Histoire de clés

Histoire de clés de Nathalie Akoun, mise en scène d’Olivier Cruveiller

  une-histoire-de-cles-3-c2a9-victor-tonelliRien sur scène, sauf une cuvette en inox remplie d’eau et, bien éclairé par un pinceau lumineux, un haut tabouret en tôle rouge, de la célèbre marque Tolix où la comédienne Nathalie Akoun, qui est aussi l’auteure du texte, s’assied et monte parfois debout.
Empilable, comme les chaises identiques, ce tabouret né dans les années 20 des mains du génial Xavier Pauchard (1880-1948), artisan chaudronnier, puis patron d’une manufacture d’articles ménagers en tôle galvanisée, est toujours fabriqué à Autun.
  Sa célèbre chaise A, devenue depuis une icône de l’esthétique industrielle, est exposée depuis  au MoMa à New York et au Centre Georges-Pompidou. Elle s’était  imposée «par sa solidité à toute épreuve, sa légèreté inégalée, sa propreté facile à garder», et… par un  prix modeste. On en verra les différents modèles empilables, dans les ateliers,cafés, hôpitaux, jardins publics, et même dès 1934, sur le paquebot Normandie. Ils furent  très vite exportés aux Etats-Unis et ailleurs, mais l’entreprise fut menacée de mort, il y a vingt ans pour cause de mévente. Reprise par la courageuse Chantal Andriot, l’usine d’Autun continue, malgré des plagiats indiens et chinois, à produire et à beaucoup exporter…(Merci, tonton du Vignal, pour cette courte leçon d’histoire du design).
Bon, reprenons. Donc, une jeune femme aux cheveux décolorés, en imperméable crème, entre sur le plateau; elle semble très angoissée et ne pas savoir même où elle est. Elle dit que son mari l’a quittée, et qu’elle se retrouve seule pour élever ses enfants qui sont devenus le centre de sa vie.
Elle en parle souvent mais ne les nomme pourtant pas et on n’en saura pas grand chose. L’un d’eux a osé tutoyer son prof de gymnastique et doit passer devant le conseil de discipline de son collège.
Désemparée quant à la façon de les élever, et dépassée par les événements, elle est incapable d’être à sa place de mère et  de gérer les choses au quotidien. Assoiffée d’amour,  la jeune femme n’arrive pas à trouver les bons mots pour se faire entendre de ses copines ni de ses enfants, dont l’un a fugué  la nuit parce qu’elle avait laissé les clés sur la porte.   Comme pour essayer d’effacer un sentiment de culpabilité, elle va parfois se frotter les mains dans l’eau de la cuvette en inox
Elle ne cesse de se demander pourquoi et comment cela a pu lui arriver à elle et s’étonne  de façon candide  de voir que sa vie de famille, qu’elle qualifie de normale,  a pu ainsi déraper…et  se raccroche à ses enfants comme à un rempart: on sent bien qu’elle est va basculer dans l’horreur. Rien n’est vraiment dit mais elle va tuer ses enfants, symbolisés par des petits bonhommes qu’elle dessine à craie sur le mur du fond. Bien sûr, l’on peut penser à Médée… et à ces tragédies familiales que l’on voit régulièrement dans les pages de faits divers
Olivier Cruveiller a mis en scène Nathalie Akoun avec une grande précision mais, même si elle dit le texte  avec une excellente diction et une belle gestuelle aux mouvements empruntés au tai-chi et dirigés par Yanno Iatridès, la façon systématique qu’elle a d’allonger ses fins de phrases est assez artificielle et devient vite pénible. Le spectacle, honnête, parait donc un peu longuet, alors qu’il ne dure que soixante dix minutes et, dommage, ne nous a guère procuré d’émotion réelle…
On ne s’ennuie pas vraiment mais une certaine routine s’installe et nuit à cette parole proférée dans une sorte d’exorcisme, si bien que l’on reste sur sa faim.  Mais nos consœurs critiques ont, dans l’ensemble, assez aimé ce spectacle…
A vous de décider mais on ne vous y poussera pas.
Philippe du Vignal
Théâtre du Lucernaire,Paris jusqu’au 22 novembre du mardi au samedi  à 19h.
Le texte est édité à L’Avant-Scène Théâtre, avec le soutien de l’association Beaumarchais-S.A.C.D., collection des « Quatre Vents » contemporain, 2006)

Archive pour 20 octobre, 2014

Eszter Salamon 1949 d’Eszter Salamon

Eszter Salamon 1949, d’Eszter Salamon

 

Eszter SalamonEszter Salamon, danseuse, chorégraphe et performeuse, travaille depuis plusieurs années avec ses doubles, ses homonymes. Au musée du Jeu de paume, elle expose un dialogue assez vertigineux avec l’une d’entre elles, Eszter Salamon 1949, année de naissance de celle-ci. Plusieurs entretiens sont concentrés dans ces deux heures d’un monologue dit en continuité par trois actrices qui se succèdent.
Cette Eszter là raconte, à travers son identité et son corps de femme, à peu près toute l’histoire de la Hongrie moderne, de l’après-guerre à nos jours. Le quotidien, le travail, l’argent, la politique, le sexe, y tiennent leur place, dans une partition,  à la fois chorégraphiée geste par geste, sonorisée avec une grande précision, et en même temps, livrée aux aléas de l’exposition.
Les actrices disent le texte sans protection et littéralement exposées, au passage des visiteurs, à leurs regards, à leurs voix ou à leur silence, ou même à leur absence. Contrairement aux règles du théâtre où le point de vue est institué par la lumière, la scénographie, le noir et la clôture de l’espace, ici tout joue, (et le spectateur intime de ces entretiens devenus récit est invité à y intégrer ce qui l’entoure), aux limites de son champ visuel.
Les silhouettes montant ou descendant l’escalier, les spectateurs qui ont choisi de s’arrêter un moment ou plus longtemps, les petits bruits même qu’il entend derrière lui : tout entre dans le léger « dérangement » de la partition. C’est dans la ligne des recherches de la chorégraphe : « dance for nothing » (disparition du corps dans la danse), du moins du corps volontaire en ce qui concerne les gens qui passent, inclus sans le savoir dans le dispositif.
Rigoureuse et aléatoire à la fois, la performance est, avant tout, celle des trois actrices qui donnent tout simplement corps à cette affaire d’identité. Elles sont, par leur présence réelle, les tiers qui permettent le dialogue souterrain entre les deux Eszter Salamon. Véronique Alain, Désirée Olmi, Frédérique Pierson ont la maturité et la maîtrise, la concentration nécessaires à cet exercice plus que périlleux.
Elles créent, par leur regard, par leur adresse à ceux qui sont là, un espace très fort, mouvant et ferme à la fois. Rigoureusement fidèles toutes les trois à la partition, elles sont pourtant passionnantes à regarder dans leurs différences : pour tout dire, irremplaçables. Mais, quand on finit par les trouver dans le document du musée, il faut presque une loupe pour lire leurs noms.
Nous renouvelons donc un grand coup de chapeau à Véronique Alain, Désirée Olmi et Frédérique Pierson.

 

Christine Friedel

Musée du du Jeu de paume, jusqu’au 9 novembre, horaires variables. Renseignements au  01 47 03 12 50. En collaboration avec la FIAC et le Festival d’automne.

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