Nuits blanches

Nuits blanches d’après Sommeil, nouvelle d’Haruki Murakami, adaptation et mise en scène d’Hervé Falloux, texte français de Corinne Atlan

 admin-ajaxHaruki Murakami a 65 ans; il a enseigné la littérature japonaise dans diverses universités aux Etats-Unis, puis  est rentré au Japon, après le tremblement de terre de Kobé en 1995, et l’attentat du métro de Tokyo.
Il a traduit F. Scott Fitzgerald, Raymond Chandler… et a écrit de nombreux romans et nouvelles
, comme entre autres Écoute le chant du vent (1979), La Fin des temps (1992), La Ballade de l’impossible (1994), Après le tremblement de terre (2002), Kafka sur le rivage (2006), Saules aveugles, femme endormie (2008),  Les Attaques de la boulangerie (2012) et Underground (2013).
Sommeil, est une nouvelle qui a pour thème, la grave insomnie dont souffre une jeune femme qui va prendre conscience de l’urgente nécessité pour elle de changer de vie. Ce qu’a vécu aussi Hervé Falloux: « Le désir de la porter à la scène, dit-il, est d’abord lié à ma propre histoire. Apparemment je vivais une vie agréable et équilibrée. Ma femme me souhaitait une bon
ne journée, quand j’accompagnais mes filles à l’école tous les matins et nous lui répondions: « Bonne journée », en agitant les mains. Ma vie était encombrée de petits rituels et devenait de plus en plus monotone. J’étais ensommeillé, endormi, mort à moi-même.
Cette nouvelle a été un révélateur de la morbidité de ma vie et a accompagné mon chemin vers ma nouvelle vie ». On comprend bien qu’un metteur en scène puisse trouver une résonance de son parcours personnel dans l’écriture d’un grand écrivain mais reste l’ét
ernelle question; comment faire passer sur un plateau une œuvre des plus littéraires qui soient, à la fois délicate et complexe, où pointent souvent humour et tendresse, et où l’onirisme et la banalité de la vie quotidienne forment un curieux couple.
Comment aussi rendre crédible le personnage, aussi énigmatique  que touchant, de cette femme qui a perdu le sommeil pendant dix-sept nuits, et donc la notion de l’espace et du temps. Elle  ne cesse de s’interroger sur elle-même, et sur le curieux état où elle se trouve plongée: « Je ne peux pas dormir, tout simplement, dit-elle,  pas même un petit somme. A part cela, je suis tout à fait dans mon état normal. Je n’ai pas sommeil, ma conscience reste parfaitement claire… Je ne suis pas fatiguée… Simplement je ne dors plus »
Ici, malgré la belle présence de Nathalie Richard, passées les dix premières minutes, on a du mal à  être en empathie avec  son personnage, et le spectacle ne fonctionne pas bien. La faute à quoi? D’abord et surtout à une adaptation assez pesante (mais c’était sans doute mission impossible!)  où on ne retrouve ni l’esprit  ni la finesse d’écriture d’Haruki Murakami,  à laquelle ne correspond en rien une mise en scène palote et une direction d’acteurs beaucoup approximative.
Pourquoi, entre autres, laisser l’actrice aussi souvent statique? Elle mérite beaucoup mieux que cela! Pourquoi cette absence de rythme, pourquoi ces effets vidéo sur trois hauts châssis qui rappellent vaguement la peinture de Nicolas de Staël?  Et une nouvelle, si elle n’a pas été réécrite par l’auteur pour qu’elle soit montée au théâtre, (ce qui est rare!), a souvent le plus grand mal à supporter l’épreuve d’un plateau. N’est pas Tchekhov qui veut! Il avait adapté, entre autres, Les Méfaits du tabac ou La Demande en mariage, avec un sens de la parole théâtrale des plus remarquables… Il n’y a pas d’adaptation innocente, dit avec raison, Gérard Genette, et  celle-ci, bavarde et réductrice, même
en soixante minutes parait bien longue  et n’a rien de convaincant: on décroche donc assez vite!
L’interrogation de cette jeune femme sur ses choix de vie et sur son indépendance, adaptée en monologue (avec leçon de morale en conclusion: femmes insomniaques, évitez d’aller traîner sur les quais la nuit si vous ne voulez pas vous attirer) a eu bien du mal à nous concerner vraiment et n’en finit pas de finir!
Alors à voir? Soyons francs: on ne voit pas bien les raisons de vous pousser à y aller, même si vous aimez bien Nathalie Richard et/ou Haruki Murakami….  Mieux vaut sans doute relire cette  nouvelle, et ses romans .

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Oeuvre, 55 Rue de Clichy, 75009 Paris, du mardi au vendredi à 19h, et  les samedi et dimanche à 18h. Sommeil est publié chez Belfond, et dans la collection 10-18.

 

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