un certain plaisir à voir s’incarner des personnages qui ne sont plus, pour la plupart d’entre nous, que des noms de rues; on apprécie la généreuse  démarche de vouloir faire entendre la pertinence des idées marxistes, de convoquer des débats d’hier, pour éclairer notre réflexion sur l’actualité d’aujourd’hui. Le Capital et son singe analyse le glissement progressif du prolétaire de la société préindustrielle décrit par Marx, vers le consommateur aliéné par le capitalisme mondial. Mais, au bout de deux heures et demi de cette comédie « difficile »,  L’Avertissement au spectateur  cité plus haut  semble être aussi un constat d’échec chez le metteur en scène.  Où est le “long, immense et raisonné hurlement de la pensée “ promis?  Où est la comédie “pure et dure” annoncée? Le Capital, traité ardu, se laisse ici difficilement saisir et  le théâtre n’est sans doute pas le lieu  propice à son adaptation?  Mais Karl Marx, dont  la figure tutélaire hante la scène, est bien là,  et ses idées restent vivantes, grâce aux acteurs et à leur inventivité. Ils en appellent à Georg Büchner, William Shakespeare, Walter Benjamin, Arthur  Rimbaud et à bien d’autres rebelles. Ils mélangent, dans un joyeux bric-à-brac, traité d’économie et de poésie, petit refrain caustique et chant de la Commune  (La Semaine sanglante de Jean-Baptiste Clément  fait office de conclusion).   Le spectacle, promis à une longue tournée, se présente pour l’instant comme un chantier: “L’auteur hésita à donner pour titre à cet inachèvement Des planches, du rabot et du balai … Et les acteurs ont pris la courageuse décision d’improviser ce qui, de l’écriture, est encore resté à l’état de fluidité…et à certains endroits de presque absence”, précise le programme! La pièce reste inachevée, comme Le Capital, mais va sans doute évoluer, gagner en cohérence,  et enfin peut-être trouver sa pleine forme.

 

Mireille Davidovici

Théâtre de la Colline T. 0144 62 52 52 www.theatre.colline.fr  jusqu’au 12 octobre

 En tournée : les 5 et 6 novembre, Scène Watteau–Scène conventionnée de Nogent-sur-Marne; du 26 au 29 novembre, MC2, Grenoble ; les 4  et 5 décembre, Archipel–Scène nationale de Perpignan ; 5 et 7 février 2015, La Filature – Scène nationale de Mulhouse; Et, en 2015:  les 13-14 février  Le Cratère – Scène nationale d’Alès; 11 et 14 mars , Bonlieu – Scène nationale d’Annecy; 13 et 16 mai , Théâtre national de  Bruxelles.

 

 


Archive pour 8 septembre, 2014

Le Capital et son singe. Sylvain Creuzevault

Le Capital et son singe, à partir du Capital de Karl Marx, mise en scène de  Sylvain Creuzevault

 

lecapitaletsonsinge  “ Le Capital et son singe que nous te donnons ici à jamais inachevé, spectateur bienveillant, a été composé par l’auteur il y a quelques jours. Il a toujours eu l’intention de le terminer, mais l’aphasie a fini par l’emporter avant qu’il ai pu le mener jusqu’au terme désiré”,  avertit le programme. Avec toute la bienveillance demandée avec humour au public par ce jeune collectif, et grâce au souvenir laissé par leur décoiffant Notre Terreur, présenté en 2009 dans ce même théâtre (voir Le Théâtre du blog),  on est peu enclin à la sévérité….   D’autant que ça commence bien: avec un brillant et désopilant échange d’idées entre Michel Foucault, Sigmund Freud et Bertold Brecht, interpété en solo par le talentueux Arthur Igual.  Le débat continue, à plusieurs, autour d’un repas de haricots pour Blanqui, et de lentilles pour les autres personnages dont Raspail, Louis Blanc, Barbès, Fourier, et même Engels, réunis, à la veille du 15 mai 1848, alors que la gauche, minoritaire après les élections, se trouve évincée du gouvernement.    Comment peser sur l’Assemblée en pleine rédaction d’une nouvelle constitution? Comment reprendre le pouvoir, après la révolution trahie par des élections?  Par la violence ou par la force des idées? Il est question du rôle de l’Etat dans l’économie, puis on en vient bientôt à une explication lumineuse et ludique de la valeur d’usage et et de la  valeur d’échange chez Marx. Puis, à une définition du capitalisme, où Blanqui le radical s’oppose à Barbès, le légaliste… Suspense. Jusque là, on suit à peu près, malgré quelques cafouillages, mais cela se gâte vite! Nous voici à Berlin, le 13 juin 1919. Dans une vague parodie de La Noce chez les petits bourgeois, les convives parlent, à bâtons rompus, du taylorisme à l’américaine, tandis que défile le cortège funèbre de Rosa Luxembourg,  assassinée par la police qui a maquillé son meurtre en noyade. Après l’agonie (et la résurrection?) de Spartacus, le spectacle  zappe de nouveau: 23 mars 1849, c’est le procès de Barbès, Blanqui et Raspail, auxquels se mêlent… Jacques Lacan et l’extravagant Daniel, dit Dada.  Au gré des séquences et des zigzags spatio-temporels, on prend un certain plaisir à voir s’incarner des personnages qui ne sont plus, pour la plupart d’entre nous, que des noms de rues; on apprécie la généreuse  démarche de vouloir faire entendre la pertinence des idées marxistes, de convoquer des débats d’hier, pour éclairer notre réflexion sur l’actualité d’aujourd’hui. Le Capital et son singe analyse le glissement progressif du prolétaire de la société préindustrielle décrit par Marx, vers le consommateur aliéné par le capitalisme mondial. Mais, au bout de deux heures et demi de cette comédie « difficile »,  L’Avertissement au spectateur  cité plus haut  semble être aussi un constat d’échec chez le metteur en scène.  Où est le “long, immense et raisonné hurlement de la pensée “ promis?  Où est la comédie “pure et dure” annoncée? Le Capital, traité ardu, se laisse ici difficilement saisir et  le théâtre n’est sans doute pas le lieu  propice à son adaptation?  Mais Karl Marx, dont  la figure tutélaire hante la scène, est bien là,  et ses idées restent vivantes, grâce aux acteurs et à leur inventivité. Ils en appellent à Georg Büchner, William Shakespeare, Walter Benjamin, Arthur  Rimbaud et à bien d’autres rebelles. Ils mélangent, dans un joyeux bric-à-brac, traité d’économie et de poésie, petit refrain caustique et chant de la Commune  (La Semaine sanglante de Jean-Baptiste Clément  fait office de conclusion).   Le spectacle, promis à une longue tournée, se présente pour l’instant comme un chantier: “L’auteur hésita à donner pour titre à cet inachèvement Des planches, du rabot et du balai … Et les acteurs ont pris la courageuse décision d’improviser ce qui, de l’écriture, est encore resté à l’état de fluidité…et à certains endroits de presque absence”, précise le programme! La pièce reste inachevée, comme Le Capital, mais va sans doute évoluer, gagner en cohérence,  et enfin peut-être trouver sa pleine forme.

 

Mireille Davidovici

Théâtre de la Colline T. 0144 62 52 52 www.theatre.colline.fr  jusqu’au 12 octobre

 En tournée : les 5 et 6 novembre, Scène Watteau–Scène conventionnée de Nogent-sur-Marne; du 26 au 29 novembre, MC2, Grenoble ; les 4  et 5 décembre, Archipel–Scène nationale de Perpignan ; 5 et 7 février 2015, La Filature – Scène nationale de Mulhouse; Et, en 2015:  les 13-14 février  Le Cratère – Scène nationale d’Alès; 11 et 14 mars , Bonlieu – Scène nationale d’Annecy; 13 et 16 mai , Théâtre national de  Bruxelles.

 

 

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