L’Ecole des Femmes

L’École des Femmes (School for Wives) de Molière, traduction/adaptation en anglais de David Whitely, mise en scène de John P. Kelly
 
Wivesthe-school-for-wives-opens-on-september-12-at-the-gladstoneCette traduction/adaptation de L’École des Femmes est une tentative pour rendre la langue de Molière accessible à un  public anglophone qui connaît mal le théâtre français du dix-septième siècle. Au départ, on ressent la présence d’un étrange anachronisme entre une mise en scène presque classique, et le rythme naturel des répliques  écrites en alexandrins dans un anglais populaire du XXIe siècle !
En effet, la fusion entre un XVIIe français et un XXIe canadien  fonctionne assez bien, même si, pour certains  puristes, cette rencontre linguistique a pu paraître indigeste. Mais cette traduction/adaptation respecte la sensibilité de la pièce de Molière. La langue anglaise contemporaine, peu raffinée, semble ici  faire écho au côté frondeur de L’École des Femmes … qui avait choqué certaines oreilles sensibles des Précieux de la Cour de Louis XIV (voir La Critique de l’École des femmes).
Bien sûr, cette traduction en anglais élimine certaines tournures de langue et des images  et elle efface les traces des parodies de liturgie, catéchisme et autres sermons. Mais cette Ecole des Femmes a profondément touché un public anglophone, grâce notamment au travail des comédiens qui rend hommage aux origines populaires du théâtre de Molière. En effet, leur jeu, très physique, possède la sensibilité d’un théâtre qui participe à la fois du raffinement de la Cour, et de la vulgarité de la commedia delle’arte, ce qui nous renvoie à une époque qui précède celle de  Molière… Curieux paradoxe.
En
costumes d’époque beaux et raffinés, les acteurs jouent devant une jolie façade peinte évoquant l’hôtel particulier d’Arnolphe, et  se lancent tous dans un  joyeux carnaval autour de la maison; des volets  s’ouvrent, des portes claquent, et les domestiques se déplacent comme des marionnettes. Il y a des moments qui semblent  improvisés,  mais tout est ici parfaitement orchestré.
TugofWarLRAndyMassinghamTessMcManusDavidBenedictBrownDrewMooreCatrionaLegerDavidWhiteleyphotoEri2-300x198Des chocs émotifs font rougir les nez, enfler les joues, et transforment les visages en masques grotesques,  avant de déclencher un jeu de cache-cache cruel. La petite Agnès et son amoureux Horace font un va-et-vient frénétique entre jardin et maison, sous le nez du pauvre Arnolphe, victime impuissante d’une paranoïa grandissante provoquée par des trahisons  auxquelles il refuse encore de croire.
Ces  tableaux bouleversants  montrent bien le fonctionnement psychologique d’Arnolphe et, dans sa traduction, David Whitely a été sensible à toutes les nuances de langage de ce pauvre Monsieur de la Souche (Douche en anglais!),  dont la vie sombre dans la confusion la plus totale.

  Les  comédiens sont tous bien dirigés, mais Andy Massingham (Arnolphe) surtout, fait du spectacle un grand moment de théâtre. Professeur d’interprétation dans une école de théâtre locale, il s’intéresse depuis longtemps au jeu corporel et  il a pu trouver ici un terrain de rencontre entre la commedia dell’arte, un romantisme exacerbé et un début de paranoïa qui déforme le corps des comédiens. Superbe résultat!
L’actrice qui joue Georgette, possède, elle aussi, une grande maîtrise gestuelle, surtout quand elle interprète Enrique, le beau-frère de Chrysalde; elle passe alors d’une vulgarité paysanne, aux maniérismes des salons précieux; c’est un grand moment de mime qui doit sûrement beaucoup au metteur en scène qui en a orchestré la gestualité et assuré l’harmonie. Et les autres comédiens, qui n’ont ni l’énergie physique ni la formation pour ce type de jeu, ont aussi profité de l’exercice…
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Traduire/adapter un texte d’une langue vers une autre, surtout quand  l’humour du texte original  fait référence à la culture d’un autre pays et d’une autre époque, n’est pas chose facile. Mais, grâce à John P. Kelly, très versé dans toutes les formes de jeu scénique, grâce aussi à Andy Massingham, les personnages populaires de la commedia dell’arte, avec ses propos obscènes, son allégresse et ses conflits de génération, la parodie des maîtres et  autres gags  de théâtre populaire, sont ici, comme curieusement adoucis par la belle diction de ces alexandrins traduits en anglais…
On pourrait donc parler d’un  Molière hybride post-moderne! Le spectacle, en tout cas, est fort divertissant et parfaitement clair!

Alvina Ruprecht
 
Le spectacle a été joué jusqu’au 28 septembre dernier,  au SevenThirty /Plosive Theatre production, à Ottawa. 

 

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