En attendant godot
En Attendant Godot de Samuel Beckett mise en scène de Marie Lamachère
En Attendant Godot: autant dire un monument du théâtre de langue française, maintes et maintes fois représenté, et tout récemment par Jean Lambert-wild dont le spectacle sera repris au Théâtre de l’Aquarium au printemps prochain.
Il y a deux manières de mettre en scène la pièce : soit avec fidélité, soit en la transposant et/ou en le prenant à contre-pied. Marie Lamachère a fait le choix de la fidélité au texte, ce qui ne l’a pas empêché de chercher des solutions au cours d’un long travail de plateau. « Cette pièce de Beckett, écrite pour le théâtre, a, dit-elle, du moins en apparence, tous les codes historiques de la représentation : personnages, situations, dialogues, espace, séquençage en deux actes, avec des didascalies précisant les actions et les émotions à représenter. La pièce joue cependant, dans le même temps, à tordre subtilement les codes, à inquiéter les apparences et à questionner les enjeux du théâtre »
On retrouve donc ici nos deux clochards célestes (Antoine Sterne et Gilles Masson) sur les planches d’un plateau noir à peine surélevé, vêtus du même complet veston, avec chapeau rond et chaussures de sport montantes qui rappellent celles des boxeurs. Derrière eux, une toile où sera projetée l’image d’un arbre au soleil, puis de la lune, respectant ainsi les didascalies de l’auteur: « route à la campagne avec arbre, Soir (…) le soleil se couche, la lune se lève ».
Devant eux, et derrière nous, un chemin, qui mène vers un un vrai arbre. Wladimir et Estragon seront rejoints par un Pozzo tout en nerfs, accompagné de son impassible Lucky. Il sera donc question de souffrance… mais le jeu lorgne aussi du côté du burlesque, multipliant chutes, gestes amplifiés et cris successifs mais il y a aussi des tableaux visuels d’une grande pureté, dont les images font penser aux aventures de Charlot, et parfois vers la peinture surréaliste de René Magritte.
Il faut, bien sûr, s’habituer à la structure de ce texte: Samuel Beckett prend son temps et nous emmène dans des circonvolutions narratives et dans des histoires dans l’histoire, même si on sait très bien comment ça finira, ou on le comprend vite. Marie Lamachère donne ici une grande clarté au langage beckettien et le jeu des comédiens, toujours justes, contribue à l’unité de la pièce.
La mise en scène trouve un bon équilibre entre action, humour, et changements de rythme et nous tient accrochés à un langage qui n’a rien de facile… Après un temps d’adaptation nécessaire pour bien saisir où l’on est, on s’installe dans ce Godot, et on y est bien. Le poétique passe aussi par des presque numéros de cirque, comme la danse des chapeaux ou les emmêlements dans une corde.
Ici donc, rien d’extravagant ni de révolutionnaire, mais une interprétation cohérente de ce chef-d’œuvre, et c’est déjà beaucoup !
Julien Barsan
Théâtre de l’Échangeur de Bagnolet jusqu’au 22 novembre T : 01.43.62.71.20