L’Inattendu
L’Inattendu de Fabrice Melquiot, mise en scène d’Arnaud Beunache
Le Théâtre Douze se situe dans une salle polyvalente du centre d’animation Maurice Ravel géré par la Ligue de l’enseignement. Difficile d’y jouer une partition intimiste comme celle de Fabrice Melquiot, qui demanderait plus de proximité avec le public. Cependant, Lucilla Sebastiani s’empare avec conviction de ce poème dramatique adressé à un homme absent.
Qu’est devenu son amant noir aux parfums d’Afrique, à «la peau de nuit tombée» et aux veines cuivrées, «fleuves et deltas» dont elle suivait le cours? L’a-t-il quitté par lassitude? A-t-il été liquidé par les miliciens blancs qui chassent le nègre comme le lièvre, à Cassidy Bayou ?
Liane, attend, repassant et ravaudant ses vêtements, vidant des flacons de couleurs dont chacun contient des souvenirs de leur idylle. Veuve inconsolable, elle le cajole et le maudit, pleurniche ou s’emporte… « Je reste là, à finir ma mue, à devenir l’araignée que tu veux », lui dit-elle. Le temps passe… Puis, lasse de jouer les Pénélope, elle va tenter de sortir de cette tombe où elle s’est enfermée vivante…
Le texte offre tous les registres de la déploration; l’auteur y dessine un personnage féminin au franc-parler, qui ponctue ses déclarations les plus lyriques, de jurons les plus grossiers. Cette langue drue ouvre, dans le monde clos du deuil, des espaces imaginaires infinis, de la Louisiane à l’Afrique…
On regrette que le metteur en scène n’ait pas su tirer entièrement partie des potentiels du texte, et que la scénographie ne se fasse pas complice des propositions qu’il contient. Le dernier tiers du spectacle manque de rythme et de cohérence, malgré la présence incontestable de Lucilla Sebastiani.
Reste un très beau monologue à entendre et, pourquoi pas, à lire …
Mireille Davidovici
Théâtre Douze jusqu’au 14 décembre, 6 Avenue Maurice Ravel, 75012 Paris T. 01 44 75 60 31. Puis en tournée. L’Inattendu est publié aux éditions de l’Arche.