Cet enfant
Cet Enfant, texte et mise en scène de Joël Pommerat
Cette pièce, éditée en 2005, a été créée, il y a huit ans déjà, est reprise, pour notre plus grand bonheur. L’univers dramatique, le monde poétique et singulier entre irréel, étrangeté parfois, entre onirisme et spectaculaire, et pourtant si vrai de Joël Pommerat est d’une grande qualité.
Tout est ici maîtrisé de façon remarquable. Certains spectateurs, le soir de la première, ont trouvé que cette perfection tendait à atténuer l’émotion. Peut-être…. Mais comment ne pas être ébloui par les dialogues, la mise en scène et la scénographie, certes bien identifiable de l’esthétique de Joël Pommerat, surtout pour ses créations jusqu’en 2010.
Le dispositif scénique est semblable à une boîte noire, avec un plateau pratiquement nu, une ou deux chaises parfois… éclairée toujours magnifiquement par Eric Soyer. La pièce est soutenue par l’écriture sonore de François et Grégoire Leymarie et la création musicale d’Antonin Leymarie, et évidemment par les comédiens de la troupe, fidèles depuis la fondation en 1990 de la compagnie Louis-Brouillard.
En dix courtes scènes, la pièce parle de « la relation parents-enfants, avec des personnages durs et fragiles, terriblement humains. Sans jugement moral, ils interrogent la norme sociale d’un impossible modèle idéal de bonheur familial ».
Succession de tableaux, rythmée par des noirs, par la bande son, ou l’apparition sur le mur du fond de scène, au travers d’une « toile-écran » blanche, des trois musiciens aux silhouettes légèrement déformées, corps et instruments flous, filiformes et pastels, proches de certaines toiles de Francis Bacon. Conception poétique et dramatique, forte et surprenante, qui renforce avec sensibilité la profonde tension dramatique à travers les l’histoire des différents personnages, tout au long de cette complexe et douloureuse question qui parcourt la pièce: qu’est-ce qu’être parents aujourd’hui ?
Loin d’un théâtre intimiste ou social, Joël Pommerat convie le spectateur à l’écoute et à la vision d’un spectacle avant tout ! Plein de bruits et de fureur, et de douceur aussi, toujours en mouvement, depuis sa création en 2006. Véritable cri tragique et poétique, qui ne peut laisser notre conscience et notre sensibilité indifférentes. Allez-y vite, encore plus si vous ne connaissez pas, (c’est une bonne occasion de le découvrir), l’univers de cet artiste et de sa brillante et fidèle compagnie Louis-Brouillard.
Elisabeth Naud
Théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 27 septembre.