La nouvelle saison de la Comédie de Caen
La nouvelle saison du Centre Dramatique national de la Comédie de Caen
C’est la dernière présentation de saison pour Jean Lambert-wild à Caen; il va en effet prendre la direction du Centre dramatique national de Limoges en décembre prochain. Il est là, sur le plateau dans son uniforme habituel: grand pantalon blanc crème à bretelles, T.shirt et semi-bottes marron à lacets. On le sent à la fois ému et fier d’avoir conduit toute son équipe (35 personnes) pendant huit ans déjà, dans un parcours sans faute, à la tête de la Comédie de Caen.
Avec une très bonne programmation, dont un certain nombre de créations (de ses textes mais aussi ceux des autres). Son dernier spectacle En attendant Godot, est programmé depuis un peu partout (voir Le Théâtre du Blog). Et il a réussi à fidéliser un public souvent composé de jeunes gens, ce qui n’est pas si fréquent dans les centres dramatiques… C’est aussi lui qui a offert à Michel Onfray, le Théâtre d’Hérouville pour sa populaire et formidable conférence mensuelle. Mais tout cela n’aurait pu se faire, a rappelé Jean Lambert-wild, sans son équipe, et sans la connivence et le soutien des mairies d’Hérouville et de Caen, et des conseils généraux et régionaux.
Au programme de cette nouvelle saison, on ne peut tout détailler mais il y a plein de bonnes choses, dont et comme chaque année, le Festival des Boréales, avec, entre autres, Made in Finland, un étonnant spectacle de cirque avec sept jeunes femmes au trapèze, au rola-bola mais aussi au violon et à la guitare qui se moquent de façon cinglante mais avec humour, des clichés véhiculés sur leur Finlande natale… Puis Notre peur de n’être de Fabrice Murgia, (voir Le Théâtre du Blog), créé au dernier Festival d’Avignon, et une nouveauté: un spectacle de théâtre en appartement avec Prière de ne pas diffamer ou la véridique histoire d’Hélène Bessette en décembre prochain. On connaît peu cette écrivaine exceptionnelle, (née en 1918, et morte oubliée en 2000); d’abord institutrice, renvoyée de l’Education nationale, elle ne devait pas trop plaire aux inspecteurs et était devenue femme de ménage. Maiselle fut soutenue par… Raymond Queneau, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Jean Dubuffet, André Malraux! Et Gallimard publia, entre 53 et 73, treize romans d’elle (réédités depuis chez Léo Scher.
Il y aura, au Théâtre d’Hérouville, un spectacle de clowns tout à fait étonnant d’intelligence et de drôlerie qui va faire des ravages, si on en juge par les sketches qu’elles ont présenté au cours de cette soirée. Les Clownesses, mise en scène par Olivier Lopez, directeur de la compagnie Actea basée à Caen, avec trois jeune femmes: Pauline Couic, Bibine, Marion, et Pom, un garçon longiforme, qui est un peu leur souffre-douleur. Pauline Couic, remarquable comédienne (il ne s’agit pas du tout de clownerie au sens péjoratif du terme mais de construction d’un personnage), réussit à embarquer le public de la grande salle du Théâtre d’Hérouville qui riait de bon cœur: diction, gestuelle et invention comique garanties de tout premier ordre…
A noter: un Oncle Vania, avec entre autres, Romane Bohringer, dans une mise en scène de Pierre Pradinas, qui dirige encore pour quelques mois Limoges…Comme les autres pièces de Tchekhov, dit-il, « elle vibre avec les époques successives en fonction des comédiens qui l’interprètent, de la vision des metteurs en scène et… de l’air du temps. Défions-nous de la tentation d’avoir sur cette œuvre des intentions trop précises, des analyses psychologiques, bref, des réponses à tout, tant elle est vivante et excelle à peindre à la manière impressionniste des comportements qui sont encore les nôtres ».
Il y aura aussi un certain nombre de classiques dont Le Malade imaginaire, et Dom Juan version contemporaine, La Place Royale de Corneille. Et une création d’écriture de Caroline Guila, Elle brûle, inspirée de Madame Bovary, roman pour lequel Flaubert s’était inspiré d’un fait divers, qui semble tout à fait intéressante.
En somme, une saison équilibrée qui attend le successeur de Jean Lambert-wild. Donc, pas d’inquiétude pour lui ou elle, la maison est en ordre de marche, sur le plan théâtral comme sur le plan administratif. En deuxième partie, dans une salle toujours bourrée, la Comédie de Caen a offert à ses amis Lou, un concert théâtral et déchanté, mis en scène par Lorenzo Malaguerra, le co-metteur en scène romand, avec Jean Lamber-wild de l’excellent En attendant Godot. Sur des textes et musiques de Pascal Rinaldi, avec Rita Gay, Romaine, Thierry Romanens, et Denis Alber, il raconte en chansons et dialogues, par le biais de fragments de lettres, poèmes… les épisodes de la vie de la belle, intelligente et sulfureuse Lou-André Salomé (1860-1937), romancière, et auteure d’essais sur la psychanalyse. Elle fut aussi la muse et/ou l’amante de, entre autres, Nietzche, Freud et Rilke…
Sur le plateau, un bric-à-brac: un grand arbre en pot, des plantes vertes, un faux grand piano à queue (en fait un synthé), une grande toile peinte, des guitares électriques en attente. Les interprètes suisses ont un solide métier mais, faute d’une balance correcte, la musique était plus qu’envahissante, à la limite du supportable, et on avait bien du mal à entendre correctement les voix, donc le texte. Et c’est ce genre de spectacle sans doute plus efficace dans une salle de dimensions moyennes… Mais le public avait l’air plutôt content.
Voilà, c’est une page qui se tourne, comme disent les vieilles dames du 16ème; bien entendu, nous continuerons à vous parler des spectacles de la Comédie de Caen et nous vous tiendrons aussi au courant des nouvelles aventures théâtrales du capitaine Jean Lambert-wild à Limoges….
Philippe du Vignal