adieu michèle Guigon
Adieu Michèle Guigon
Elle est partie au petit matin du 4 septembre (son dernier clin d’œil, comme le nom de sa compagnie!), à 55 ans seulement mais un cancer du sein l’avait attaqué il y a quelques années, et ne l’avait jamais lâchée. On la savait pas au mieux depuis quelque temps mais elle continuait à se battre avec courage.
Nous l’avions connu il y a plus de trente ans, quand Macha Makeieff et Jérôme Deschamps avaient créé leur compagnie, avec de petits spectacles déjantés qui n’attiraient à l’époque pas grand-monde, comme Les Oubliettes, Les Précipitations, un des plus remarquables de la compagnie joué dans la vieille salle même de l’Idéal-Ciné de Tourcoing, avant sa démolition. Puis il y eut Les Petites chemises de nuit, En avant, puis Les Blouses, et La Veillée créé au T.N.P. de Villeurbanne qui consacra les Deschiens.
Elle a joué avec eux des années 78 à 85, une jeune gourde, en blouse à fleurs, fagotée comme il n’est pas permis sauf chez les Deschamps. Elle était là présente, les bras ballants, totalement idiote, incapable de rien faire, quasi-muette, et il y fallait, à n’en pas douter, une intelligence supérieure du corps et de l’esprit chez cette toute jeune femme, pour arriver à une telle présence scénique…Tout en mettant au point une légère distance par rapport à son personnage. Sans doute sous l’influence d’Antoine Vitez, dont elle avait suivi les cours au Théâtres des Quartiers d’Ivry.
Et cela la rendait encore plus attachante avec son gros accordéon qui ne la quittait vraiment jamais. Elle en jouait de façon aussi chaleureuse qu’un peu ironique, comme pour marquer une petite différence… Elle prit ensuite son envol et créa ses propres spectacles avec sa compagnie du P’tit matin avec Anne Artigau et Yves Robin, comme Marguerite Paradis en 84 ou Etats d’amour en 85, qu’Alain Crombecque, alors directeur du Festival d’Avignon avait invités.
Dernièrement, elle s’était lancée dans de remarquables solos écrits avec sa complice et amie Suzy Firth, et mis en scène par sa fidèle Anne Artigau, comme en 2011 : La vie va où ? ou Pieds nus, traverser mon cœur (voir Le Théâtre du Blog) où elle parlait avec lucidité et une implacable ironie, de ce qu’elle avait dû subir pendant sa maladie avec des phrases incisives, du genre: « J’ai pas fait médecine, j’ai fait malade » ou: » Quand on vieillit, les médicaments passent de la salle de bains à la cuisine. » Des silences et des grommelots des Deschiens, elle était passée à une belle maîtrise du monologue.
Voilà, c’est fini, nous sommes évidemment très tristes mais il nous reste pour retrouver son beau regard et son espièglerie, un livre/CD: La vie va où? (Camino éditeur 20 €). Merci Michèle, pour ce que tu auras apporté au théâtre contemporain.
Philippe du Vignal