Gouttes d’eau sur pierres brûlantes
Gouttes d’eau sur pierres brûlantes de Rainer Warner Fassbinder, mise en scène d’Hugo Bardin
Nous vous avions parlé (voir Le Théâtre du Blog) de cette pièce atypique, parfois maladroite, qui avait été montée par Gwenael Morin, et il y a deux ans par Sylvain Martin.
Elle a été écrite en 1963, par un jeune homme de dix-neuf ans, qui possède un sens du dialogue et du scénario déjà tout à fait exceptionnels.
En Allemagne, dans les années soixante-dix, un certain Léopold, la quarantaine, invite chez lui le jeune et beau Franz, dans le but évident mais non avoué, du moins au début, de faire l’amour avec lui.
Très vite, Franz, séduit, quitte sa fiancée et va vivre avec lui mais les jeux sont pipés, (sinon il n’y aurait pas de pièce!), puisque c’est Léopold, souvent absent qui gagne la vie du couple, et qu’il va le faire comprendre avec cynisme à son amant qui considère Franz qui mène une vie de reclus, comme la boniche de service, et exige de lui qu’il tienne l’appartement en ordre et bien chauffé.
Malgré tout, ces deux-là dans un rapport dominant/dominé consenti, vieux tandem de théâtre inoxydable forment un couple, bizarre mais réel jusqu’au jour où Anna, l’ancienne et jeune fiancée de Franz, réapparait à la surface et essaye de renouer avec lui, même si elle n’ignore rien de sa vie actuel. Même si c’est assez peu vraisemblable…
Et, dans un curieux parallèle amoureux, digne des intrigues de Marivaux, arrivera aussi à la presque fin de la pièce, Véra, une transsexuelle qui a longtemps vécu avec Léopold. Dès lors, sur fond d’amour passionnel avec crises de jalousie à la clé, la machine infernale est en marche, et il faudra une victime expiatoire: c’est sans doute le prix à payer pour que tout revienne à une certaine normalité. Et Franz, désespéré, se suicidera.
La scénographie témoigne d’un bel amateurisme avec deux étroits escaliers qui ne servent à rien, et avec un minuscule matelas en haut pour symboliser le lit conjugal, et d’une salle d’eau avec cuvette de toilettes. Cela ne facilite en rien le démarrage de la pièce où on entend pendant de trop longues minutes la voix off de Léopold- dialoguant avec Franz -fausse bonne idée de mise en scène-et où les deux acteurs criaillent trop souvent.
Les choses s’améliorent nettement, quand apparait Marie Petiot (Anna) qui apporte tout d’un coup, un air de fraîcheur dans une interprétation qui reste assez conventionnelle. Kameliya Stoeva (Vera) se tire comme elle peut d’un rôle pas facile mais fagotée dans une guêpière blanche assez laide, elle reste peu crédible.
Vous pouvez tenter le déplacement jusque dans ce petit théâtre sympathique pour découvrir cette première pièce de Fassbinder mais mieux vaut ne pas être trop exigeant quant à la mise en scène et à la direction d’acteurs…
Philippe du Vignal
Théâtre de Belleville jusqu’au 21 octobre.