Binômes/Souris chaos

Binômes:

Souris Chaos, texte de Frédéric Sonntag, mise en lecture et interprétation d’Anne Loiret, Thibaut Rossigneux, Florian Sitbon et Emilie Vandenameele

 

Faire se rencontrer le monde du théâtre et celui des sciences, tel est l’objectif de ces binômes imaginés par Thibaut Rossigneux qui a passé commande à des écrivains, en leur proposant de rencontrer des chercheurs  génétique, zoologie, climatologie, médecine, mathématiques, physique, etc… Règle du jeu identique pour tous: après une seule et unique entrevue de cinquante minutes, l’auteur écrit une pièce de trente minutes pour trois personnages  mise  ensuite en lecture par un collectif de comédiens, metteurs en scène et musiciens.
Au fil du temps, vingt binômes ont été ainsi constitués, qui ont donné lieu à autant de pièces et de mises en espace. Une manière innovante de rapprocher le grand public des sciences les plus en pointes. Pour la cinquième édition de ce projet, rendez-vous donné à l’amphithéâtre de l’Espace des Sciences Pierre Gilles de Gennes – (ESPCI).
Le public, surtout constitué de lycéens, est là, en nombre, pour assister à  une comédie habilement  mise en scène par Frédéric Sonntag, fruit de sa rencontre avec Daniela Cota, spécialiste en physiopathologie de l’obésité à l’INSERM de Bordeaux, qui a découvert que la faim et la prise de poids dépendaient du niveau des endocannabinoïdes dans l’organisme.
Dans une vidéo projetée en première partie, cette charmante et jeune chercheuse explique, avec un délicieux accent italien, que la souris génétiquement modifiée pour ses expérimentations, est dite souris chaos, quand elle est privée de ses récepteurs endocannabinoïdes, qui selon elle, ont aussi un rôle dans le système, dit du plaisir. C’est clair. Parce qu’après, on se demande pourquoi on fume de la marijuana…»
La pièce parodie une émission de cuisine-réalité, telle qu’elles fleurissent, en ligne et sur le petit écran, notamment une série canadienne, apôtre de la malbouffe, qui présente les plats les plus caloriques et se fait la porte-parole des « gros et heureux de l’être ».
Les trois comédiens, tout en préparant  une béchamel, s’en prennent avec humour à l’addiction à la nourriture, à l’environnement social obèsogène, et au bonheur vendu par la publicité des barres chocolatées… On apprend beaucoup en s’amusant, et les jeunes, et moins jeunes, n’ont pas caché leur plaisir, au cours du débat qui suivit.
Deux autres pièces à ce même programme: Swan Song ou la Jeune Fille, la Machine et la Mort, de Sabryna Pierre, à la suite de leur rencontre, elle  avec Karim Jerbi, neuro-scientifique et spécialiste de l’interface cerveau-machine (Inserm) et Gustave Akakapo, lui pour Noce chez les épinoches, avec Wilfried Sanchez, écotoxicologue  à l’INERIS).
Avis donc aux programmateurs, enseignants et directeurs de théâtre: le collectif qui mène ce projet, propose ses spectacles en tournée!

Mireille Davidovici

Vu le 14 novembre, à l’Espace des Sciences Pierre Gilles de Gennes – ESPCI. http://www.lessensdesmots.eu/collection de 20 binômes.

 


Archive pour 17 novembre, 2014

Troyennes

 Troyennes – Les morts se moquent des beaux enterrements, texte de Kevin Keiss d’après Euripide, mise en scène de Laëtitia Guédon

 

Visuel 4 © Alain RichardUne tragédie rythmique pour rester en vie, telle est la signification singulière de cette adaptation particulièrement noire, Troyennes (415 avant J.-C.), d’après Euripide, Après dix ans de guerre, Troie est tombée. La ville est pillée, puis incendiée et les habitants sont massacrés par les vainqueurs grecs qui prennent comme butin, les femmes illustres de la cité.
Troyennes est donc  un long chant féminin de deuil de l’immédiat après-guerre, une interrogation à travers les grandes figures de la tragédie antique Hécube, Cassandre, Hélène  et cette tragédie parle  du refus d’oublier et de se soumettre : « Troyennes invite à célébrer ceux qui, dans les cendres, sont en vie ».

Le texte d’Euripide dénonce l’horreur de la guerre et son absurdité,et  il se place dans les camps pathétiques des vaincus, à l’écoute des dernières heures d’une poignée de femmes en pleurs, devenues veuves et esclaves du jour au lendemain et qui assistent à la mort de leur cité.
Hécube, reine réduite à la misère et mère déchue, invite à la pitié : Marie Payen est cette belle figure blessée, repliée dans l’humilité et la douleur,  très présente quant à la réflexion, le raisonnement et la souffrance. Vêtue au départ d’un long voile de plastique transparent, agenouillée ou allongée sur le sol, elle parvient à se relever de ses épreuves, à la fois digne et forte. Cassandre, elle, incarnée avec foi et élan par Lou Wenzel, est la victime ,figure de passion, de  renégats qui transgressent les lois divines. Quant à Andromaque (convaincante Mounya Boudiaf),  jeune princesse et mère d’Astyanax, elle ne peut voir  la mort que comme libération.
Les dieux Poséidon et Athéna sont interprétés avec majesté et panache par l’acteur et musicien Blade Mc Ali M’Baye ; parole frontale assumée, discours aux arguments clairs et puissants dimension oratoire et spectaculaire indubitable. Kevin Keiss est un choryphée  à la voix virile; et figures masculines, loin de toute majesté!, en doudoune et bonnet de laine, Adrien Michaux  est un Thalthybios honteux d’avoir jeté dans le vide au-delà des remparts le petit Astyanax, et c’est Pierre Mignard qui interprète Ménélas. La belle Hélène, (Valentine Vittoz) a des  allures de  Marylin Monroe.
  A jardin, des palissades cachent ces prisonnières troyennes et, à cour, surmontant un escalier du côté des vainqueurs, une installation miroitante de fers acérés, inquiétante et agressive, surplombe énigmatiquement la scène. Mais il aurait fallu plus de liberté aux comédiennes, en jolies robes légères et escarpins de starlettes,  pour qu’elles s’épanouissent dans l’espace indicible et insondable de leurs peines.
Femmes certes, elles le sont pleinement, couvertes d’un sang criminel et odieux qui les souille, encore rebelles  et insoumises face aux horreurs. Mais on se demande bien pourquoi Laëtitia Guédon en fait des objets glamour  publicitaires, et des icônes de magasine…
Ces clins d’œil déplacent le regard, et, du coup, cela réduit la vision tragique de ces Troyennes. Bref, une fresque qui n’est pas suffisamment convaincante…

 Véronique Hotte

 Théâtre 13/ Seine, 30 rue du Chevaleret 75013 Paris,  jusqu’au 14 décembre. T : 01 45 88 62 22

En attendant godot

En Attendant Godot de Samuel Beckett mise en scène de Marie Lamachère

 

  GodotbdEn Attendant Godot: autant dire un monument du théâtre de langue française, maintes et maintes fois représenté, et tout récemment par Jean Lambert-wild dont le spectacle sera repris au Théâtre de l’Aquarium au printemps prochain.
Il y a deux manières de mettre en scène la pièce : soit avec fidélité, soit en la transposant et/ou en le prenant à contre-pied. Marie Lamachère a fait le choix de la fidélité au texte, ce qui ne l’a pas empêché de chercher des solutions au cours d’un long travail de plateau.  « Cette pièce de Beckett, écrite pour le théâtre, a, dit-elle, du moins en apparence, tous les codes historiques de la représentation : personnages, situations, dialogues, espace, séquençage en deux actes, avec des didascalies  précisant les actions et les émotions à représenter. La pièce joue cependant, dans le même temps, à tordre subtilement les codes, à inquiéter les apparences et à questionner les enjeux du théâtre »
On retrouve donc ici nos deux clochards célestes (Antoine Sterne et Gilles Masson) sur les planches d’un plateau noir à peine surélevé, vêtus du même complet veston, avec chapeau rond et chaussures de sport montantes qui rappellent celles des boxeurs. Derrière eux, une toile où sera projetée  l’image d’un arbre au soleil, puis de la lune, respectant ainsi les didascalies de l’auteur:  « route à la campagne avec arbre, Soir (…) le soleil se couche, la lune se lève ».
Devant eux, et derrière nous, un chemin, qui mène vers un un vrai arbre. Wladimir et Estragon seront rejoints par un Pozzo tout en nerfs, accompagné de son impassible Lucky. Il sera donc question de souffrance… mais le jeu lorgne aussi du côté du burlesque, multipliant chutes, gestes amplifiés et cris successifs mais il y a aussi  des tableaux visuels d’une grande pureté, dont les images font penser aux aventures de Charlot, et parfois vers la peinture surréaliste de René Magritte.
Il faut, bien sûr, s’habituer à la structure de ce texte: Samuel Beckett prend son temps et nous emmène dans des circonvolutions narratives et dans des histoires dans l’histoire, même si on sait très bien comment ça finira, ou on le comprend vite. Marie Lamachère donne ici une grande clarté au langage beckettien et le jeu des comédiens, toujours  justes, contribue à l’unité de la pièce.
La mise en scène trouve un bon équilibre entre action, humour, et changements de rythme et nous tient accrochés à un langage qui n’a rien de facile… Après un temps d’adaptation nécessaire pour bien saisir où l’on est, on s’installe dans  ce Godot, et on y est bien. Le poétique passe aussi par des presque numéros de cirque, comme la danse des chapeaux ou les emmêlements dans une corde.
Ici donc, rien d’extravagant ni de révolutionnaire, mais une interprétation cohérente de ce chef-d’œuvre, et c’est déjà beaucoup !

Julien Barsan

 Théâtre de l’Échangeur de Bagnolet jusqu’au 22 novembre T : 01.43.62.71.20

 

 

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