Trois Ruptures
Trois Ruptures de Rémi de Vos, mise en scène d’Othello Vilgard
Soit un couple à table. L’homme se régale, il le dit, le répète jusqu’à l’outrance : « C’est une expérience gustative absolue. Un avant-goût du paradis. » Et nous rions de ce dialogue convenu qui tourne en rond et qui se limite à des mots creux, lancés du tac au tac, entre deux silences… Elle et lui n’ont plus grand’ chose à se dire… Tout à trac, la femme annonce : « Je te quitte. »
C’était donc un repas d’adieu. L’homme le prend mal, refuse sa proposition. Ils se lancent des insultes, toujours dans ce même style concis et rythmé, si caractéristique de l’auteur de Sextett et de Cassé.
De tableau en tableau, de couple en couple, l’heure du désamour a sonné et les scènes de rupture se succèdent, avec plus ou moins de violence, souvent verbale et parfois physique… Les deux comédiens épousent leurs différents personnages avec talent : d’une femme à l’autre, Johanna Nizard déploie un jeu aigu qui sied à l’écriture de Rémi de Voos; plus rond, Pierre-Alain Chapuis adopte une interprétation plus sinueuse. Le metteur en scène, également scénographe, a eu la bonne idée de mettre les acteurs comme en vitrine derrière un panneau de verre qui court sur toute l’avant-scène, et derrière lequel ils se meuvent, tels des insectes observés au microscope.
La variation des situations offre une vision kaléidoscopique de la rupture en général. En abordant la question du couple par ce biais, Rémi de Vos en brosse un portrait noir, sans affect. Certains sketches sont moins réussis que d’autres, surtout quand une certaine vulgarité affleure, mais, dans l’ensemble, l’auteur, qui manie l’art de la rupture comme ressort d’écriture, nous livre ici une comédie grinçante et enlevée, servie par une mise en scène élégante.
Mireille Davidovici
Théâtre du Lucernaire jusqu’au 31 janvier 53, rue Notre-Dame de Champs 75006 Paris
Le texte est publié aux éditions Actes Sud-Papier.