Le Mariage de M. Weissmann
Le Mariage de M. Weissmann, de Karine Tuil, adaptation et mise en scène de Salomé Lelouch
Dans Interdit, le second roman de Karine Tuil, dont Le Mariage de M. Weissmann est issu, Saül Weissmann, soixante-dix ans, vit rue des Rosiers à Paris. Circoncis, reconnu comme juif par les Allemands, il fut malheureusement déporté à Auschwitz. Il décide un jour de se marier avec Simone, qu’il a rencontrée à l’amicale des randonneurs juifs de France.
Mais des ennuis, qu’il n’avait pas du tout prévus, vont alors commencer pour lui: devant le rabbin qui use d’arguments des plus spécieux, il ne peut fournir les preuves qu’il est bien juif; selon la loi de Moïse, en effet il ne l’est pas, et il lui est donc interdit de se marier religieusement.
C’est à la fois grotesque et pathétique, kafkaien et drôle. Simone va le quitter, et c’est comme une sorte de double qui va alors s’installer en lui, le profondément juif et le non-juif. Il devient alors la victime d’une grave crise identitaire: être ou n’être plus.
« Je m’appelle Saül Weissmann mais ne vous fiez pas à mon nom qui est juif, en dépit des apparences. J’ai été, pendant soixante-dix ans, un imposteur pour les autres et pour moi-même « .
Sur le plateau, pas grand chose qu’un sorte de petit lit incliné en latté peint en gris et quelques tabouret noirs de différente taille, et avec un écran pour des projections vidéo. Ce premier moment, bien écrit, à l’humour cinglant, est tout à fait réjouissant, même si le dialogue a souvent des couleurs de théâtre de boulevard un peu facile, avec des mots d’auteur à répétition.
Comme les trois comédiens habillés à l’identique: pantalon et chaussures marron, chemise à carreaux: Jacques Bourgaux, Mikaël Chirinian et Bertrand Combe, ont un solide métier, cela arrive à passer mais ensuite le rythme n’y est plus et on est à la limite de l’ennui.( On sait toute la difficulté des adaptations de romans à la scène).
La faute à quoi: d’abord, à un texte et à une dramaturgie qui n’arrivent pas à tenir les promesses du début. Cela aurait pu faire un bon sketch de quinze minutes maximum mais pas plus. La faute aussi à une mise en scène faiblarde: Salomé Lelouch aurait pu nous épargner, entre autres, ces pauvres vidéos avec poussière d’étoiles et paires d’yeux aux pupilles agrémentées d’une étoile dorée (de David?) qui surlignent inutilement le texte. Et ces cinquante-cinq minutes deviennent longuettes.
Alors, à vous de décider si, à vingt trois euros minimum, la chose en question fait vraiment une soirée de théâtre…
Philippe du Vignal
Théâtre La Bruyère, rue La Bruyère 75009 Paris, à 19 heures.