Les Fourberies de Scapin

Les Fourberies de Scapin de Molière, mise en scène de Laurent Brethome

 

©Philippe Bertheau

©Philippe Bertheau

Les pièces de jeunesse de Molière sont des farces: La Jalousie du Barbouillé, Le Médecin volant, puis l’acteur et dramaturge, devenu trésor national, se consacre au genre plus raffiné et donc moins populaire de la comédie, avec les grandes pièces qui firent toute sa gloire: Tartuffe, Le Misanthrope, L’Avare, Les Femmes savantes, etc…  En 1672, peu avant sa mort, malade, il  retourne aux passions de sa jeunesse : amour de la vie, de la joie et du peuple. Les Fourberies de Scapin sont comme un dernier hommage au maître de ses débuts, Tiberio Fiorelli, chef des Comédiens Italiens.
  En l’absence de leurs parents, le jeune Octave s’est marié en secret avec Hyacinthe, jeune fille pauvre au passé mystérieux; son ami Léandre, lui, est tombé amoureux de Zerbinette, une Égyptienne. Mais les deux fils sont désemparés à l’annonce du retour de leurs pères, Argante et Géronte qui ont des projets de mariage pour eux…
Mais heureusement, Scapin, le valet facétieux de Léandre se pose en sauveur pour faire triompher l’amour et la jeunesse. Manigances, mensonges et roueries: Scapin mord dans la vie avec gourmandise pour soumettre les vieux barbons à sa volonté.

 Laurent Brethome, comédien et metteur en scène de trente-cinq ans, a été séduit par ces Fourberies de Scapin, magnifique machine de théâtre et de langage, où la fable sociale joue des masques familiers à nos codes contemporains : hypocrisie, indécence, naïveté et insolence. Avec sa troupe de comédiens, dont Jérémy Lopez, ( Scapin), pensionnaire de la Comédie-Française, le metteur en scène organise la scène comme le plateau d’un port maritime à Gênes, avec ses docks façon Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès.
  Dans un univers sombre et mal famé, où errent des figures esseulées et peu policées de notre temps, silhouettes adolescentes et cadors en jeans ou pantalons de sport à capuche, qui ont la répartie et le couteau faciles.Courant et fuyant sans arrêt, ces ombres se glissent dans les coins, inaccessibles aux représentants de l’ordre et de la sécurité.
  Du côté des jeunes, ce sont les valets au corps souple qui, pour un temps, sont les maîtres:  prouesses physiques, art de l’esquive et de la disparition, tensions et violences qui naissent aussitôt. Du côté des pères abusifs, il y a peut-être moins de figures sportives, mais à peine! Ceux qu’on veut déposséder ne se laissent pas faire si aisément; retors, méprisants et roués, ils font aussi preuve d’agilité et d’invention, et résistent aux assauts des jeunes et à l’éclat d’une raison plus incisive.
  Mais ces pères sont aussi fourbes que le valet de leurs fils, et on ne les trompe pas facilement. Quant à ces histoires d’argent (il ne s’agit que de cela!), elles indisposent les jeunes filles, et Zerbinette l’Égyptienne, offre au public un morceau de moquerie et de bravoure bien plaisant, sur le thème de l’avidité des pères et  de l’impuissance des fils.
  Les comédiens composent une galerie de beaux et jeunes rebelles, identifiables d’emblée, graines de mauvais garçons peu courageux, que seul, Scapin, roublard, gourmand jamais rassasié, sait tirer de l’enlisement… Sauts depuis le haut des docks, courses effrénées, menaces: la pièce tourne au polar noir mais dosé d’un bel humour.
Pas une minute d’ennui ni d’instant gaspillé…

 

Véronique Hotte

 

Théâtre Jean Arp de Clamart,  jusqu’au 15 novembre. T: 01 41 90 17 02

 


Archive pour 11 novembre, 2014

Rivesaltes-Fictions/Question suivante

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Rivesaltes-Fictions/Question suivante  de Vincent Bady.

Vincent Bady, comédien, dramaturge et metteur en scène, a écrit, avec le soutien du Centre national du livre, un triptyque sur l’accueil des étrangers en France. La troisième pièce, Rivesaltes-Fictions/Question suivante, qui vient de recevoir le prix des Journées de Lyon des auteurs de théâtre) est un parcours à travers l’histoire, peu glorieuse pour la France, du camp de Rivesaltes (Pyrénées orientales), où passèrent des  milliers de personnes « indésirables ».
Dans ce « Centre d’hébergement pour les familles »,  que l’on a systématiquement séparées dès leur arrivée,  il y avait des républicains espagnols fuyant le franquisme, des expulsés de l’Allemagne nazie, des Tziganes et, bien vite, des familles juives arrêtées en zone libre par la police de Vichy.
En 1945, on y parqua aussi des prisonniers de guerre et des collabos et, en 1962 on y entassa environ 8.000 harkis fuyant l’Algérie désormais indépendante. Devenu centre de rétention administrative pour des étrangers sans papiers, jusqu’à sa fermeture définitive en 2007, le lieu est maintenant devenu, en partie du moins, un champ d’éoliennes.
Dans le flux des migrations actuelles, l’accueil des étrangers est un problème crucial. Peut-on se contenter de parquer des êtres humains, ou cherche-t-on à les accueillir, et comment? Pour Vincent Bady, cette radiographie du camp de Rivesaltes permet d’analyser le passé, d’en constater les injustices et les échecs, afin d’essayer d’en corriger le présent et d’interroger le futur.
Rivesaltes-Fictions/Question suivante s’appuie sur des documents d’archives, des extraits de discours officiels mais aussi des scènes de genre comme on le dit pour la peinture d’un moment de caractère familier ou anecdotique, avec des personnages souvent populaires.
Ainsi, l’arrivée de Zohra, partie du Djurdjura avec son petit garçon pour rejoindre son mari, interné dans le camp avec d’autres harkis qui avaient choisi la France plutôt que le Front de Libération National. Ainsi, une famille juive, en transit à Rivesaltes, avant d’être  envoyée vers les camps de la mort, via Drancy…
Chaque situation est soulignée par le discours inhumain d’un préfet, sûr de la bonne conscience de l’administration; de courtes scènes, comme des flashes, apportent habilement distanciation et fantaisie. Sur le plateau utilisé dans toute sa longueur,  il y a juste quelques éléments de décor pour situer les différentes scènes, jouées par deux comédiens: Vincent Bady, «arpenteur de mémoire », silhouette massive, souvent affaissée sous le poids du malheur, sauf quand il incarne des préfets au sourire figé.
Martine Lechevallier, au jeu très naturel, incarne, elle, des jeunes filles juives, victimes désignées, comme la frétillante Miss météo, ou une journaliste qui, à chaque époque, pose des questions dérangeantes auxquelles on ne répond que par stéréotypes.
C’est une démonstration efficace, un théâtre de l’urgence qui fait réagir immédiatement le public et permet, après chaque représentation, d’instaurer un dialogue avec  lui.

Elyane Gérôme

 

Nouveau Théâtre du 8è (NTH8), 22 rue du Commandant Pégout, Lyon. T: 04 78 78 33 30, les 12, 13 et 14 novembre à 20h.

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