Woyzeck
Woyzeck, texte de Georg Büchner, mise en scène de Pierre-Yves Bon
Cette pièce mythique restée inachevée, a été montée par les meilleurs metteurs en scène: comme, entre autres: Matthias Langhoff, André Engels, Thomas Ostermeier, Stéphane Braunschweig… Ecrite par un jeune écrivain allemand de 24 ans, mort cette même année 1837, elle est fondée sur un fait divers réel: Johan Christian Woyzeck, un ancien militaire fut accusé d’avoir poignardé son amoureuse qui avait eu un enfant de lui.
Georg Büchner était écrivain, surtout connu pour ses trois pièces (Woyzeck, Léonce et Léna, et La Mort de Danton et révolutionnaire: il mena sa courte vie à défendre les idées socialistes, sous l’influence d’Auguste Blanqui et Saint-Simon.
Mis sous mandat d’arrêt, il fut obligé de s’enfuir et vécut à Strasbourg, puis poursuivit des recherches en anatomie, mais, deux ans plus tard, mourut du typhus à Zurich. Pierre-Yves Bon y voit les prémices d’une réflexion sur l’humain: » La compétitivité, dit-il, est le mot clé de ce début du XXIe siècle. Quand l’homme veut plus de lait, il crée des vaches capables de lui donner plus de lait, quand l’homme veut plus de maïs, alors il trouve un moyen de produire cent quintaux à l’hectare. Crise économique et financière, crise environnementale, crise du sens et des valeurs, crise politique et crise du vivre ensemble: le monde est malade et le temps est compté ».
Cela est loin d’être faux mais la relation avec Woyzeck est moins évidente: « C’est de ce constat, volontairement axé sur les problèmes de notre siècle, qu’a démarré l’envie de faire de Woyzeck une mise en scène engagée », dit aussi, et avec quelque naïveté, le metteur en scène, issu comme ses comédiens de chez Florent où les cours de dramaturgie doivent être aux abonnés absents!
Ce Woyzeck commence en effet en 2091, après une troisième guerre mondiale, où les survivants essayent de survivre aux effets des armes nucléaires. Woyzeck vit avec Marie et leur bébé d’un an est né dans un utérus artificiel, dans un abri-tente. Mais évidemment la suite ne correspond pas à cette idée « d’un futur contaminé par les excès de notre temps ».
Tous les personnages sont en treillis militaire et les scènes se jouent autour d’un sèche-bouteilles tissé de câbles noirs, avec, à côté, une roue de vélo sur sa fourche que l’on fera tourner (références à Marcel Duchamp? mais on ne voit pas très bien la relation que l’on peut établir entre ces ready-made et l’univers de Büchner). On ne discerne pas non plus très bien le dénuement et la quasi-misère où vit ce couple qui sont un des moteurs de l’action dans la pièce d’origine, et cela c’est bien dommage…
En fait, si le texte est respecté, il n’y a pas la moindre émotion dans cette mise en scène assez prétentieuse (sauf à de trop rares moments et grâce à Liza Machover/Marie qui, seule, semble avoir compris le personnage de Büchner) les garçons eux surjouent et criaillent. Rien n’est vraiment convaincant dans cette réalisation un peu ennuyeuse ni la scénographie avec ces deux arbres morts symbolisant sans doute le désastre nucléaire, ni la direction d’acteurs.
Il y a, côté cour, bien éclairé un jeune homme qui ,devant des écrans d’ordinateur, semble s’amuser comme un fou à programmer sons et lumière. Cela fait visiblement partie de la » mise en scène »… Mais on constate vite que, ce qui aurait dû rester un travail d’atelier n’a guère sa place devant un public. Le soir de la première, les copains et les familles applaudissaient, tant mieux! Mais comment trouver son compte dans cet avatar d’avatar de Woyzeck pour lequel on ne peut avoir d’indulgence...
La jeunesse de Pierres-Yves Bon ne constitue pas une excuse et on se demande comment il a pu réussir à emmener ses copains de cours dans une aventure à la limite de l’amateurisme distingué, et de toute façon sans lendemain.
Philippe du Vignal
Théâtre de Belleville, 84 rue du Faubourg du Temple 75011 Paris jusqu’au 1er novembre.