la mouette
La Mouette d’Anton Tchekhov, traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan, mise en scène de Yann-Joël Collin
Anton Tchekhov dit à propos de La Mouette qu’il écrit en octobre 1895 : «C’est une comédie, il y a trois rôles féminins, six masculins, quatre actes, un paysage (une vue sur un lac), beaucoup de discussions sur la littérature, peu d’action, cent kilos d’amour.» Cette vision dramaturgique, tout à fait moderne, privilégie l’impressionnisme du regard et une observation approfondie de l’existence qui n’est plus sentie comme une seule succession d’événements et où il faut que chacun prenne conscience de son être abandonné au monde.
Ici, la mise en scène aux allures de répétition est en fait bien contrôlée: le metteur en scène joue Trigorine, l’écrivain et amant d’Arkadina mais est aussi à la table de régie, avec le public et tous les acteurs, successivement ou bien ensemble, viennent le rejoindre, à un moment ou à un autre de l’intrigue.
Les spectateurs, compagnons improvisés des acteurs et des techniciens qui jouent à l’occasion un des rôles, se voient associés aussi aux personnages. Une même condition humaine à partager, à sentir ou à contempler inlassablement.
Une caméra vidéo (à l’utilisation un peu forcée!) suit les personnages jusqu’à l’entrée ou au bar du Théâtre, et travaille encore à rapprocher leur jeu du public: expressions instinctives du visage, réactions vives, sentiments spontanés. La vie n’est décidément que le théâtre du monde, si intime, soit-elle.
L’équipe de Yann-Joël Collin que nous n’avions pas vue depuis Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare aux Ateliers Berthier en 2008, a plutôt « bien vieilli « ; c’est aussi du temps -et de son usure- dont traite Tchekhov qui célèbre ici les valeurs esthétiques et morales liées à la jeunesse: énergie vitale, joie de créer et d’être artiste chez Arkadina, une actrice à la célébrité disparue, comme chez son amant Trigorine, écrivain pâlot. Dorn, lui, est un médecin passionné par le monde et qui refuse de soigner ceux qui ont fait leur temps. Et l’amour et l’art appellent dans un grand souffle la jeune Nina.
Mais cet instinct de vie et d’écoute du monde, cette cueillette de l’instant, peuvent aussi rencontrer un grain de sable qui va faire dérailler la jolie mécanique. Ainsi, le jeune Treplev, écrivain sensible en recherche de lui-même, amoureux éconduit de Nina, retourne sa force vitale et son dynamisme naturel contre lui et violemment.
Sa mère Arkadina, elle, masque son âge et son refus de vieillir, avec des airs mondains de séduction. Treplev lui, tue une mouette, oiseau marin symbolique d’existences contrariées, celles de Nina et de la sienne. La mise en scène de Yann-Joël Collin provoque le sourire et l’adhésion, et, à l’entracte, on nous offre un petit verre de vodka, histoire de créer une plus grande proximité encore entre le public et les comédiens qui jouent leurs personnages avec la distance, le recul et l’ironie que l’on connaît bien, comme Alexandra Scicluna (Arkadina), Marie Cariès (Macha), Éric Louis (Dorn) et Yann-Joël Collin (Trigorine). Cyril Bothorel (Sorine, le frère d’Arkadina) nuance peu ses moqueries et a un jeu de pantin mécanique. Catherine Fourty, elle, est une belle et patiente amoureuse et Sofia Teillet une jolie Nina. Benjamin Abitan en Treplev est juste et convaincant. Une mise en scène efficace… mais un peu passée et déjà vue.
Véronique Hotte
Théâtre d’Ivry-sur-Seine-Antoine Vitez (Val-de-Marne), du 3 au 30 novembre. T : 01 43 90 11 11.
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