Mi Muñequita
Mi Munequita ( Ma Petite Poupée ) de Gabriel Calderón, en espagnol surtitré en français, mise en scène d’Adel Hakim
« Il était une fois une petite fille qui était née dans un bois. Sa mère était une louve et son père un loup. La petite fille était du genre humain mais sa famille et ses amis étaient des loups ». Ainsi commence par un récit d’un maître de cérémonie, cette farce, à la fois tragique et musicale, où la danse et les chansons sont aussi omni-présentes et où l’auteur uruguayen invite le public à entrer dans le labyrinthe de cette famille déjantée.
Sur fond d’attitudes grotesques et d’humour le plus noir qui doivent beaucoup aux spectacles d’Alfredo Arias des années 1970, et aux films de cinéma fantastique et d’horreur. On pense, bien sûr, au Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, avec des maquillages et des gestes très marqué, au fameux Nosferatu le vampire de Murnau (1922), et à Frankenstein, joué par Boris Karlof mais aussi au célèbre Victor ou les enfants au pouvoir (1929) de Roger Vitrac et aux films de Pedro Almodovar.
Ma Petite Poupée raconte l’histoire d’une fillette née dans le cocon d’une famille qui va ensuite exploser: comportements douteux, trahison, inceste, extrême violence et vent de folie, font alors partie du paysage où Gabriel Calderón va emmener le public. « Chaque fois, dit-il, qu’un membre d’une espèce apprend un nouveau comportement, cela change le champ morphologique pour l’espèce. Ce changement est d’abord à peine perceptible, mais si le comportement se répète un certain temps, sa résonance morphique affecte l’espèce entière. J’ai pensé mon texte, comme s’il y avait un tel champ non pas entre les individus, mais entre les faits de même nature. Je dirais ensuite, qu’une fois que la mort apparaît dans un certain modèle d’organisation (une famille, par exemple) il sera plus facile que d’autres morts surviennent dans différentes parties ou lieux de ce même modèle.”
Adel Hakim, avait présenté la saison dernière, une trilogie de cet auteur urugayen, (voir Le Théâtre du Blog) dont Ore et Ouz, reprises cette année avec Mi Muñequita qui vient de recevoir le Prix du Syndicat des critiques urugayens. Il s’agit ici d’une mise en abyme où Gabriel Calderón joue sur la caricature, à mi-chemin entre un premier degré de théâtre presque vulgaire, et une réflexion des plus pointues sur les codes dramatiques…
Et cela fonctionne? Oui, même si le texte est souvent un peu facile, ce cocktail inédit, aux beaux costumes noirs et blancs, possède une belle unité et reste provocant et drôle… C’est, en fait, la représentation théâtrale elle-même qui ne cesse de fasciner Gabriel Calderón, et Adel Hakim l’a bien compris. Il met en scène et dirige avec beaucoup d’intelligence et de précision les comédiens chiliens: Andrés Alegría, Carlos Briones, Pablo Dubott, Ignacia Goycoolea, Carolina Alarcón, Angélica Martinez, qui sont tous remarquables, que ce soit dans le jeu, le chant ou la danse.
C’est à la fois, brillant, drôle et assez grinçant. En cette rentrée un peu morne, cette drôle de bulle sud-américaine jouée de quelque 80 minutes, jouée avec en alternance, Ore ou Ouz, fait du bien…
Philippe du Vignal
Théâtre des Quartiers d’Ivry/Studio Casanova 69 avenue Danielle Casanova Ivry. T: 01 43 90 11 jusqu’au 19 octobre.