Comment vous racontez la partie

Comment vous racontez la partie, texte et mise en scène de Yasmina Reza

 image  Nathalie Oppenheim,  écrivain, lauréate du prestigieux prix Germaine Beaumont, arrive à Vilan-en-Volène, une petite ville où elle a été invitée à lire des extraits de son dernier roman Le Pays des lassitudes. Ce qu’elle a accepté sans trop savoir pourquoi… Et c’est Roland Boulanger, un grand et beau jeune homme, responsable culturel, qui a pour mission de l’accueillir dans la salle polyvalente où elle va être interviewée par Rosanna Ertel-Keval, née pas loin d’ici, et devenue depuis une journaliste littéraire reconnue.
La romancière connaît  l’exercice, mais cela se voit tout de suite, n’est pas vraiment à son aise et fuit habilement les questions et, comme la journaliste est plutôt du genre mordant et la pousse souvent dans ses retranchements avec un humour glacial, la rencontre tourne vite à l’affrontement et au match de ping-pong, où chacun s’efforce de gagner la partie. L’ego des deux femmes va donc en prendre quelques coups..
Pendant ce temps-là, le beau Roland semble compter les points… C’est évidemment une  caricature de ces rencontres littéraires, destinées au grand public où il y a toujours un(e) méchant(e) de service pour pimenter un peu les choses. Le public étant ici celui d’une émission de télévision, c’est à dire, on ne l’aurait jamais deviné! celui du Rond-Point… Yasmina Reza n’a pas dû aller chercher très loin dans ses souvenirs pour évoquer cet « entre-nous », ce milieu bcbg typiquement parisien, même si les choses se passent ici dans une petite ville de la France profonde.
Les acteurs, Zabou Breitman l’auteure, Romain Cottard (le responsable culturel) et Dominique Reymond (la journaliste) sont  tout à fait crédibles, et vraiment excellents, et Yasmina Reza a eu au moins l’intelligence de les choisir. Mais pour le reste… ce qui aurait pu faire un sketch amusant de vingt-cinq minutes maximum, n’en finit plus de finir, et on a l’impression que Yasmina Reza tire à la ligne, ce qui est toujours  désagréable au théâtre… où le public est pris en otage. Bref, pas du tout la bonne durée, et pas non plus le bon espace: ce qui conviendrait à la rigueur à une petite scène, est ici perdu dans la grande salle du Rond-Point.
Et, comme la mise en scène est statique – les personnages, face public,  ne bougent guère de leur fauteuil- et pas vraiment finaude, (Yasmina Reza aurait mieux fait de la confier à un vrai professionnel qui aurait peut-être?  réussi à sauver la situation), ces dialogues mondains, avec petites phrases fielleuses et règlements de compte à la clé, sont drôles au début mais, plus que longuets, distillent vite un ennui de qualité.
Enfin c’est rassurant, les spectateurs ne sont pas dupes: il y en a quelques-uns, et c’est rare au Rond-Point, qui prennent courageusement le chemin de la sortie. Rassurez-vous, Nicolas Sarkozy  et sa Carlita trouveront cela très bien, François Hollande aussi.
Ensuite, arrive le maire de Vilan-en-Volène (Michel Bompoil, en alternance avec André Marcon, tout aussi excellent que ses camarades) qui retrouve sa vieille copine journaliste dans la sinistre et minable salle
polyvalente aux plafonniers  de tubes fluo,comme on en construisait encore dans les années 70. (Beau décor de Jacques Gabel). Cela anime un peu le plateau, et tous se mettent à danser et à chanter sur l’air de Nathalie de Gilbert Bécaud…
C’est divertissant mais bon, comment être vraiment concerné par ces batifolages? Le mal est fait, et on quitte la salle assez exaspéré par autant de complaisance d’écriture, et de flou dramaturgique. Même si, comme dit la feuille-programme, « les œuvres théâtrales de Yasmina Reza sont adaptées dans plus de 35 langues… et jouées à travers le monde  » (sic!), elles ne nous ont jamais vraiment passionné, et celle-ci ne nous fera pas changer d’avis…
En fait, tout se passe comme si le nouveau boulevard était arrivé, et comme si Yasmina Reza auteur/metteur en scène nous conviait, une fois de plus, à voir de très bons comédiens interpréter un semblant de texte à l’élégance française, une sorte de sous-sous Guitry; et donc, à moins de n’être vraiment pas trop difficile, pas la peine de perdre une soirée… Comme disait le grand Miguel de Cervantès: « Où il y a de la vie, il y a de l’espoir ». Sans doute, mais ici on voit mal comment ce Comment vous racontez la partie pourrait se bonifier avec le temps!

Philippe du Vignal

 Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin-D.-Roosevelt, Paris, jusqu’au 6 décembre, puis en tournée. T : 01 44 95 98 21. theatredurondpoint.fr     


Archive pour 12 novembre, 2014

Hamlet par le collectif La Jacquerie

 

imageDanemark la Tragédie d’Hamlet de William Shakespeare, traduction de Pascal Collin par le collectif Jacquerie, adaptation et mise en scène de Joan Bellviure

 Après la disparition l’an passé d’Alain Mollot, metteur en scène et fondateur du Théâtre de la Jacquerie qui était implanté à Villejuif depuis 1985, son équipe a décidé de poursuivre son action et de constituer le Collectif Jacquerie, mené par Joan Bellviure, Véronic Joly, et par Laurence Clauzel, son administratrice.   Nous sommes dans une salle de sports contemporaine; les acteurs s’agitent autour d’une table de ping-pong où l’un d’eux, allongé en travers, sert de filet; sur des musiques des années 70, ils placent des chaises de cuisine d’aujourd’hui, et recouvrent la table d’une nappe blanche pour le repas de noces de Gertrud et  Claudius, le frère assassin du défunt roi, père d’Hamlet.   Un  grand portrait de Claudius est déployé qui narguera Hamlet jusqu’à l’issue fatale de la tragédie. Hamlet renverse la table, au moment où il est invité par son oncle à le considérer comme son nouveau père, puis disparaît derrière  son portrait : «Notre époque est détraquée, ô maudite fatalité qui m’a fait naître pour la remettre en marche !».   Polonius s’agite, pendant que Rosencrantz et Guildenstern jouent au golf, Hamlet en cravate et caleçon, feint la folie  puis met son pantalon que lui apporte Polonius. Hamlet a décidé, comme on le sait, de démasquer le meurtrier en faisant interpréter par une troupe de comédiens en visite au château, le meurtre de son père par Claudius. « Nous sommes tous de parfaits salauds, dit-il, ne crois aucun d’entre nous ! ».   Il y a ici une étrange  fusion entre l’époque élisabéthaine, avec des objets et des costumes quotidiens, et la nôtre, avec un texte qui résonne de toute la violence d’aujourd’hui. Sept acteurs seulement endossent avec rapidité les costumes des différents personnages. Les images,à la fois tragiques et comiques, réussissent à nous faire réfléchir. »La victoire obtenue par la violence, disait Gandhi, équivaut à une défaite, car elle est momentanée ». Un pari difficile de dramaturgie et de mise en scène qu’ont réussit Joan Bellviure et le collectif de la Jacquerie…

Edith Rappoport

Théâtre Romain Rolland de Villejuif, Salle Églantine jusqu’au 17 novembre, les jeudi et vendredi à 20h30, les samedi et lundi 19h e dimanche à 16h. T: 01 49 58 17 00, www.trr.fr       

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