Je brasse de l’air

Je brasse de l’air, performance mécanisée de Magali Rousseau, mise en scène de Camille Trouvé.

anges au plafond C’est une sorte de performance conçue, écrite, construite et interprétée par Magali Rousseau, issue, il y a quelques années, de l’Ecole supérieure  des arts décoratifs de Strasbourg. Soit  un parcours sur la scène du Grand Parquet en 45 minutes, parmi une dizaine d’objets/ovni/machines/robots (on choisira le terme le plus convenable) mus par des moteurs télécommandés, ou plus simplement par une manivelle à main qui régit un système de poulies sophistiqué, par l’air, l’eau, voire par la vapeur. Avec accompagnement à la clarinette par Julien Joubert qui est aussi aux commandes du son et de la lumière.
C’est Magali Rousseau qui sert de guide et qui manipule ces machines, à la fois fragiles et impressionnantes. Toutes très bien réalisées, elles ne sont pas évidemment de la même efficacité visuelle mais la plus poétique est, comment dire les choses sans risque d’erreur, une bougie qu’elle fait déplacer sur un ruban qu’elle actionne grâce à une manivelle , et qui projette sa lumière sur un long fil de fer tordu, dont l’ombre projetée sur un écran révèle alors une phrase poétique.  Soit une très belle création plastique qui rappelle celles de Christian Boltanski, et qu’un musée d’art contemporain français ferait bien de vite acheter, avant qu’elle ne soit achetée ailleurs …
Il y a aussi dans cet espace silencieux, juste soutenu par le son de la clarinette et comme hors du temps, un balancier à deux boules de cuivre qui va tourner  lentement sur un axe; ces boules de cuivre contenant de l’eau qui va être  transformée en vapeur par la chaleur d’une mini-bougie suspendue en dessous, vapeur qui mettra en marche cette curieuse machine  que Léonard de Vinci n’aurait peut-être  pas désavouée.
Magali Rousseau nous emmène parmi ces machines/sculptures comme un sculpteur qui ferait visiter son atelier, en nous racontant l’histoire de sa famille.Mais mieux vaut oublier un texte qui n’est pas  vraiment à la hauteur de  cette promenade poétique, comme ce costume vraiment très laid: robe  sans manches, mal coupée, collant bleu avec bottines à lacets…
Mis à part ces petites réserves, cette création de la compagnie des Anges au plafond dont Le Théâtre du Blog vous a déjà parlé, mérite le détour, si elle passe près de chez vous.

Philippe du Vignal

Le Grand Parquet, 20 bis rue du Département 75018,Paris métro Stalingrad/ Marx Dormoy,  jusqu’au 30 novembre, à 19h, 20h et 21h. communication@legrandparquet.net



Archive pour novembre, 2014

Les Perses

Les Perses d’Eschyle, mise en scène de Tilémachos Moudatsakis (en grec, sous-titré en français)
 
      spectacle_12279C’est la seule tragédie grecque à thème historique qui nous soit parvenue; jouée par la compagnie des Vivi au dernier Festival off d’Avignon et,  en ce moment, à Athènes. A la bataille navale dan une rade étroite de la petite ile de Salamine, située non loin du du Pirée (480 avant J.C.), les Athéniens réussirent à écraser l’immense flotte du roi perse Xerxès, ce qui  empêcha l’envahissement de l’Occident par l’Orient.
Dans cette pièce d’à peine une heure, fondatrice du théâtre occidental, Eschyle le grec (qui se place dans le camp des vaincus)  raconte d’abord le rêve prémonitoire de la vieille reine Atossa, la veuve du roi Darios qui annonce un désastre  militaire; un messager perse apportera en effet confirmation de  la terrible défaite nationale, puis l’invocation de Darios par les vieillards de la Cité venus  lui demander conseil et qui sorti de sa tombe, leur répond, et enfin le lamentable retour de la guerre  de Xerxès demandant pardon à ses sujets

      Ce qui est bouleversant dans la mise en scène de Tilémachos Moudatsakis, c’est la technique qui fait éclater la souffrance et la douleur à travers le corps de l’acteur, et  qui donne une  dimension tragique à l’existence humaine. Pendant la représentation, le corps de l’acteur pleure littéralement…
      Tilémachos Moudatsakis propose une série de symboles pour  accompagner le texte qui renvoient à des signifiés culturels universels ; par exemple, la sortie de son caveau du roi Darios, parmi des objets créés par Haris Sepentzis, suggérant des plaques tombales, grâce aux invocations déchirantes du chœur de vieillards. Ou des bottes militaires, remplies de pièces d’or, qui renvoient à l’opulence du royaume  au temps où Darios était roi…
      Le metteur en scène a voulu dépasser le réalisme, et a mis en œuvre une syntaxe géométrique de jeu gestuel, accompagné ici par le véritable tableau sonore que constitue la musique de Maria Syméon. Yannis Ascaroglou donne une dimension rare en variations vocales et gestuelles au personnage du roi Darios. Christos Baltas crée un remarquable Xerxès, qui selon Eschyle, est conscient  à son retour d’avoir commis un crime en emmenant l’armée perse se battre contre la Grèce. Artemis Gavrilouk, Eleni Orneraki et Agisilaos Alexiou ont eux aussi une belle présence.
      Tilémachos Moudatsakis a su réaliser une mise en scène riche en émotions de cette célèbre pièce et  la compagnie des Vivi  reviendra en 2015 à Avignon avec cette fois, Œdipe Roi de Sophocle…
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Théâtre Alcmène, Athènes, jusqu’au 16 janvier. T : 0030 34 28 650

Othello

Othello, variation pour trois acteurs  d’après William Shakespeare,  adaptation et mise en scène d’Olivier Saccomano et Nathalie Garraud

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©Emile Zeizig

Cet Othello que l’on a pu voir au dernier festival in d’Avignon a été pensé  pour  être joué là où il n’y a pas de lieu de spectacle, entre autres ,dans des salles polyvalentes de villages, voire même  en plein air.
Avec une scénographie qui en tient donc compte : quelques rangées de chaises en cercle libérant trois passages vers  une scène ronde!

La pièce commence doucement par un petit prologue sur l’organisation économique d’un marché, le commerce et surtout la crise, les comédiens n’entrent pas ainsi sèchement  dans leurs personnages et  les metteurs en scène ont aussi  cherché à proposer un  parallèle avec notre époque.
« A propos de cette époque,  à la charnière du Moyen Age et de la Renaissance, disent-ils, on parlerait aujourd’hui d’une crise des repères, les mutations scientifiques (Galilée), technologiques (perfectionnement de l’imprimerie et de la navigation marchande) bouleversent des hiérarchies millénaires et les perceptions spontanées qui les accompagnaient  (…) Cette équivocité des périodes de crise, nous en sommes contemporains. Il y a aujourd’hui en Europe un affect de la crise, dont la gamme va de l’inquiétude à l’angoisse, et qui, soigneusement manipulé, a toujours su produire ses effets et ses ravages. » Voilà qui pose bien la manière dont la pièce est abordée ,et qui réaffirme le côté politique de cet Othello.

Pour que cette production puisse tourner partout, il faut donc une scénographie légère et une distribution réduite; Mitsou Doudeau, Cédric Michel et Charly Totterwitz jouent ici tous les personnages et, pour  les différencier, ils usent de costumes et accessoires qui vont du plus simple (veste militaire avec nom du personnage accroché par velcro) à des déguisements plus marqués (perruques lunettes, costards et cigares).
C’est donc à gros traits, que certains personnages sont rendus: c’est un peu dommage, même si on a voulu pallier une vraie difficulté pour  les reconnaître; et on est ainsi parfois plus concentré sur le jeu des acteurs que sur  le texte de Shakespeare qui perd un peu en solennité …
La disposition en cercle oblige aussi les  comédiens à  se déplacer souvent et à aller derrière nous; cela devient même un peu systématique et tend à donner le tournis! Là encore, un peu de calme aurait pu aider à la dramatisation de certaines scènes.

Les comédiens se débrouillent bien avec cette partition difficile :  surtout Cédric Michel campe un Othello au comble de la tension dramatique;  il occupe vraiment la scène avec beaucoup de puissance et fixe le public avec détermination.
L’actualisation de cette pièce est un peu à marche forcée et ne fonctionne pas toujours malgré la bonne volonté et la justesse de l’intention; à la fin, l’Europe est symbolisée par une bâche aux étoiles, ce qui nous éloigne de Shakespeare…

C’est malgré tout une  belle idée que d’aller porter cette grande pièce, mise en scène en moins d’1h30, dans une scénographie simple et originale pour cent personnes tout au plus, et avec trois acteurs seulement. Ce qui permet sans doute  à un public éloigné des théâtres de voir enfin Othello sur une scène et de prolonger ce moment, puisque la compagnie propose toujours  une discussion  à l’issue du spectacle.

 Julien Barsan

Le 27 et 28 Novembre à la Scène Nationale d’Evreux, du 24 au 27 février au Fracas, CDN de Montluçon; du 10 au 15 mars au Centre Dramatique de la Réunion ,et du 16 au 18 mars au festival Accès Soir  à Riom

Timeloss

Timeloss,  texte, mise en scène et scénographie d’Amir Reza Koohestani, (en persan surtitré)

 12037771964_44c0a0cf59_bSoit deux comédiens, dans un studio d’enregistrement, assis chacun à une petite table, lui, derrière, côté jardin, elle, devant, côté cour, et lui tournant le dos.
Ils répètent le texte d’une pièce qu’ils ont jouée ensemble douze ans auparavant, et dont la captation vidéo de l’époque nécessite une nouvelle bande -son.
Sur deux écrans verticaux, séparés par un panneau noir et situés derrière chacun des acteurs, défilent des séquences de la pièce à doubler, interprétées par des acteurs plus jeunes. Un ingénieur du son lance aux doubleurs des directives en voix off.
Sur scène, entre deux prises, les comédiens répètent indéfiniment les mêmes dialogues. Ceux de la pièce d’origine se confondent avec ceux de la situation présente, sans qu’on puisque distinguer s’il agit de leur propre histoire amoureuse ou de celle des personnages qu’ils doublent.
Tout se complique encore quand les acteurs d’ici et maintenant se retrouvent sur les écrans du passé, remplaçant leur alter ego juvénile. Dans ce dispositif complexe, s’élabore un jeu de miroir vertigineux qui renvoie à un ancien spectacle, joué il y a douze ans, Dance on Glasses (qu’on a pu voir sur ce même plateau du Théâtre de la Bastille).
On nous en projette quelques extraits : on y voit deux personnages assis face à face, chacun à un bout d’une très longue table. Le thème de Dance on Glasses était une rupture amoureuse. Ici le meuble a été coupé et chacun reste devant sa petite table, isolé,  mais il ne peut plus regarder son partenaire, ou même lui parler autrement que dans un langage codé, monté en boucle.
La création d’Amir Reza Koohestani nous rappelle que la littérature persane est avant tout poétique et métaphorique. L’auteur travaille ici sur la trace, le temps qui passe, les corps qui vieillissent et sur ce qu’il reste des amours mortes.
Par ricochet, il est question d’exil, de solitude, de l’impossibilité de s’exprimer. Il renvoie aussi à l’éphémère du théâtre vivant, aussi bien qu’à la persistance dans une œuvre, des œuvres antérieures…
La lecture des sur-titres et les multiples niveaux de représentation demandent une grande concentration aux spectateurs, soutenue par la présence prégnante de Mahin Sadri et Hassan Madjooni. Ils restent statiques mais font vivre intensément leurs personnages dans cette langue chantante qui est la leur.
Un exercice de style captivant.

  Mireille Davidovici

Théâtre de la Bastille jusqu’au 30 novembre,  76, rue de la Roquette 75011  T. 01 43 57 42 14

Georges Dandin

Georges Dandin de Molière, mise en scène d’Hervé Pierre.

PHO1a667eb8-6bf1-11e4-9e1a-b501f3c023ca-805x453  Riche paysan, Georges Dandin, fasciné par l’idée d’acquérir un titre nobiliaire, a  épousé la jeune et belle Angélique de Sotenville, dont le père  ruiné  continue à jouer les gentilshommes. Dandin, lui, a donc obtenu, grâce à ce mariage, le droit de se faire appeler  Monsieur de la Dandinière.
Mais il a vendu son âme au diable, et ce mariage, comme il devait bien s’en douter, est un marché de dupes. Il a, en fait, échangé sa misère sentimentale  et une ambition mal placée contre une belle jeune femme qui, poussée par ses parents, s’est laissée faire. « L’amour, disait Jacques Lacan, c’est offrir à quelqu’un qui n’en veut pas, quelque chose que l’on n’a pas ». En l’occurrence, Dandin ne semble pas éprouver beaucoup d’amour pour la belle Angélique, seulement une attirance sexuelle et un besoin de reconnaissance sociale. Cherchez l’erreur!
   Il apprend que sa femme fait les yeux doux au jeune Clitandre; et comme, il ne connait pas toutes les roueries de la ville, et qu’il doit être plus à l’aise, quand il vend les produits de sa ferme, il entreprend maladroitement  de dévoiler  l’affaire à ses beaux-parents.
Mais il s’y prendra mal, et c’est un échec complet.
Le couple Sotenville, avec un grand mépris, ne le croit pas et le rabroue, alors qu’il a, comme le public, la preuve évidente du double jeu de la jeune et belle Angélique qui, bien secondée par  sa servante Claudine, connaît à fond l’art de la dissimulation et du mensonge avéré.
Angélique, très habile et qui refuse de « s’enterrer toute vive dans un mari », réussit de justesse, et pour la troisième fois, à retourner la situation à son avantage. Injurié, humilié, le pauvre Georges Dandin devra, de plus, présenter ses excuses à Angélique…
Mais, il y a quand même une (petite!) justice. M. de Sotenville, qui n’est finalement peut-être pas si sûr (on se le demande) de la bonne foi de sa chère fille, mettra en demeure les deux époux de continuer à vivre ensemble...
Molière créa  Georges Dandin à Versailles en 1668. Cette comédie en prose,  avec une pastorale composée par Lully, est inspirée d’un canevas du Moyen Âge sur le thème bien connu des classes possédantes de la ville qui méprisent les paysans, et s’en méfient (ce qui n’est pas incompatible!),  même s’ils ont  besoin d’eux pour leur fournir la nourriture quotidienne.
Mais Molière, à plusieurs reprises, souligne aussi,  et c’est nouveau, le drame intérieur  que vit Georges Dandin, pris à un piège qu’il a lui-même fourni, incapable d’analyser lucidement la situation, et de renoncer à cette jeune femme qui  se moque de lui sans aucun scrupule au nom d’une sorte de féminisme avant la lettre.
Angélique estime en effet et non sans raison, qu’elle a été en quelque sorte vendue; elle n’entend donc pas se laisser faire, et veut vivre sa vie à elle, et non comme épouse de ce monsieur de la Dandinière. Et, du coup, comme elle veut la crème et l’argent de la crème, elle n’a aucun scrupule à tricher. C’est cynique et bien vu.
Elle sera seulement moins sûre d’elle… quand elle se verra prise au piège tendu par son mari. Avec d’autres paramètres sans doute, est-ce une situation si inimaginable que cela en 2014?  Ce qui frappe, quand on relit la pièce, c’est l’absolue modernité des dialogues qui  fascine souvent  les jeunes metteurs en scène (voir Le Théâtre du Blog).

Pour Hervé Pierre,  un des meilleurs acteurs du Français (La Tragédie d’Hamlet, Peer Gynt, Un Fil à la patte), » il semblait intéressant, dit-il, de placer la pièce de Molière dans le contexte historique du XIXème siècle, marqué à la fois par l’invention d’utopies, de mondes idéalisés, et par une féroce réalité politique et sociale (…) C’est pour cela que je souhaitais inscrire l’histoire de Georges Dandin dans la France de 1850-1851, celle d’Un enterrement à Ornans de Gustave Courbet « .
On veut bien, mais cela ne se voit, ni se sent guère dans cette mise en scène  qui, dès le début, est plombée par une scénographie  compliquée, imaginée par Eric Ruf, qui ne restitue en rien le monde et la maison du paysan qu’est resté Gorges Dandin.
Soit un ensemble de palissades en planches de pin artificiellement vieillies, voire abimées qui peut évoquer une cloison d’étable ou de poulailler, avec, à cour, une très  petite pièce juste éclairée par une ampoule, où se tient en permanence et comme enfermé, (sans que l’on sache vraiment pourquoi!), Colin, le valet de Dandin (Simon Eine).
Au milieu, soutenu par un faux tronc d’arbre en fer (sécurité oblige!), une espèce de praticable/cage en bois, un peu branlant, en rien crédible, censé être l’appartement du couple auquel on accède par un étroit escalier, pas très commode à monter pour des actrices en robe longue.
Et, sur les murs de scène, éclairées par des tubes fluo bleu (le ciel?), des feuilles d’arbres peintes (la campagne?). Tout cela reste bien approximatif, sonne  faux, et n’aide en rien les comédiens, ce qui est pourtant le principe d’une scénographie intelligente.
Côté interprétation, les vieux routiers du Français, Catherine Sauval et Alain Lenglet (les Sottenville) s’en sortent bien, comme Jérôme Pouly (Georges Dandin). Il est juste dès les premières répliques et tout en nuances, à la fois balourd, comique mais aussi  profondément émouvant. C’est  un beau travail d’acteur, et le spectacle lui doit tout.
Mais les jeunes comédiens, eux sont beaucoup moins justes: Claire De La Rüe du Can  a bien à imposer  du mal à imposer une Angélique assez raide, qui reste peu crédible jusqu’à la fin, et ses camarades Pierre Hancisse (Clitandre), Noam Morgensztern (Lubin) et Pauline Méreuze (Claudine) ont tendance à cabotiner; et cette distribution inégale manque d’unité.
Donc, une mise en scène honnête mais un peu timorée, comme si Hervé Pierre, qui louche du côté de Brecht et du réalisme pictural, n’avait pas osé aller jusqu’au bout pour dire, à sa façon, cette farce d’une remarquable cruauté. On oubliera aussi les petits intermèdes  pas très bien dansés et inutiles qui cassent un rythme. déjà un peu plan-plan.
On se souvient avec nostalgie de la mise en scène  de Roger Planchon. avec Claude Brasseur…Restent les magnifiques dialogues de Molière, et qu’on entend très bien. C’est  au moins cela, et donne encore plus envie de relire cette pièce  sur  l’institution  du mariage; en termes plus crus, dira le marquis de Sade quelque cent ans plus tard, c’est « un pacte mercenaire et vil, un trafic honteux de fortunes et de noms qui, n’enchaînant que les personnes, laissent les cœurs à tout le désordre du désespoir et du dépit ». C’est déjà toute la cause des ennuis de Georges Dandin…
Donc à voir seulement si on n’est pas trop exigeant, et surtout pour Jérôme Pouly et pour le plaisir d’entendre ce texte sublime.

Philippe du Vignal

Comédie-Française Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris jusqu’au 1 er janvier. T: 01 44 39 87 00/01

Focus à Théâtre ouvert

Focus à Théâtre ouvert

 

141117_rdl_0056Théâtre Ouvert, Centre National des Dramaturgies Contemporaines, vient de s’offrir une semaine intense, un “focus“ sur ce qui est sa raison d’être, un lieu de découvertes sans frontières. Nicolas Bouchaud a donné sa voix au Discours de Monsieur le député, de Massimo Sgorbani, la franco-roumaine Alexandra Badea a poursuivi le travail commencé avec Pulvérisés avec Dépressurisation / Module 1, dans la même soirée où Jean-François Auguste mettait en voix Mai XXIe sicle. L’échec est-il le propre de l’âme ? de Fernando Renjifo, lui-même inspiré par Anselm Kiefer.L’Europe de l’écriture existe, et de toutes les écritures : vidéo, chorégraphie –la danseuse Olivia Granville confinée par un texte d’Aurore Jacob Au bout du couloir à droite-, performance –parmi mon regret de n’avoir pu tout suivre, il y a d’avoir manqué celle d’Anne-James Chaton, Décade-Le Voyage à Marseille-. Le théâtre s’affirme ici évidemment “indisciplinaire“.

Deux beaux textes ont été réunis en une soirée très bien composée : Histoires naturelles de l’oubli, de Claire Fercak (1), et Des Territoires, de Baptiste Amann. Dans le premier, un roman, on suit les chemins de deux êtres juste un peu décalés, un soigneur amnésique dans un zoo et une bibliothécaire souffrant de stress post-traumatique. Les vies parallèles finissent par se rejoindre, bien sûr, en un grand saut dans l’oubli réparateur. On est heureux d’entendre ce beau texte soutenu par la musique discrète de Jean-Christophe Urbain, on peut juste regretter que Philippe Calvario n’ait pas travaillé la mise en voix avec la même rigueur poétique. La bande de Baptiste Amann a pris son texte avec une autre poigne : cette histoire de fratrie, assez banale en elle-même (il faut vendre la maison après la mort des parents), y compris dans les « thèmes » qu’elle prétend ne pas traiter -l’adoption, le racisme…- trouve une force inattendue avec la découverte, dans le jardin familial, des restes de Condorcet en personne. Les enjeux, du coup, ne sont plus les mêmes. Logiquement, cet excellent groupe de comédiens va créer la pièce en 2015, à Reims et à Marseille : à suivre, avec bonheur.

Théâtre Ouvert a ses fidèles : Stanislas Nordey, actuel directeur du Théâtre National de Strasbourg, a choisi de mettre en voix Un jour nous serons humains de David Léon. Et la dernière soirée s’est focalisée autour de Noëlle Renaude. Marie Vermillard a filmé à l’automne 2012, autour de L’Enquête et Accidents (Théâtre Ouvert, automne 2012), quelques-uns des échanges entre l’auteur femme de scène et son acteur complice Nicolas Maury. Cela donne un regard de spectatrice parfois rêveuse, peut-être même ensommeillée, avec ses ralentis et ses flous, et une déclaration d’amour à la création en train de se faire. Noëlle Renaude a trouvé une autre complicité scénique, avec Luc Carutti : L’oralité on dit mais c’est quoi l’oralité. Le texte de l’entretien, retranscrit par Nicolas Doutey, est rigoureux, fervent, sur ce que c’est qu’écrire, sur la place exacte de la fiction, sur un paquet d’illusions d’auteur à balayer. Et sur la place de l’acteur, que l’expérience vérifie. Noëlle Renaude est une femme de théâtre, d’écriture et de parole ; Luc Carutti l’imite très bien, au point, dit-elle, de l’« usurper », devenant ainsi le légitime acteur de sa parole. On ajoutera : pour notre plus grand plaisir, qui naît précisément de cette incorporation essentielle. Nicolas Doutey a eu moins de bonheur avec sa propre écriture (minimale) aux mains de Rodolphe Congé. À force de puritanisme esthétique, cette tentative dé réduire le théâtre à ce qu’il est, juste des acteurs sur le plateau, avec une seule situation, manque paradoxalement de corps. Le soupçon qui pèse sur la (re)présent(ation), c’est-à-dire sur la fiction et sur une éventuelle intention, écrase en même temps le présent et la présence. Bref, on s’ennuie terriblement, sans pouvoir se consoler en se disant que cela interroge la place du spectateur.

Voilà, on espère vous avoir donné plein de bonnes et de moins bonnes raisons d’aller suivre ce qui se passe à Théâtre Ouvert.

Christine Friedel

  1. à paraître en janvier 2015 aux éditions Verticales
  2. Théâtre Ouvert :01 42 55 74 40

Gertrud d’après la pièce de Hjalmar Söderberg

Gertrud d’après la pièce de Hjalmar Söderberg, traduction de Jean Jourdheuil et Terje Sinding, adaptation et mise en scène de Jean-Pierre Baro

 

34-141101_rdl_0181Traquer le domaine de l’amour revient à cheminer sur les sentiers de la conscience morale, des sentiments, des passions, du sexe, de l’effroi et de la mystique. On pourrait assimiler Gertrud (1964) du cinéaste danois Carl Theodor Dreyer à un film religieux, même si, comparé à Ordet (1955), sa dimension mystique est moindre.
La belle héroïne de Gertrud, pièce du dramaturge suédois Hjalmar Söderberg, sacrifie sa vie pour un idéal d’amour, une utopie, qu’elle inscrit continument à la fois dans la réalité quotidienne et dans un absolu improbable malgré les échecs essuyés. Telle la beauté, autre création platonicienne d’Eros, la vérité reste une, qu’elle soit atteinte ou non, vérifiée ou pas. L’amour est un aspect « naturel » de la transcendance et du rapport à l’autre. Si les personnages tuent l’amour, il ne reste plus que la solitude du cœur, l’envers de l’aspiration humaine à sortir de soi. Gertrud représente le combat d’une âme pure afin de vivre, sensuellement et sentimentalement, la seule raison d’exister en ce monde qu’est l’amour.
La cantatrice n’accepte pas les compromis ni les petits arrangements; qu’elle soit suppliée ou bien humiliée, elle préfère perdre sa mise pour la rejouer ailleurs. Les trois hommes – ils ont des âges différents, du plus âgé au plus jeune, alors que l’amante, l’épouse, la maîtresse a l’âge de sa conscience  éternellement jeune -, qui construisent cette figure vive et étincelante sont mus par le principe de pouvoir, l’ambition, la reconnaissance sociale : l’homme politique, l’écrivain et le compositeur. Aucun n’a perçu la lumière inépuisable dispensée par l’envoûtante Gertrud.
Ces considérations vont à l’encontre de ce que Verlaine avance dans ses Mémoires; le poète affirme que l’amour est le mobile de toutes les actions : « Et ne me parlez pas d’autre chose, ambition, lucre, gloire ! Tout au plus peut-être de l’Art. Et encore, et encore l’Art, tout seul ? ».
Seule, la cantatrice Gertrud, pour se sentir être, croit à l’amour, et à l’art ensuite. Les règles du savoir-vivre qui empêchent la réalisation des désirs intimes donnent à la figure féminine l’apparence d’un échec passionnel et celle d’un échec familial et social, bien que Gertrud ressente personnellement ce ratage comme une victoire existentielle. Aimer, signifie souffrir, subir et se donner sans compter à la douleur.
Dans la mise en scène de Jean-Pierre Baro, Cécile Coustillac incarne une Gertrud presque irréelle et pourtant sensuelle, un personnage qu’on croyait impossible à force de transparence et d’émotion à fleur de peau, une héroïne évanescente qui sait toucher terre pourtant, pâle et fragile, silhouette au pouvoir de rayonnement.
L’actrice pleure, chante, crie, parle et argumente, sourit et rit, cherche ou fuit les baisers. Avec naturel, donc un art scénique accompli et beaucoup d’humilité. Quant aux hommes, ils maintiennent le cap vers le grand large du théâtre. L’avocat sur le point de devenir ministre, Tonin Palazzotto, use de sa dégaine et de son verbe : une scansion, une conviction et un art de la communication éloquents. Elios Noël est une force virile de la nature – charme, chair violente et musique. Jacques Allaire, en écrivain content de lui et qui joue les insatisfaits, est parfait.
La scénographie, à la fois sombre et pure, de Mathieu Lorry Dupuy est subtile : un espace mental vide et sombre avec, de temps à autre, un lustre d’opéra et un tapis volatile de copeaux légers de neige blanche que l’on balaie parfois. Avec  aussi, un piano à queue que font miroiter les murs environnants, des panneaux de glace couverts de craie que l’on efface progressivement pour laisser paraître les reflets de soi et du monde.
Jean-Pierre Baro s’amuse de ces jeux de transparence, invitation à l’éveil et à la méditation à travers des visions lumineuses du monde.  Le miroir est un moyen de connaissance des atteintes du temps, un révélateur qui ne ment pas. La réussite de cette Gertrud délicate tient à cette osmose scénique entre les personnages – corps et verbe, d’un côté ; solo, duo et chœur de l’autre – et l’espace vivant dessiné, révélateur puissant non des déceptions, mais des attentes de la vie.

 Véronique Hotte

 

Le Monfort Théâtre Paris 15 ème,  jusqu’au 13 décembre. T :01 56 08 33 88

                                      

focus sur martin crimp

Focus sur Martin Crimp au Studio Théâtre de Vitry : Playhouse et La  Ville

 Le Studio Théâtre de Vitry, lieu convivial où se fabrique le théâtre d’aujourd’hui, convie le public à des «ouvertures» régulières, avec présentation de travaux en cours et rencontres avec les artistes.
Dans ce cadre, il propose des journées Martin Crimp avec, au menu, spectacles, lectures et débat. L’auteur  (58 ans), découvert en France à la fin des années quatre-vingt-dix, avec Atteintes à sa vie, qui a, depuis, connu de nombreuses mises en scène en dehors de son Angleterre natale.
En novembre 2011, le Studio Théâtre avait accueilli la création de La Ville par Rémy Barché qui, depuis, a traduit et réalisé Playhouse. Rendez-vous est donné pour retrouver Rémy Barché et Martin Crimp en amont de la reprise prochaine de la Ville au Théâtre de la Colline.
Les deux pièces nous entraînent  dans l’intimité quotidienne d’un couple avec des situations qui dérapent insidieusement vers l’insolite, l’inquiétant, des ambiances que feu Pinter ne renierait pas. Cependant,  Martin Crimp, qui a bûché le théâtre grec et latin à Cambridge, et fréquenté  Bernard-Marie Koltès, Molière, Jean Genet et Eugène Ionesco pour les avoir traduits, s’est forgé un style et un univers personnels qui se déclinent sur deux modes différents dans le diptyque de cette soirée.

Playhouse, traduit par Rémy Barché et  Adèle Chaniolleau se découpe en treize courts sketches :  Se bPlayhouse-2rosser les dentsNettoyer le réfrigérateur, Appareil mobile numéro 1Post-coïtum…Treize instantanés de la vie d’un jeune couple entre les quatre murs de leur nouvel appartement où quelque chose de pourri, de moisi, s’insinue, à l’image de leur réfrigérateur qu’ils récurent énergiquement.
Les miasmes de l’extérieur, les blessures intimes et les lourds non-dits contrecarrent leur amour. La mise en scène  joue sur le contraste entre le caractère faussement enjoué des jeunes gens, leur énergie et leur fureur de vivre et de s’aimer, et les traumas du passé qui les menacent, tout autant que la vacuité de l’avenir qui s’ouvre devant eux.
L’auteur, qui reconnaît que c’est là, sa pièce la moins noire, souffle le chaud et le froid, avec des scènes ludiques qui,tout à coup, virent à l’aigre. Ainsi, dans le première scène, Déclaration numéro 1, quand, au comble de l’exaltation amoureuse, il lui lance : « Je t’aime tellement, tu emplis toute l’étendue de mon être… Je ne crois pas en Dieu mais je crois en toi, tu m’as créé… », en réponse, elle lui offre une merde de chien joliment emballée dans un paquet cadeau.
Avec une écriture économe qui pratique l’art du retournement brutal en deux temps trois mouvements, Martin Crimp tisse une courte parodie de la vie conjugale, à la fois joyeuse et désespérée, où la passion sombre dans la routine. Rémy Barché et ses acteurs se prêtent à ce jeu avec délectation, et le public apprécie.
Le spectacle a été conçu avec  un décor minimaliste réduit à une aire de jeu, quelques meubles et une porte, pour pouvoir aller en tournée un peu partout ; il a été souvent présenté hors-les-murs, dans des mairies, salles de sport, magasins et établissements scolaires où il a été, nous dit-on, chaleureusement accueilli.
On retrouve cette manière particulière qu’a Martin Crimp de manipuler ses personnages, son style acéré, son écriture  laconique, dans La Ville (traduction de Philippe Djian), présenté ici par Rémy Barché dans une version  sans éclairages et avec, pour tout décor, une table, deux chaises, et un piano.
Le couple un peu moins jeune que le précédent, habite une maison avec jardin, a des enfants dont la présence est plutôt fantomatique. Mais une voisine infirmière vient pour se plaindre du bruit qu’ils font. Clair est traductrice, Chris est informaticien. Ils s’aiment, mais la vie les sépare progressivement. Leur quotidien est banal. Ils se comprennent de moins en moins. Il perd son travail. Elle part pour un colloque. Les enfants deviennent progressivement incontrôlables… L’atmosphère se dégrade et dérive vers une inquiétante étrangeté : « Rien ne semble normal, tout semble décalé et artificiel », constate l’infirmière.
Les acteurs, dirigés à la loupe par le metteur en scène, respectent une  écriture composée au métronome, où les silences creusent un abîme entre les personnages. En bon musicien professionnel qu’il est aussi, Martin Crimp  accorde à ces silences la même valeur qu’aux mots. Et c’est dans ces non-dits et ce sous-texte, que s’engouffrent le doute, le désamour, la violence … Les personnages évoqués par les protagonistes présents sur scène en chair et en os ont autant de poids qu’eux, et la fiction qui leur donne vie prend le pas sur leur ici-et-maintenant.
Clair donne une belle définition de cette écriture en trompe-l’œil, dans la lecture finale qu’elle fait de son journal intime, ébauche d’un roman. Elle compare son univers à une ville peuplée de personnages : « J’ai inventé des personnages et je les ai mis dans ma ville » Mais la ville est détruite, il n’y a pas d’enfants, personne, «  juste  de la poussière ». « Si j’arrivais à trouver la vie dans ma ville, je pourrais devenir vivante », continue-t-elle.

Et si tout n’était que fiction, et nos vies, comme le théâtre, un mentir-vrai.  « Et moi, suis-je inventée ? » s’interroge Clair. « Peut-être ce que l’on voit, c’est le roman que Clair essaye d’écrire à partir de sa propre vie, de sa ville intérieure », indique Rémy Barché.  Le travail dépouillé, précis, qu’il propose ici, nous transporte au cœur de la matière vivante qu’est l’écriture de  Martin Crimp, sa ville à lui. Il donne lui aussi une belle définition de son art: « Je n’écris pas sur la violence. Ce n’est pas mon sujet. Je la laisse affleurer, tout comme elle cogne sous la surface de nos vies. »
Une proposition réussie pour découvrir Martin Crimp, servie par une mise en scène sans fioritures et par des acteurs qui portent le texte avec justesse, délicatesse et talent.

Mireille Davidovici

La Ville sera jouée au Théâtre de la Colline, du 27 novembre au 20 décembre 5 Rue Malte Brun, 75020 Paris.  T: 01 44 62 52 52

Soirée William Forsythe/Benjamin Millepied

Soirée William Forsythe, Benjamin Millepied par le Ballet de l’Opéra de Lyon

IMG_5726Workwithinwork, est le premier module de cette soirée; cette pièce qui avait été créée en 1998 par William Forsythe avec le ballet de Francfort, est comme un concentré de son esthétique,  constitué de figures sur pointes, de portés, avec des soli, des duos, des trios et avec des variations de rythmes et de formes. Les quinze danseurs et danseuses restituent justement cette chorégraphie, mais un certain ennui nous envahit tout au long de ces trente-deux minutes.
La deuxième partie est plus tonique. Avec Sarabande, Benjamin Millepied, se souvenant des pas de Mikhail Baryshnikov dirigé par Jerome Robbins en 1994, présente une pièce en sept séquences, sur une musique de Jean-Sébastien Bach, jouée sur le plateau, à la flûte ou au violon. Les quatre interprètes se déploient avec une belle fluidité, et donnent à voir une danse légère et  plaisante, qui ressemble à un divertissement de cour d’un autre siècle. Le soir de la première, le nouveau directeur de la danse de l’Opéra, est venu saluer avec ses danseurs sur la scène  et  a reçu une belle ovation du public.
One Flat Thing, reproduced,  fait partie avec les deux autres pièces, de la programmation du Festival d’Automne, en hommage à William Forsythe, et  a toujours autant d’impact sur le public que lors de sa création en 2000, par le ballet de Francfort. Les quatorze danseurs et danseuses glissent rapidement à l’avant-scène vingt tables rectangulaires qui imposent leurs contraintes aux mouvements des artistes, les corps composant des figures morcelées d’une belle esthétique.
Nous retrouvons avec bonheur la musique de Thom Willems qui rappelle  les grandes émotions de spectateurs en 1984, quand nous avions découvert le chorégraphe américain au théâtre du Châtelet. Cet assemblage nécessite une précision du geste extrême qui manque parfois à certains danseurs, mais l’ensemble, cohérent, soulève finalement l’enthousiasme du public.

 Jean Couturier

Théâtre de la Ville  à Paris, à 20h 30, jusqu’au 26 novembre.   

Pops texte et mise en scène d’Alexis Fichet

Pops ! texte et mise en lecture d’Alexis Fichet

 

Hicksuntitled.1.hires_.web_La lecture de Pops ! inaugure « la Piste d’envol », une formule proposée par le comité de lecture du théâtre du Rond-Point. Il s’agit de donner leur chance à des pièces inédites et de provoquer des rencontres entre des textes et des compagnies désireuses de les porter à la scène. Alexis Fichet, membre du collectif rennais Lumière d’août*, regroupant, depuis dix ans, six jeunes auteurs et metteurs en scène, présente ici son travail, dans l’optique de trouver des producteurs.

La pièce commence par une chanson, « Pops ! Bientôt on va tous manger du crabe !», dit le refrain, mais du crabe bourré de polluants organiques persistants (les fameux et dangereux POPS) … Par cet air entraînant, se termine le spectacle que trois actrices viennent de jouer, et que nous ne verrons pas. Pendant qu’on démonte le décor, le conseiller d’une fondation, supposé financer le projet, s’emploie, lui, à démonter la pièce, point par point, réfutant la posture des artistes face au problème de la pollution : « A la fondation on ne rigole pas avec ça, vous dansez sur des cadavres ! » persifle-t-il. Les actrices à leur tour défendent leurs points de vue pied à pied… C’est à travers cette dialectique de questions – réponses qu’on prend petit à petit connaissance du spectacle, qu’il se recompose et qu’on le visualise. Mine de rien, aussi, le texte nous entraîne dans un débat philosophique et politique, construit sur le modèle d’une disputatio scholastique, sans jamais être ennuyeux malgré son sujet ardu et ses arguments sinueux. L’angle d’attaque pour aborder ce grave problème de société s’avère astucieux et agréablement léger. La légèreté même que revendiquent les trois comédiennes face à leur contradicteur.

Souhaitons que, à partir de ce tremplin, Pops ! prenne son envol…

Le texte, lui, sera publié en mars 2015, à l’Entretemps.

Mireille Davidovici

 

Prochaines Pistes d’envol

Médée la folle de Stéphane Guérin, 2 décembre ; Lotissement de Frédéric Vossier, 13 janvier ; L’Abattage rituel de Gorge Mastromas, 20 janvier ; Variations pour un trio désaccordé de Ged Marlon, 27 janvier.

 

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Roosvelt, 75008 Paris

Entrée libre réservation obligatoire au 01 44 95 58 81 – ouverture des réservations un mois avant l’événement

 

*Lumière d’août : http://www.lumieredaout.net

 

 

 

 

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