Notre Faust
Notre Faust, série diabolique en cinq épisodes de Stéphane Bouquet, Robert Cantarella, Nicolas Doutey, Liliane Giraudon et Noëlle Renaude, mise en scène de Robert Cantarella
Qui serait, que serait un personnage comme Faust aujourd’hui ? Il faut se mettre à plusieurs et enfourcher le galop de la « série » pour le saisir au vol. Il est comme tout le monde et a envie de ce qu’il n’a pas, mais pas assez d’énergie pour se le procurer sans un petit coup de main du diable qui est partout : chez les pauvres qu’il soigne (il est kiné) pour le plaisir réel de sa bonne conscience (cela vaut quand même mieux qu’une mauvaise, mais les deux peuvent cohabiter), dans son propre passé révolutionnaire, revenu en “transgenre“, dans sa famille, avec diverses tentations incestueuses.
Le diable, c’est l’amour et le manque d’amour; le diable ici, c’est Carole, femme d’Henri Faust, qui se suicide et devient ainsi enfin un peu plus présente, c’est classiquement: le fils adolescent, la belle-mère trop proche, le père en rival exaspéré… La famille est décidément, avec l’argent, un bon filon. Sur scène, la série alterne entre loufoque froid et vraie mélancolie, c’est parfois criant (et riant) d’une vérité qu’il faudra bien qualifier de petite bourgeoise, mais parfois pas crédible du tout, ce qui n’a jamais empêché une série de fonctionner.
L’intérêt de la série? On s’attache, quoiqu’il arrive, aux personnages, même quand ils prennent leur temps: par exemple, dans la scène d’enterrement « moderne », et cocasse de vérisme, chaque chanson, en guise de dernier accompagnement à Carole, est interprétée en temps réel. Comédiens et auteurs réunis ont tressé et compliqué ça, vite fait bien fait, avec une belle virtuosité, et dans un dispositif scénique qui vous fait démancher le cou… De ce divertissement grinçant, il reste deux épisodes à découvrir. On peut aussi revoir The Band wagon de Vincente Minnelli, une variation sur Faust mais autrement plus déjantée.
Christine Friedel
Théâtre Ouvert, jusqu’au 25 octobre, T: 01 42 55 74 40