Sinon je te mange

Sinon je te mange, texte et mise en scène d’Ilka Schönbein, musique d’Alexandra Lupidi

Sinon je te mange Marinette Delanné 2  Dans le cadre du Figuren Focus, temps fort consacré au théâtre de marionnettes allemand, en partenariat avec le Goethe institut, Sinon je te mange d’Ilka Schönbein, s’inspire du Loup et les sept chevreaux, le fameux conte des frères Grimm .
Allemande d’origine et Française d’adoption, la comédienne et conceptrice du Théâtre Meschugge  parcourt en roulotte l’Europe entière, s’est arrêtée sur le pourtour méditerranéen italien.

  La bergère a élu domicile près d’un petit troquet d’ambiance sicilienne qui tient lieu de comptoir de meunier. Dans un décor paysan: bouteilles de vin et  fagots, fromages de chèvre et crottins secs – retour à la terre et salut bien bas à Dame Nature – le tenancier, coiffure tendance djeun, rock et facétie, n’est rien moins que Loup Petit,  (Alexandra Lupidi, musicienne classique, chanteuse lyrique et percussionniste).
Le malicieux prédateur féminin apprivoisé, en tenue de garçon de café, penché sur un piano, à la fois précieux et rustique, joue aussi de clochettes caprines tintinnabulantes et joyeuses,  et dirige en plus un petit ensemble impressionnant de percussions.
Lupidi/Loup Petit est le petit frère du Grand Méchant Loup, musicien et chanteur de rock qui s’est perdu dans tous les excès – alcool et drogues sans parler des femmes … disons des chèvres.
Notre chevrière préférée avoue d’ailleurs en avoir pincé, en son jeune temps, pour le bougre, attirée qu’elle était par les faux attraits d’une séduction virile.
Ce prédateur de tous les temps représente le type même de la bête sauvage et du bourreau dévorant, avec  gueule,  dents carnassières, crocs, griffes de prédateur: symboles d’une violence animale dont le spectateur intrigué entrevoit la figure satanique.
La metteuse en scène – frêle sorcière bienfaisante – s’est métamorphosée pour l’occasion, en bergère sombre de tableau nocturne – robe usée de dentelle noire, gants de fil et chapeau à voilette. Avec, à la bouche, des comptines traditionnelles, elle surgit de la salle pour  aller  sur le plateau, en demandant au public, enfants ou adultes, de poursuivre l’air connu entamé.

Elle s’apprête à raconter son histoire de chèvre abusée et  dont les chevreaux n’ont pu se défendre de la menace du loup, à laquelle cette mère les avait pourtant préparés. Mais n’a-t-on pas chacun un peu loup en soi? La gardienne de chèvres – elle-même un peu loup et un peu chèvre – porte sur sa robe une peau caprine, vêtement primitif, bouclier magique avec pattes et tête apparentes, et houppelande de chimère fantastique.
Cette mère-nourricière et initiatrice déplore d’avoir failli à ses fonctions et de n’avoir pas compris le danger; en fait, elle fut la seule chevrette d’une fratrie, qui, cachée dans l’horloge, a été sauvée de la faim du loup. Aussi jolie que celle de M. Seguin, mais pas aussi obéissante, avec barbiche de sous-officier, sabots noirs luisants, petites cornes zébrées, elle est têtue et fofolle: elle aura échappé à un destin funeste, isolée au milieu de ses chers morts.

Le spectacle est d’une grande finesse et participe à la fois du mime, du geste, du chant et de la musique. Ilka, Schönbein, avec son bâton de pèlerin, n’en finit pas de jouer de toutes les métamorphoses, assise sur une chaise, jambes et bras pliés et dépliés, pieds et mains agités, visage changeant. Ici,  tout s’emmêle pour inventer une nymphe…

 Véronique Hotte

 

Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette,  jusqu’au 26 octobre. T : 01 84 79 44 44

 

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