Troyennes

 Troyennes – Les morts se moquent des beaux enterrements, texte de Kevin Keiss d’après Euripide, mise en scène de Laëtitia Guédon

 

Visuel 4 © Alain RichardUne tragédie rythmique pour rester en vie, telle est la signification singulière de cette adaptation particulièrement noire, Troyennes (415 avant J.-C.), d’après Euripide, Après dix ans de guerre, Troie est tombée. La ville est pillée, puis incendiée et les habitants sont massacrés par les vainqueurs grecs qui prennent comme butin, les femmes illustres de la cité.
Troyennes est donc  un long chant féminin de deuil de l’immédiat après-guerre, une interrogation à travers les grandes figures de la tragédie antique Hécube, Cassandre, Hélène  et cette tragédie parle  du refus d’oublier et de se soumettre : « Troyennes invite à célébrer ceux qui, dans les cendres, sont en vie ».

Le texte d’Euripide dénonce l’horreur de la guerre et son absurdité,et  il se place dans les camps pathétiques des vaincus, à l’écoute des dernières heures d’une poignée de femmes en pleurs, devenues veuves et esclaves du jour au lendemain et qui assistent à la mort de leur cité.
Hécube, reine réduite à la misère et mère déchue, invite à la pitié : Marie Payen est cette belle figure blessée, repliée dans l’humilité et la douleur,  très présente quant à la réflexion, le raisonnement et la souffrance. Vêtue au départ d’un long voile de plastique transparent, agenouillée ou allongée sur le sol, elle parvient à se relever de ses épreuves, à la fois digne et forte. Cassandre, elle, incarnée avec foi et élan par Lou Wenzel, est la victime ,figure de passion, de  renégats qui transgressent les lois divines. Quant à Andromaque (convaincante Mounya Boudiaf),  jeune princesse et mère d’Astyanax, elle ne peut voir  la mort que comme libération.
Les dieux Poséidon et Athéna sont interprétés avec majesté et panache par l’acteur et musicien Blade Mc Ali M’Baye ; parole frontale assumée, discours aux arguments clairs et puissants dimension oratoire et spectaculaire indubitable. Kevin Keiss est un choryphée  à la voix virile; et figures masculines, loin de toute majesté!, en doudoune et bonnet de laine, Adrien Michaux  est un Thalthybios honteux d’avoir jeté dans le vide au-delà des remparts le petit Astyanax, et c’est Pierre Mignard qui interprète Ménélas. La belle Hélène, (Valentine Vittoz) a des  allures de  Marylin Monroe.
  A jardin, des palissades cachent ces prisonnières troyennes et, à cour, surmontant un escalier du côté des vainqueurs, une installation miroitante de fers acérés, inquiétante et agressive, surplombe énigmatiquement la scène. Mais il aurait fallu plus de liberté aux comédiennes, en jolies robes légères et escarpins de starlettes,  pour qu’elles s’épanouissent dans l’espace indicible et insondable de leurs peines.
Femmes certes, elles le sont pleinement, couvertes d’un sang criminel et odieux qui les souille, encore rebelles  et insoumises face aux horreurs. Mais on se demande bien pourquoi Laëtitia Guédon en fait des objets glamour  publicitaires, et des icônes de magasine…
Ces clins d’œil déplacent le regard, et, du coup, cela réduit la vision tragique de ces Troyennes. Bref, une fresque qui n’est pas suffisamment convaincante…

 Véronique Hotte

 Théâtre 13/ Seine, 30 rue du Chevaleret 75013 Paris,  jusqu’au 14 décembre. T : 01 45 88 62 22

 

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