Peggy Pickit

Peggy Pickit voit la face de Dieu de Roland Schimmelpfennig, mise en scène d’Aurélie Van Den Daele

 

459335fd392d555a0fd4b9ce789db6aaEn jouant sur les codes du drame bourgeois, le jeune et prolifique auteur dramatique allemand propose une nouvelle dramaturgie portée par une écriture aigüe, à fleur de peau, fondée ici sur une fable très classique.
Deux couples de médecins quadragénaires se retrouvent, après six ans, le temps d’une soirée. Liz et Frank, bien installés dans leur pavillon confortable avec garage, avec «le job, la voiture, l’enfant…», reçoivent Karen et Martin, rentrés eux précipitamment, traumatisés et démunis, d’un pays d’Afrique où sévissent sida et guerre civile.
« C’était une catastrophe complète ! », annonce Martin en voix off, à propos de ces retrouvailles qui, une fois les amabilités d’usage échangées, vont virer doucement à l’aigre. Chaque séquence est interrompue par les commentaires en off de l’un ou l’autre des protagonistes: paroles empreintes de vérité, voire de cynisme, ou révélations intimes, s’insinuent derrière la façade des bienséances, avant le grand déballage final qui clôt la soirée.
Flash-back, scènes anticipées et rejouées plus tard, perturbent aussi la continuité dramatique. Cette construction syncopée et répétitive, constitue un véritable défi à la mise en scène qui risquerait de virer au systématisme. Aurélie Van Den Daele a choisi la simplicité, en jouant sur les contrastes: des noirs secs alternent avec un éclairage saturé  sur des scènes dialoguées et, dans la pénombre, grouillent des blattes géantes ou des souris, discrètement projetées sur le décor.
Les comédiens adoptent un style direct, sans temps psychologique, proche de celui d’une série télévisée. Avec une rapidité qui ne les empêche pas d’être toujours justes. A cette intrigue, se superpose une histoire de poupées: celle en bois de la petite Annie, adoptée par le couple mais restée en Afrique, et  celle de la fille de Liz, en latex blanc, nommée Peggy Pickit,
Manipulées par Liz, deux minuscules marionnettes vont prendre vie devant nous, grâce à une caméra vidéo qui relaye leurs mouvements, et entament une conversation creuse et dérisoire, qui résume l’impossibilité d’un dialogue Nord/Sud, comme sont devenus illusoires les échanges entre les deux couples. Au-delà d’une comédie de mœurs rondement menée et interprétée avec virtuosité, Roland Schimmelpfennig questionne  aussi la posture occidentale vis-à-vis des pays pauvres et, mine de rien, nous met face à notre impuissance à comprendre et à régler leurs problèmes.
Vous  ne regretterez pas d’être venus voir ce spectacle! 

Mireille Davidovici

Théâtre de l’Aquarium, jusqu’au 30 novembre. T: 01 43 74 99 61.
Peggy Pickit voit la face de Dieu fait partie d’un «diptyque au cœur de l’intimité », dont le second volet mis aussi en scène par Aurélie Van Den Daele, Dans les veines ralenties, est une adaptation de Cris et Chuchotements d’Ingmar Bergman.

www.theatredelaquarium.com

 


Archive pour 6 novembre, 2014

la mouette

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La Mouette d’Anton Tchekhov, traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan, mise en scène de Yann-Joël Collin

Anton Tchekhov dit à propos de La Mouette qu’il écrit en octobre 1895 : «C’est une comédie, il y a trois rôles féminins, six masculins, quatre actes, un paysage (une vue sur un lac), beaucoup de discussions sur la littérature, peu d’action, cent kilos d’amour.» Cette vision dramaturgique, tout à fait moderne, privilégie l’impressionnisme du regard et une observation approfondie de l’existence qui n’est plus sentie comme une seule succession d’événements et où il faut que chacun prenne conscience de son être abandonné au monde.
  Ici, la mise en scène aux allures de répétition est en fait  bien contrôlée: le metteur en scène joue Trigorine, l’écrivain et amant d’Arkadina mais est aussi à la table de régie, avec le public et tous les acteurs, successivement ou bien ensemble, viennent le rejoindre, à un moment ou à un autre de l’intrigue.

Les spectateurs, compagnons improvisés des acteurs et des techniciens qui  jouent à l’occasion un des rôles, se voient associés aussi aux personnages. Une même condition humaine à partager, à sentir ou à contempler inlassablement.
Une caméra vidéo (à l’utilisation un peu forcée!) suit les personnages jusqu’à l’entrée ou au bar du Théâtre, et  travaille encore à rapprocher leur jeu du public: expressions instinctives du visage, réactions vives, sentiments  spontanés. La vie n’est décidément que le théâtre du monde, si intime, soit-elle.


L’équipe de Yann-Joël Collin que nous n’avions pas vue depuis Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare aux Ateliers Berthier  en 2008, a plutôt « bien vieilli « ; c’est  aussi  du temps -et de son usure- dont traite Tchekhov qui célèbre ici les valeurs esthétiques et morales liées à la jeunesse: énergie vitale, joie de créer et d’être artiste chez Arkadina, une actrice à la célébrité  disparue, comme chez son amant Trigorine, écrivain pâlot. Dorn, lui, est un médecin passionné par le monde et qui refuse de soigner ceux qui ont fait leur temps. Et l’amour et l’art appellent dans un grand souffle la jeune Nina.

  Mais cet instinct de vie et d’écoute du monde,  cette cueillette de l’instant, peuvent aussi rencontrer un grain de sable qui va faire dérailler la jolie mécanique. Ainsi, le jeune Treplev, écrivain sensible en recherche de lui-même, amoureux éconduit de Nina, retourne sa force vitale et son dynamisme naturel contre lui  et violemment.
  Sa mère Arkadina, elle, masque son âge et son refus de vieillir, avec des airs mondains de séduction. Treplev lui, tue une mouette, oiseau marin symbolique d’existences contrariées, celles de Nina et de la sienne. La mise en scène de Yann-Joël Collin provoque le sourire et l’adhésion, et, à l’entracte, on nous offre  un petit verre de vodka, histoire  de créer une plus grande proximité encore entre le public et  les comédiens qui jouent leurs personnages avec la distance, le recul et l’ironie que l’on connaît bien, comme Alexandra Scicluna (Arkadina), Marie Cariès (Macha), Éric Louis (Dorn) et Yann-Joël Collin  (Trigorine). Cyril Bothorel (Sorine, le frère d’Arkadina) nuance peu ses moqueries et a un jeu de pantin mécanique. Catherine Fourty, elle, est une belle et patiente amoureuse et Sofia Teillet une jolie Nina. Benjamin Abitan en Treplev est juste et convaincant. Une mise en scène efficace… mais un peu passée et déjà vue.

 Véronique Hotte

 Théâtre d’Ivry-sur-Seine-Antoine Vitez (Val-de-Marne), du 3 au 30 novembre. T : 01 43 90 11 11.

 

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