Arrange-toi
Arrange-toi de Saverio La Ruina, traduction de Federica Martucci et Amandine Mélan, mise en scène d’Antonella Amirante
La petite salle Jean Vilar du T.N.P. offre une intimité précieuse pour ce monologue écrit en 2010 par Saverio La Ruina, auteur et homme de théâtre calabrais.
Une femme de la Calabre profonde, Vittoria, raconte sa vie qui se résume essentiellement à ses grossesses. Mariée à 14 ans elle est, à 28 ans, déjà mère de sept enfants…. Et sa huitième grossesse ne lui convient vraiment pas ! « Arrange-toi », lui répète son mari, macho qui ne voit pas plus loin que sa satisfaction sexuelle. Alors, elle s’arrange, comme il dit, dans les pires conditions: un avortement clandestin, avec le risque de mourir ou de se retrouver avec de sérieuses séquelles, comme tant d’autres.
Ce récit à la première personne, Vittoria l’adresse… à Jésus Christ et à ses apôtres, au cours d’un cauchemar où il lui faut se justifier de l’accusation d’être une pècheresse ! Quand elle a découvert ce texte, Federica Martucci a décidé de le traduire, mais aussi de le jouer.
Elle l’a fait connaître à Antonella Amirante qui a fondé en 2009 la compagnie AnteprimA pour promouvoir les auteurs italiens contemporains, et montrer que le théâtre italien est toujours vivant. Elle avait déjà mis en scène, la saison dernière, au T.N.P. une pièce de Davide Carnavelli et présente Arrange toi dans le cadre d’une résidence de création.
La pièce, d’une certaine façon, échappe donc à son auteur pour devenir une affaire de femmes, et la mise en scène joue intelligemment sur deux niveaux; sur un sol de gravier noir sur fond de scène rouge, Federica Martucci est donc Vittoria; un peu effrontée, directe, émouvante, elle ponctue son texte de phrases en italien, comme pour apporter une autre couleur sonore, et garder un peu de la langue maternelle.
A l’arrière du plateau, dans un espace modelé par la lumière, une autre femme, Solea Garcia-Fons chante, a capella, des chansons populaires italiennes, comme en écho à ce que dit Vittoria. La chanteuse évolue selon une chorégraphie qui est comme une illustration symbolique du récit qui acquiert ainsi une dimension poétique et lyrique. L’histoire de cette femme calabraise il y a quelques décennies, devient ainsi l’histoire universelle des femmes.
Saverio La Ruina, en effet, a beaucoup écouté les femmes de sa tribu familiale, la « nonna » et le « zie », (sa grand-mère et ses tantes) au point de s’imprégner de leurs histoires, toujours les mêmes, faites de violences conjugales, d’oppression, de mépris, de mariages plus ou moins forcés, de grossesses à répétition, de maintien dans l’ignorance…
Paradoxalement, aujourd’hui, c’est un homme qui se fait leur porte-parole et qui sert ainsi la cause des femmes.
Elyane Gérôme
T.N.P. de Villeurbanne. T: 04 78 03 30 00, jusqu’au 25 octobre à 20h30 et les 6 et 7 novembre: Théâtre de Vienne; le 14 novembre, Théâtre de la Tête noire à Saran (Loiret), et les 18 et 19 novembre, Théâtre Anne de Bretagne à Vannes.