Bad Little Bubble B
Bad Little Bubble B. conception et mise en scène de Laurent Bazin, co-écriture : Cécile Chatignoux, Céline Clergé, Lola Joulin, Mona Nasser, Chloé Sourbet.
Bad Little Bubble B., au titre énigmatique, a été créé l’an passé au Théâtre de la Loge. « Nous voulions d’abord, dit Laurent Bazin, un titre ouvert qui ne nous enferme pas dans une forme, ou dans un programme implicite. Ce titre improbable laissait le droit à l’improbable. Il y avait aussi l’idée d’une élaboration bulleuse, (…) Le B final renvoie à certaines obscénités qui abondent dans la culture pornographique: Bubble Butts/ Gros culs ronds. »
S’emparer d’un thème comme celui de la pornographie, même si le metteur en scène précise que la dite pornographie « est moins le sujet que l’origine », a quelque chose d’audacieux. Quoi de plus difficile à traiter et à (re)présenter? « Cinq femmes mettent à l’épreuve notre voyeurisme, dit la note d’intention. (…) Laurent Bazin entremêle l’éloge plastique du genre pornographique et sa critique.(…) »
«T’es mort, y a du sang partout…»; voix off, ambiance dérangeante, éclairage en clair-obscur : c’est la première scène de ce spectacle construit en plusieurs séquences entrecoupées de noirs, avec saynètes, ou tableaux chorégraphiés (qui sont les moments les plus réussis) .
Laurent Bazin invite ainsi le public à se confronter sans détour, à la fascination exercée, encore et toujours, par la pornographie et ses pratiques; ce jeune metteur en scène a placé le corps féminin au centre de son spectacle; il l’y représente dans tous ses états, et à travers diverses situations. Par exemple, dans un colloque consacré au thème de la pornographie, tableau qui ne manque pas d’humour mais trop caricatural, ou une audition d’actrices venues de l’Est, ou encore une thérapie de groupe pour lutter contre l’addiction aux images pornographiques…
Le spectacle présente une belle qualité visuelle, et certaines images sont fortes, poétiques et jamais vulgaires. La question du corps féminin, de son exploitation, de sa souffrance et de ses revendications, grâce à un travail du son très abouti, et à une gestuelle évocatrice mais esthétique, parvient, par instants, à franchir le seuil du simple malaise, ou de l’agacement que l’on peut éprouver.
Mais on reste perplexe quant à la profondeur du propos, et au désir du metteur en scène et de sa compagnie, de mettre à distance cette fascination pour les images pornos. Malgré la belle et audacieuse interprétation de Cécile Chatignoux, Céline Clergé, Lola Joulin, Mona Nasser et Chloé Sourbet, on est un peu surpris par l’absence d’interprète masculin, même muet, ou en voix off. Laurent Bazin semble ne pas avoir su aller au-delà de la fascination et du charme qu’il subissait, quand il a mis en scène ses interprètes.
Rien ici, en effet, ne vient susciter la réflexion critique et le questionnement sur un thème aussi complexe. Et ce n’est pas la maîtrise, esthétique et habile, du son, des images et de la gestuelle qui permet à ce spectacle d’influencer notre sensibilité et notre pensée.
Bad Little Bubble B. s’était vu décerner le prix du jury au Festival Impatience...
Elisabeth Naud
Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 6 décembre.