Idiot d’après Dostoeievski

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Festival d’Automne:

Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimer, d’après L’Idiot de Dostoïevski, mise en scène de Vincent Macaigne

 Vincent Macaigne propose aujourd’hui une nouvelle  version  du spectacle qu’il avait créé en 2009 (voir Le Théâtre du Blog). Tout aussi fiévreuse, elle ressemble au chant du cygne d’une époque, à  » l’idée que,  ce que l’on a construit est en train de couler ». C’est aussi le point de vue de l’emblématique prince Mychkine, inadapté au monde, et dès lors jugé comme inintelligent par la société car il pèche par une bonté naïve. Cette figure compassionnelle et mythique, le spectateur en épouse la cause à travers cette errance anti-héroïque dans le dur métier de vivre. A une époque où éclosent projets de chemins de fer européens et bouleversements techniques.
Quand  on pénètre dans la salle, défilent dans les hauteurs du cadre de scène, les portraits  via des images vidéo, d’une riche iconographie christique,  dont Le Martyre de Saint-Sébastien

  Pour le visionnaire Macaigne/Mychkine, Idiot ! ne peut être qu’un spectacle excessivement vivant, «l’offrande d’un requiem ou d’un sacrifice collectif», une fête-anniversaire gigantesque, avec dans la salle, les décibels déchaînés d’une bande-son rock et techno, soutenue par l’effervescence lumineuse d’une boule à facettes, et avec, sur le plateau converti en buvette, de la bière pression à volonté.
  Le public plutôt jeune, les bras levés, est invité à danser dans les cris de joie, le bruit et la fureur ici convoqués pour recréer un espace de liberté et de risque. Les acteurs, surgissant des gradins, descendent sur la scène. Ils donnent tout d’eux: un enthousiasme juvénile et une foi indéfectible dans le désir de vivre et de jouer; ils font confiance   à leur metteur en scène énergique et turbulent qui descend de la régie, grimpe sur le plateau  et jette son verre de bière… sur qui n’est pas d’accord. Les comédiens vocifèrent, s’invectivent et  prennrnt rageusement le public à partie, en le culpabilisant pour cet état-là du monde...
Acteurs et spectateurs vivent l’absolu d’un présent partagé : « La naïveté, la bonté du Prince, le monde dans lequel il évolue, un monde féroce, cynique, où se mêlent le beau et le laid, le mesquin et le sublime, le sang et le rire.» D’une époque à l’autre, les idéologies se renversent, libéralisme, socialisme, conservatisme, fascisme et poussée des extrémismes. Après l’entracte, le public entend la fameuse anaphore du Président François Hollande: « Moi, Président… », suivies de son face à face pré-électoral avec Nicolas Sarkozy.
La réalité quotidienne est sous-tendue par une violence politique, économique et sociale, provoquant aussi folie et humour: le temps du spectacle se métamorphose en un moment de vie et d’excès, d’espoir et de persévérance. Un immense panneau sur pied s’abat sur la scène puis se relève grâce aux techniciens. Des parois en plexiglas dessinent l’espace protégé d’une boîte de nuit, où les acteurs dansent,  et plongent à loisir dans un bain de mousse carbonique
  Seaux de terre, de peinture vert fluo, de lait ou d’eau, tombées de pétales d’or en fusée, poudre dorée sur des personnages masqués,  on est ici  dans  la démesure et la transfiguration, tandis que « les serpents se dévorent entre eux » . Cette vision de l’humanité rassemble tous les désastres, épidémies et  monstres puisque sa nature est composée de l’ange et de la bête, ange déchu ou dragon.
Et le Prince, au-delà de son aspect farcesque, symbolise le dialogue avec soi-même, l’examen de conscience positif et une sensibilité apocalyptique intériorisée. Tous feux éteints, la nuit est totale, mais nous ne touchons pas à la fin de monde annoncée dans L’Apocalypse de Saint-Jean : un gâteau d’anniversaire apparaît,  couronné de petites bougies pour les vingt-cinq ans de Nastassia Philippovna (Servane Ducorps), fille adoptive abusée depuis l’enfance par Totzki (Rodolphe Poulain), tuteur et homme d’affaires véreux, qui veut se débarrasser de la jeune fille en la mariant, avec une forte dot à la clé. Nastassia ne peut croire en rien, si ce n’est à une cynique dépravation.

  Autour d’elle, des hommes sans foi ni loi, attirés par l’appât du gain ou un autre sentiment peu avouable, l’humble Gania (Thomas Rathier) soupire après Agliaïa, le séduisant Rogojine (Dan Artus), le suicidaire et nihiliste Hippolyte (Thibault Lacroix). Il y a aussi Lebedev (Emmanuel Matte) qui représente l’indigent, et qui incarne le dilemme de celui qui veut grimper dans l’échelle sociale,  bien qu’il ait intégré intimement le jugement  dévalorisant sur lui-même qu’il prête,  lui, aux nantis. Seul le Prince Mychkine (Pascal Rénéric), grotesque et burlesque, désire sauver la jeune femme. Mais s’impose dans ce milieu sordide, la figure d’Aglaïa (Pauline Lorillard),  âme pure et vindicative, qui distribue des gifles à qui les mérite.
  Malgré des longueurs complaisantes qui font donc système, le spectacle joue brillamment sur une intensité joyeuse, en s’amusant même de ses excès. La force de la démesure est en effet nécessaire pour vivifier le désir de la mesure. Comme l’écrivait Roger Caillois dans Ponce-Pilate: « La violence primordiale de l’injustice universelle procure le seul réservoir de vigueur capable de hâter l’avènement incertain d’une équité précaire et approximative ». Or, l’univers ne tombe pas complètement dans les ténèbres, le rêve de changement est possible, nous dit cet Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimer…
Et ce spectacle imagine d’abord la fusion entre l’individu et le monde, maintenant.

 Véronique Hotte

 Théâtre de la Ville,  jusqu’au 12 octobre. T: 01 42 74 22 77 puis au Théâtre Nanterre-Amandiers, du 4 au 14 novembre. T : 01 46 14 70 00

 

 


Archive pour octobre, 2014

L’Analphabète

L’Analphabète d’Agota Kristof, mise en scène de Nabil el Azan

 

l_analphabete-63«1-Les débuts»: Le titre du premier chapitre de L’Analphabète s’inscrit, blanc sur noir, accompagné d’un crépitement de machine à écrire. « Je lis. C’est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main… », confesse Catherine Salviat, savourant ces mots, comme on avoue un péché de gourmandise. La comédienne se fait mutine pour évoquer l’Agota de 4 ans, qui s’amuse à faire des bêtises, agace son petit frère et qui, déjà, aime raconter des histoires à n’en plus finir. La romancière hongroise a rassemblé, dans ce petit livre, onze souvenirs autobiographiques: des textes isolés écrits pour la revue alémanique Du dans les années 1989-1990.
L’ensemble du recueil tourne autour de la lecture, de l’écriture, de la langue que l’on quitte, de celle que l’on apprend (« langue maternelle et langues ennemies »), de la poésie comme refuge et comme planche de salut quand, après les temps heureux de l’enfance, se succèdent le pensionnat–caserne, la dictature russe, puis l’exil en Suisse, la traversée du désert et, tout au bout du tunnel, enfin, les publications, la consécration comme écrivain.
Une petite épopée intime, résonnant avec le chaos de la grande histoire, que Nabil el Azan a su saisir et transmettre, lui qui a connu les chemins de l’exil. La direction d’acteur évite le pathos: Catherine Salviat ne s’identifie pas à Agota Kristof, elle est celle qui donne corps à son écriture, serrée et économe. Avec retenue, sans s’appesantir sur les malheurs de son héroïne, elle se fraie un chemin dans la forêt des lettres et des syllabes tourbillonnant sur la scène.
Mais dommage! Les  châssis mobiles barrent le petit plateau du théâtre et ferment l’espace imaginaire qu’ouvrent ces projections, même s’ils figurent les pages d’un livre qu’on tourne. Cela n’empêche pas de suivre ce parcours de la combattante, parsemé d’épisodes savoureux: quel est l’avantage, pour un écrivain, de travailler dans une usine d’horlogerie suisse ? Réponse: le rythme des machines est idéal pour impulser une métrique à ses poèmes.
L’humour n’est jamais loin, il habille le récit de pudeur. Petit clown primesautier, comme l’Agota du pensionnat qui écrivait et jouait des sketches pour payer le cordonnier parce qu’elle n’avait qu’une seule paire de chaussures, Catherine Salviat donne relief au récit. Elle fait entendre une langue apprise, précise, concrète, parcimonieuse, un peu étrange parce qu’étrangère. Une écriture arrachée au néant, à l’analphabétisme, à coups de dictionnaire. Elle conte une leçon de courage, où la littérature, comme la vie, est une lutte de chaque jour : « Comment on devient écrivain ? En écrivant sans jamais perdre la foi dans ce qu’on écrit », conclut l’auteure. Elle dit aussi au terme de ce voyage initiatique : « Quelle aurait été ma vie si je n’avais pas quitté mon pays? Plus dure, plus pauvre, je pense, mais aussi moins solitaire, moins déchirée, heureuse peut-être. Ce dont je suis sûre, c’est que j’aurais écrit, n’importe où, dans n’importe quelle langue ».
Agota Kristof avait d’abord écrit pour le théâtre et la radio, avant de publier son fameux Grand Cahier. La prose imagée et rythmée de l’Analphabète, ses cocasseries, en gardent la trace, et on a grand plaisir à la savourer.

 

Mireille Davidovici

 Théâtre des Déchargeurs, jusqu’au 22 novembre- T: 01 42 36 00 50

 Le texte est publié aux Éditions Zoé (2004) – 55 pages

Le Prince: Reprise

Le Prince, d’après Machiavel, mise en scène et scénographie de Laurent Gutman (reprise)

2666208640 Il y a des auteurs et des spectacles qu’il vaut mieux fréquenter deux fois qu’une. Nous vous avions déjà rendu compte dans Le Théâtre du blog de ce  spectacle, présenté en janvier dernier au Théâtre 71 de Malakoff. Nous l’avons revu:  rien à ajouter, sinon que le spectacle est encore meilleur.
   1) Sa machine fonctionne mieux dans une salle moins grande.
2) La situation politique ayant empiré, les propos de Machiavel tapent encore  plus juste. « Tous les hommes sont méchants » dit Laurent Gutman, et c’est le sous-titre du spectacle.

Allez donc voir les ternes aspirants au pouvoir  se faire redresser les bretelles par le grand penseur de la politique. Facile d’accéder au pouvoir, difficile de le garder! Sur scène, au moins, on peut rire des misérables apprentis dictateurs.
Et grâce à Machiavel, nous voyons enfin leurs grosses ficelles.

 Christine Friedel

Théâtre Paris-Villette, jusqu’au 8 octobre.

Juke Box Le Fanfaron

Ciné concert: Jukebox/ Le Fanfaron

La Dynamo, dans le quartier des Quatre-Chemins à Pantin, est une ancienne manufacture de toile de jute reconvertie en salle de concert, et devenue le lieu favori du festival Banlieues Bleues. Au programme, un ciné-concert non conventionnel, avec Le Fanfaron de Dino Risi (1962),  scénario d’Ettore Scola. La plupart du temps,  les groupes jouent en continu devant un film muet projeté dans son intégralité.
Mais ici, Le Fanfaron est montré avec des coupes et des 115 minutes de la version originale, le film est  passé à une petite heure de spectacle visuel et musical, avec quelques effets appliqués aux images; on suit les pérégrinations automobiles de Bruno Cortona (Vittorio Gassman), la quarantaine vigoureuse, amateur de conduite sportive et de jolies femmes. Joyeux, beau, plein d’énergie et absolument sans gêne,  il  ne s’embarrasse  de rien et fonce dans la vie, comme il fonce dans sa Lancia décapotable.
Il a entraîné avec lui, le jeune et bien sage Roberto Mariani (Jean-Louis Trintignant) qui pensait réviser son examen de droit, et c’est dans un road-movie à cent à l’heure qu’ils s’engagent  sur les routes italiennes, entre Rome et Viareggio, le 15 août, jour le plus férié des jours fériés italiens! Le Fanfaron
avait influencé le réalisateur Dennis Hopper et Peter Fonda le scénariste, qui l’avaient  visionné plusieurs fois  avant de tourner leur fameux Easy Rider (1969)
  Le groupe Jukebox  se compose de Fabrizio Rat, pianiste, Louis Laurain, trompettiste,  Fidel Fourneyron,  trombone, Ronan Courty,contrebassiste  et  Julien Loutellier, batteur. Cette formation  très inventive, propose un jazz très rythmé, presque électro mais avec seulement des trompettes et trombones bouchés, un Steinway  préparé et  une  contrebasse frottée avec une brosse, ou frappée… Bref Jukebox possède un vrai son.

Certaines scènes du film sont comme chorégraphiées (Vittorio Gassman esquissant un pas de danse ou jouant au ping-pong, l’évocation d’un bal de campagne…) et passent  plusieurs fois à l’écran : bon  prétexte pour le groupe à développer  les sons et le rythme. La musique, à la fois évocatrice des années soixante avec le son si particulier des trompettes bouchées et du piano préparé, est donc presque électro, alors que tout est joué acoustique, et c’est saisissant !
Cette comédie qui fait la part belle à l’Italie estivale, est fondée  sur le charisme d’un Vittorio Gassman, très à l’aise  dans son numéro de charme. Certaines scènes dialoguées sont données sans musique, puis le groupe  reprend vite ses instruments. Pour l’anecdote,  il est  assez drôle de voir le jeune Jean-Louis Trintignant avoir peur de la conduite de son ami quand… on connaît sa carrière de pilote automobile !
On a toujours le sourire aux lèvres durant ce ciné-concert qui, sans pour autant manquer de respect au film initial, joue avec les images. C’est un spectacle d’une grande fraîcheur, drôle,  et musicalement très abouti.

Julien Barsan

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Francophonies en Limousin/2 côté plateau

Francophonies en Limousin/2 côté plateau

 

siteon0-b68a9Quelques jours passés au festival, dans les salles autant qu’après, (au sortir des spectacles, aux rencontres de la librairie, aux débats), laissent apprécier les rencontres surprenantes qu’il a suscitées, les mariages mixtes entre les cultures et les disciplines qu’il a accompagnés et co-produits. Une bonne partie des représentations est issue de résidences à la Maison des auteurs, ou de textes lus lors d’éditions antérieures, permettant de retrouver des artistes d’une saison sur l’autre. La plupart des spectacles,  quel que soit leur format, tout comme les écritures dramatiques présentées, est en phase avec les grandes questions qui agitent les créateurs ainsi que le public. Les artistes tentent d’y répondre, entrant en résonance les uns avec les autres, d’où qu’ils viennent, au gré des chemins et les formes qu’ils empruntent…

 

2ba4c7a04f16e1c1fcac2f8825dd00b7La Ronde de Nuit, création collective mise en scène par Hélène Cinque

Voilà un spectacle qui fera mentir Pedro Kadivar (prix RFI théâtre 2014) : on ne peut pas reprocher au festival d’avoir une notion administrative et fermée de la Francophonie,  puisqu’il invite pour la deuxième année consécutive la troupe afghane Théâtre Aftaab, née dans le sillage d’un stage donné par Ariane Mnouchkine à Kaboul en 2005.
Depuis, Le Théâtre du Soleil n’a cessé de les former, les inviter et les soutenir. « Ce n’est pas facile d’émigrer, non pas tout, dit Mahmoud Sharifi, l’administrateur d’Aftaab… Aujourd’hui notre refuge est le théâtre ». Faisant écho à ses paroles, dans Ronde de nuit, un gardien de nuit afghan nouvellement embauché pour veiller sur ce sanctuaire qu’est le théâtre, au milieu d’un bric à brac de décors, accessoires, éléments divers, va accueillir, par une nuit glaciale, toute la misère du monde : sous l’oeil bienveillant de la servante (ghost lamp en anglais). « Le temps est hors de ses gonds » dit le flic de service, citant Shakespeare et, tandis que dehors, sous la neige, tout prend des allures fantomatiques, c’est un défilé de personnages, un sans abri, une prostituée, une jeune danseuse russe et surtout une bande de compatriotes frigorifiés en partance pour l’Angleterre.
Loin de dormir apaisés, les migrants sont hantés par des souvenirs douloureux qui prennent vie dans cette nuit de tempête. Les fantasmagories se mêlent au réel de la situation. Les improvisations, les récits recueillis sont la matière du spectacle, mais grâce à la cocasserie des situations, aux évocations plus vaporeuses que sont les rêves, fantasmes et cauchemars, au décalage culturel entre ici et là-bas, nous ne sommes jamais dans le vérisme, le rire n’est jamais loin et baignons dans un entre deux poétique porté par des acteurs très investis. Une réussite incontestable, La Ronde tourne depuis 2013 en France et à l’étranger avec succès.

 

En attendant Godot, de Samuel Beckett, mise en scène par Jean Lambert-Wild, Marcel Bozonnet et Lorenzo Malaguerra :

godot_20140310tjv_66Nous avons déjà longuement loué, au théâtre du blog (voir article mars 2013), cette version d’un des textes les plus joués et surtout les plus commentés de Beckett. Nous découvrons la pièce sous un nouveau jour, loin de toute glose. Deux acteurs africains, Farguas Assandé et Michel Bohiri, incarnent Vladimir et Estragon avec une justesse naturelle, sans connotation forcée, et nous emmènent dans un univers d’une inquiétante étrangeté. Ce qui met d’autant plus en valeur le décalage avec le deuxième couple, qui, lui, « joue » davantage à jouer : Marcel Bozonnet campe avec grâce un Pozzo histrion, fatigué et tyrannique, tandis et Jean Lambert-wild en Lucky sorte de pantin désarticulé a une présence muette prégnante, et la virtuosité avec laquelle il débite et danse son long monologue sans queue ni tête nous laisse bouche bée. La deuxième partie qui, dans d’autres productions paraissait souvent un peu longue, ne souffre ici d’aucune pesanteur. Tout semble aller de soi sans besoin de forcer le sens. Une réussite qui augure bien de l’arrivée de Jean Lambert-Wild, au Théâtre de l’Union puisque, quittant Caen, il prend a tête de la scène nationale.

Tournée: 2-4 octobre, La Filature-Mulhouse; 14 octobre, Compiègne, 17 octobre, Théâtre de Chelles, 7 novembre,Théâtre de Chalands, Rueil ; 25-29 novembre, CDN Nancy ; 2015 : 17-19 février Théâtre de la Coupe d’or, Rochefort; 3-29 mars; Théâtre de l’Aquarium, Paris; 1-2 avril; Théâtre du Passage, Neufchâtel.

 

DARAL SHAGA-grille-(c)Christophe-Pean-6_0Daral Shaga, opéra-cirque de Kris Defoort, mise en scène Fabrice Murgia, livret Laurent Gaudé

Sous ce titre mystérieusement exotique, des musiciens, des chanteurs et des acrobates nous content l’histoire de Nadra et de son père, en route vers un pays lointain. En contrepoint, un autre personnage tente l’aventure en solo. Il leur faudra franchir le mur bornant l’Eldorado qui les attire et les fascine. L’un mourra aveuglé par les lumières de la ville, Nadra franchira le mur, son père restera en deçà des barreaux… Qui des uns ou des autres aura gagné la liberté? Daral Shaga est celui qui n’a pas pu sauter. Une de ces tragédies qu’on lit au quotidien dans les journaux. «Toi moi et des milliers d’autres nous partons… Ma terre natale est une terre de douleur et de mendicité (…) et de nuits torturées… », chantent-ils. Une tragédie qui, à travers trois destins singuliers, devient collective telle que mise en musique, en mouvements et en images, avec la choralité qu’engendre le croisement de trois arts de la scène.

La partition de Kris Defoort, interprétée par un trio : violoncelle, clarinette, piano, tente d’épouser le livret assez décevant, quand on connaît la plume flamboyante de Laurent Gaudé. Elle passe de la musique de chambre à des éclats d’orchestre baroques, jazzy, voire à des solos plus mélodiques épousant parfois des sonorités orientales. Malgré un texte qui ne décolle guère, le chant reste nuancé et sensible, les trois chanteurs, en solo, en duo ou en choeur font ce qu’ils peuvent, dans un décor écrasant, souvent masqués par un tulle tendu à l’ avant-scène, sur lequel sont projetés des gros plans des actions scéniques et le texte.
Les acrobates de la compagnie belge Feria Musica, sous la houlette Philippe de Coen, ont travaillé sur la notion d’obstacle à franchir, de chocs et de rebonds . Ils se livrent à des numéros de trapèzes, d’équilibre, d’escalades le long de cordes et d’échelles. Ils se lancent dans le vide et virevoltes. Leurs évolutions spectaculaires donnent une dimension épique à l’aventure des migrants. On ressent, à travers leurs sauts vertigineux, les risques que prennent ces exilés à tout quitter, à affronter tant de périls pour un avenir improbable. La poésie et l’émotion surgissent quand chant, musique et cirque se fondent, comme dans le beau passage de « Cours, Nadra, cours, saute… ».
Faire cohabiter des musiciens, des chanteurs et des acrobates constitue un défi qui a été habilement relevé par Fabrice Murgia. Dommage que la vidéo et la multiplication des écrans perturbent un travail soigneusement orchestré, extrêmement fin et sensible. On retient de ce spectacle original, porté par des interprètes virtuoses, de très belles images sonores et visuelles.

 Tournée : 7-9 octobre, scène nationale de Besançon; 4-6 décembre, Le Maillon Théâtre de Strasbourg ; 20 mars 2015, Festival Détours de Babel, MC2 Grenoble.

 

Le Kung Fu, texte, mise en scène et jeu de Dieudonné Niangouna

dieudonnePour Dieudonné Niangouna, dont la guerre a été le quotidien, « le théâtre est un combat », son « kung fu ». Tout gamin, il a toujours parlé en marchant, dans les rues de Brazzaville: « Je parle et je crie en marchant, c’est comme ça que j’écris mes textes », dit-il. C’est ainsi qu’il éprouve «la liberté de la circulation de la phrase dans les nerfs ». Et de se livrer à un parcours du combattant, où il retrace la genèse de son goût pour le théâtre, venu tout droit du cinéma autant que de sa propension à la logorrhée. Il raconte les séances de cinéma familiales devant la télé, comment il rêvait de jouer dans des films de Kung Fu, sa fascination pour les acteurs,. De quelque nationalité qu’il fut, « l’acteur parle français !», en «VO». Et de citer pêle–mêle Bronson, Belmondo, Fernandel et sa vache ou Sylvester Stallone en vétéran du Viet-Nam, etc. D’énoncer aussi une kyrielle de titres possibles concluant: «J’ai plus de titres que d’histoires ». Pépites noyées dans le flot des mots, émergent de beaux moments d’émotion et d’heureuses formulations dans cette langue qui bouscule la syntaxe et charrie sens et sonorités jusqu’au vertige. Cette ivresse verbale se trouve tempérée par les projections de films assez cocasses qui l’interrompent.
«Le Kung Fu est un solo, mais un solo face à une foule: avec la participation des habitants de Limoges et de Corrèze », explique l’auteur. En effet, il a généreusement associé des gens de tous âges et origines à son spectacle. Il leur a demandé de choisir et de jouer des scènes de cinéma qui les ont marqués. Les images produites parsèment la pièce, petites séquences d’amateurs re-réalisées par le metteur en scène: de À bout de Souffle aux Quatre cents coups, des Bronzés font du ski au Père Noel est une ordure en passant par La vie est un long fleuve tranquille ou Quand Harry rencontre Sally. C’est très amusant, même si Niangouna a parfois du mal à raccorder ces petits films au corpus du spectacle. La vitalité et la sympathie qu’il dégage, la qualité de son jeu, sa gouaille explosive, son humour tout terrain, sa présence magnétique, sa langue magnifique ne suffisent à convaincre entièrement. Comme il s’agissait d’une des premières représentations, reste à espérer, qu’au fil de la tournée, le spectacle trouve plus de cohérence. L’auteur n’envisage-t-il pas : «le théâtre comme une matière en devenir» ?… Mais pour l’heure on a pu apprécier la légèreté et l’apaisement de cette part d’enfance qu’il nous livre, en faisant son cinéma.

Tournée: 6-7 novembre, Théâtre des Salins, scène nationale de Martigues ; 15-16 novembre, Kunsthaus Munsonturm, Francfort. 2015 : 20-21 janvier, Bonlieu scène nationale d’Annecy ; 3-21 février,Théâtre Vidy, Lausanne.

 

Cantate de guerre de Larry Tremblay, mise en scène Harvey Massamba

Cantate-IF-Brazzaville_4747_0Tout de suite en arrivant dans le hall du l’Espace Noriac, le public est mis dans l’ambiance : bousculé par des soldats, gesticulant et vociférant, au beau milieu d’un marché africain. Une manière d’entrer dans le vif du sujet de cette Cantate de guerre. Dans la salle, les vociférations se poursuivent : planté à l’avant scène, d’où il ne bougera pas, un soldat éructe sa haine tandis qu’il sème la terreur et la mort, dans une famille, tuant le père violant la mère, devant leur gamin de sept ans, qui assiste à la scène impuissant. Un village comme le sien, une famille comme la sienne, sur laquelle un destin identique s’abattra. Ce faisant, il apprend à son fils, de sept ans lui aussi, la haine, pour en faire un soldat, lui débitant son bréviaire: « Soit dur, soit pur », face au chien que tu peux égorger sans scrupule, que tu as le devoir d’égorger, par ce qu’il qui ne croit pas à ce que tu crois. L’engrenage de la violence, la transmission de la haine, Larry Tremblay a trouvé les mots pour les dire dans un texte choral d’une belle fluidité. Harvey Massamba, lui les a éprouvés, au Congo pendant la guerre de 1993, et il croit les revivre en voyant ce qui se passe au Nigéria ou avec l’Etat Islamique. « Quand j’ai lu Cantate de guerre qui commence avec :  »Toi, tu n’es pas de ma peau, de mes yeux, toi tu n’es rien de moi, toi, tu ne jaillis pas de ma race, moi je te crache dans les yeux », je me suis dit : c’est exactement ce qui s’est passé au Congo », confie-t-il. Il a choisi de partager cette cantate entre trois comédiens et un musicien. Deux des comédiens restent immobiles, l’un vertical dans sa haine, l’autre couché sur son lit de souffrance, tandis que le troisième comédien, et le musicien, plus mobiles, interviennent en contrepoint et circulent, créant un pont entre scène et salle. Saisi par la violence verbale, que redouble la redoutable fixité du soldat terroriste, le public pénètre dans une sorte de cauchemar. La cruauté de la guerre, la déshumanisation qu’elle engendre, si bien disséquées dans la pièce de Larry Tremblay amènent à une sorte de désespérance, que les artistes nous font partager. Une petite distance est introduite par la musique de Simon Winsé, quand il parcourt les rangs ou qu’il s’interpose entre les acteurs, comme pour calmer le jeu: un style très personnel, une présence joyeuse. On regrette alors le jeu parfois excessif des acteurs, redondant par rapport à une texte percutant comme un tir de mitraillette car il produit à certains moments un effet de saturation. Mais il y a urgence à faire entendre une telle parole. Et on l’entend bien.

Tournée : Festival Mantsina, Brazzaville décembre 2014 ; Afri Cologne, juin 2015

Le texte publié aux Editions Lansman a obtenu le prix 2012 de la dramaturgie francophone de la SACD

 

L’appartement à trous de et par Patrick Corillon

751185116f350b2ad35f4709bbabea54Avec son air débonnaire, son sourire enfantin, il nous ferait tout gober. Par exemple, qu’il détient le «grattage» du plancher de la prison d’Ossip Mandelstam, là où le poète exilé, racontait des histoires à ses co-détenus du Goulag, pour garder espoir… Et de nous l’exhiber, avec ses rainures et ses nœuds qui esquissent des paysages. Or Mandelstam n’a jamais vécu au Goulag, il est mort sur le chemin de la Kolyma: ce n’est pas la vérité historique qui intéresse Parick Corillon, mais les translations qu’une fiction opère. Il nous avait pourtant prévenu au départ qu’il ne fallait pas croire tout ce qu’il disait… À partir de là, c’est à un étrange voyage que nous invite l’artiste liégeois. Plasticien, il a bricolé une table en mélèze de Sibérie, munie de casiers, dispositif scénique léger qui tient dans un sac de golf. Des tiroirs, il sort précautionneusement objets, photos, dessins, pour nous conter l’extravagante aventure d’un gamin crédule qui va apprendre les langues en écoutant les bruissements de la forêt polonaise, parler anglais aux pierres de Stonehenge… et nous dire la légende de l’homme d’eau, notre double utérin qui se cache dans les méandres de la Seine.
A l’instar d’un conférencier, Patrick Corillon s’adresse directement au public, en pleine lumière. Tout paraît couler de source dans ce récit au parfum d’enfance. Subtilement, les mots entrent en résonance avec les objets que l’artiste manipule avec délicatesse sur son petit plateau de planche.
Les nœuds du bois ont fourni l’univers visuel de ce récit: ils deviennent arbres, rivières, personnages, animaux. Pour faire écho aux livres pour la jeunesse de Mandelstam, l’auteur choisit de prendre des formes plastiques très simples; il utilise le coloriage, le picotage, le frottage, le découpage.
L’
Appartement à trous, sous titré soixante minutes pour parler toutes les langues est à la fois une exploration des origines du langage à l’écoute de la nature et une réflexion sur la fiction comme résistance. Il s’ancre dans une poésie qui tient du rêve éveillé. Un vrai bijou.

 Tournée : 25 octobre, Découvrez-vous ! Bois-de-Villiers ; 22 novembre, La Nuit de la marionnette- Festival MARTO, Clamart ; 12-22 décembre Théâtre de l’Agora, scène national d’Evry

Un très joli petit livre illustré fait maison accompagne le spectacle

 

La Constellation du chien de Pascale Chevarie, mise en scène Alban Coulaud

 

image18411Elle se présente: Eléonore. Elle évoquera, le temps du spectacle, un événement qui, il y a quinze ans, a bouleversé sa vie, quand elle était Léo. Flash back. Extérieur nuit. Tandis qu’Emile, écolier renfermé et solitaire, scrute le ciel, guettant l’apparition de Laïka, Léo fuit la bande de petits voyous avec qui elle traîne et qui la harcèlent. Les deux enfants se rencontrent, se racontent leurs misères, se consolent… Malgré cette amitié naissante, Emile choisit de s’envoler vers la constellation du chien où se cacherait la petite chienne russe perdue dans le cosmos depuis 1957. La pièce remonte le temps, sur les traces de cette histoire. Elle procède par courtes séquences, rythmées par des noirs. Le décor -échafaudage précaire, haut perché et fragile-, les luminaires qui trouent la pénombre renforcent l’ambiance fantomatique voulue par le metteur en scène. C’est un travail précis, sensible, porté par des acteurs qui incarnent les enfants avec un grand naturel, sans les singer. Le texte, malgré le sujet qu’il aborde évite le réalisme. Quoique que de facture assez classique, il propose un espace poétique évacuant toute dramatisation.
La Constellation du chien s’inscrit dans la Belle Saison avec l’enfance et la jeunesse, une initiative qui fait découvrir la richesse de la création contemporaine pour la jeunesse. Six spectacles du Festival des Francophonies font partie de ce cycle.

 Tournée 8-10 décembre, La Mégisserie, Saint-Junien. 2015 :28-30 janvier, Théâtre Jean Legendre, Compiègne; février, A pas contés, Dijon; avril, Festival Puy de Mômes, Cournon d’Auvergne; 15-19 avril, L’Apostrophe, Cercy-Pontoise; 12 mai, Théâtre du Cloître, Bellac.

 

Mireille Davidovici

Les Francophonies en Limousin, jusqu’au 4 octobre

 

Passim

 Passim, mise en scène et scénographie de François Tanguy, Le Théâtre du Radeau

 

passimUne même occurrence dans le corps d’un texte, « çà et là et en différents endroits », tel  est le sens du mot latin Passim, titre singulier de ce  spectacle  beau en soi et parfaitement inclassable, comme  François Tanguy les aime. Tel un enfant, à l’orée d’un conte, le spectateur est invité à pénétrer un matériau plastique mouvant, vivant et changeant, fait de cadres fragiles en bois, de panneaux, de portes et de tables – en morceaux et désarticulés – qui stagnent sur le plateau encombré, bougent, puis s’immobilisent avant de s’élever encore dans les hauteurs du plateau, portés, sans fin mais avec grâce, par de grands acteurs manipulateurs.
Le public a l’impression  de pénétrer dans l’encombrement d’un grenier – un désordre entassé dont le matériau serait l’accumulation du temps. On imagine une tapisserie à trois dimensions, composée de strates d’époques et de styles variés, un patchwork volumineux savamment coloré et agencé d’esthétiques diverses.
François Tanguy évoque pour sa création « des flux qui se relient » : ainsi, les flux verbaux de la parole déclamatoire des acteurs qui portent les grandes voix du théâtre: Kleist, Marlowe, Shakespeare, Le Tasse, Molière, Calderon ou Pouchkine. On entend les langues allemande, italienne, espagnole et anglaise, non pas dans leur  traduction moderne mais dans des formes anciennes et baroques.
Penthésilée ouvre le spectacle, porté par la scansion d’une actrice majestueuse proférant  des mots qui  font rêver. Apparaît à l’imaginaire du spectateur, le merveilleux Achille et son quadrige, le casque empanaché, vu de dos, le cou fort et la taille ceinturée d’or. Le héros mythologique croise sous le soleil une autre figure antique glorieuse, la sauvage Penthésilée suivie d’une cohorte féminine mouvante.
De son côté, Le Roi Lear prépare ses filles à la révélation de leurs sentiments filiaux : beau vieillard, chenu et maladroit, il fait le compte de ses affections intimes en prenant pour argent comptant de fausses perles,  perdant  son seul vrai bien précieux… Le temps passe et les histoires se tissent sans fin, selon les mêmes accrocs. Ces vaillants manutentionnaires et ouvriers de l’art font disparaître les paravents de fortune,  avant de les faire ressurgir sur le devant de la scène, métamorphosés ou reconstruits différemment…
Pour le concepteur de ce théâtre/performance, largement décentré et qui se refuse au récit classique, au commentaire ou à l’interprétation, cette scénographie onirique relève, selon le lexique des technologies nouvelles, d’un « site » en soi, où entrecroisent encore d’autres sites divers, un écran proprement insaisissable.
La musique, par exemple, est à la fois comparable à un morcellement sonore de notes emphatiques ou adoucies, à une série silencieuse de brisures chuchotées, à une coulée onctueuse et insistante d’extraits lyriques hétéroclites et attachants. D’emblée, le public est envoûté: de Schubert à Beethoven, de Haendel à John Cage, de Sibelius à Verdi,  ces mythiques envolées musicales nous enserrent…
Quant aux costumes, ils passent d’une tendance et d’une époque à l’autre, perruques blanches du XVIIIème siècle, chapeaux Empire, robes à panier ou à traîne, etc… mais l’élégance et la vision comique sont toujours au rendez-vous. On regarde sur ces châssis/écrans assemblés, des images filmées de portes-fenêtres à petits carreaux dignes des plus beaux châteaux entourés de verdure.  Puis, un cheval et son cavalier apparaissent à la fin….Est-ce ce fou de Don Quichotte sur sa fidèle monture ? Une brassée de branches surgit pour un théâtre d’ombres et de conte pour enfants…
Comme des pantins virevoltant ou des fantômes habités, Laurence Chable, Patrick Condé, Fosco Corliano, Muriel Hélary, Vincent Joly, Carole Paimpol, Karine Pierre, Jean Rochereau, Anne Baudoux ne cessent d’agir… Et le spectacle est un intense enchantement ludique, grâce au souffle poétique de ces tombées passagères de littérature, de théâtre, de peinture, de musique et de lumière.

 Véronique Hotte

 T2G Théâtre de Gennevilliers – Le Festival d’Automne – jusqu’au 18 octobre. T : 01 41 32 26 26

La Cité de la danse à Toulouse, un projet en danger

La Cité de la danse à Toulouse, un projet en danger

la-grave-aerien-sep_9995Voici une vingtaine d’années, la ville de Toulouse ne se distinguait pas particulièrement en matière de sensibilisation à la danse, au sens le plus large du terme. La création d’un Centre de développement chorégraphique dirigé par Annie Bozzini a lentement mais sûrement changé la donne.
Avec des moyens modestes, le C.D.C. est parvenu à faire vivre toutes les formes d’expression d’aujourd’hui, les jeunes danseurs hip hop de la région – et d’ailleurs – y trouvant leur juste place, au même titre que les autres artistes contemporains.
De même, une programmation pertinente, en association avec les autres structures de la ville disposant de salles pour les accueillir, a permis aux Toulousains de voir, parmi beaucoup d’autres, des artistes aussi reconnus mondialement que Merce Cunningham ou William Forsythe.
Pour le CDC, l’objectif à atteindre  était de fournir à toutes les forces vives de la région (et au-delà) un lieu adéquat pour les accueillir. A partir d’un lieu d’implantation ne disposant que du minimum d’équipements, a donc été conçu voici plus de dix ans, un projet de Cité de la danse incluant salle, studios, lieu de résidence, qui devait simplement, comme l’explique sobrement Annie Bozzini, « fournir un lieu de représentation tout en permettant le croisement des savoirs ».
L’ancien hospice de la Grave, désaffecté depuis longtemps, offrait la possibilité d’une réhabilitation idéale. Un projet architectural a pris forme. La recherche de financements avançait, soutenue par l’ancienne municipalité PS. Jamais remis en cause pendant la campagne des municipales, y compris par ce qui devait devenir la nouvelle équipe municipale UMP, le projet vient cependant d’être brutalement annulé. C’est par un article de la Dépêche du midi que le personnel du CDC a reçu la nouvelle.
Bien que la méthode utilisée pour informer les principaux intéressés soit pour le moins cavalière, on peut comprendre que dans un contexte d’économies budgétaires assez drastique – d’autres projets ont été annulés, notamment une Cité de l’image et une Cité de l’urbanisme – certains objectifs soient revus à la baisse. Mais le projet, qui ne fait d’ailleurs qu’accompagner un épanouissement artistique qui profite à tous,  ne doit pas être remis en cause.
La directrice du CDC fait fort justement valoir l’exemple de la Maison de la Danse de Lyon (d’où est aussi  issue  la fameuse Biennale de Lyon), qui s’est créée au départ sur des bases financières relativement modestes, et dont le bénéfice culturel, économique et social, saute aux yeux.
Les responsables du projet cherchent d’ores et déjà des solutions moins coûteuses pour préserver la Cité de la danse dans son principe même. Pour leur permettre de donner plus de légitimité à leurs arguments, ils ont lancé une pétition adressée au Maire de la ville qui a atteint en quelques jours 3000 signataires. Initiative salutaire pour la cause de la danse, mais pas seulement.

C’est le modèle culturel et ses fameuses « retombées économiques » qui est aussi en question En effet, le spectre de certains projets pharaoniques se profile à l’horizon, au moment même où des initiatives de terrain pourtant moins dépensières risquent la destruction pure et simple.

 Chantal Aubry

On peut  se joindre à la pétition: il suffit d’aller sur le site du CDC Toulouse, et de cliquer sur « signez la pétition ». 

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Monsieur_le_Maire_de_Toulouse_La_creation_dune_Cite_de_la_danse_a_Toulouse/?mCHjkbb

 

 

Fever à la vie à la mort

 

Fever à la vie à la mort, texte et mise en scène d’Attilio Sandro Palese, musique de DJ Eagle

 

ob_1a8bf3_fever-paleseAncien élève du conservatoire d’Art dramatique de Lausanne en 1997, Attilio Sandro Palese a joué sous la direction de Benno Besson, Gérard Desarthe,…A 45 ans,il a monté  Hot house d’Harold Pinter, Le Bouc de Rainer Werner Fassbinder,  et  écrit plusieurs pièces dont  Nobody dies in dreamland, Teenfactory . « Je crois, dit-il,  qu’il y a une part de magie et de spiritualité dans l’Art. L’Art est le fruit de l’intuition et de l’observation du monde, des gens et des choses. L’Art est la résonance de la totalité de notre psychisme, lorsque celui-ci observe librement le monde. c’est le vide qui observe le vide. c’est l’amour».
Dans Fever à la vie à la mort, nous sommes dans les années 70 à Brooklyn, où une bande de jeunes mâles roulent des mécaniques devant deux filles qui sont à leurs pieds et qui rêvent d’être sélectionnées pour le concours de danse du samedi soir.  Bobby, Vince, Eugène et Tony, le meilleur danseur et le  préféré de ces dames, traversent le plateau sur une grille qui fait penser à celle fameuse de West side story, et changent sans cesse de chemise largement ouverte sur leurs pectoraux et leurs chaînettes.
Les deux jeunes femmes sont, elles, traitées, avec la dernière brutalité, comme des prostituées dont elles acceptent d’endosser le rôle. On assiste même à un scène de fellation suggestive devant un public de très jeunes adolescents.
Malgré  des acteurs dynamiques, le spectacle a de la peine à décoller, en dépit d’ un public enthousiaste.  Et il est loin de valoir Je suis du Théâtre KNAM de Komsomolsk-sur-Amour, écrit sur un thème voisin et accueilli  aussi la saison dernière au Poche, dans le cadre de Territoires en écritures.

Le Poche de Genève jusqu’au 3 octobre. T: +41 22 310 37 59

    

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