La Imaginacion del futuro
La Imaginacion del futuro, mise en scène de Marco Layera, par le Teatro La Re-sentida
Voilà un spectacle aussi paradoxal que flamboyant: l’outil théâtral est bien maîtrisé mais le propos, malgré tout, reste brouillon… « Notre spectacle, dit Marco Layera, ne prétend pas être un récit fidèle à la vérité historique.» Mais il traite d’un sujet encore sensible aujourd’hui, au Chili : la mort, après un discours démocratique, de Salvador Allende, président de la République dans son palais assiégé, le 11 septembre 1973, qui va très vite signer l’avènement de la dictature de Pinochet.
Cette peinture désacralisée de ce personnage historique a créé des polémiques dans le public et chez les critiques au dernier festival d’Avignon, lors des représentations au cloître des Carmes. Et à Paris plusieurs spectateurs chiliens sont sortis pendant la représentation… Le metteur en scène a tendance à nous dire que tout le monde est un peu coupable, dans cette histoire vécue en direct dans le palais présidentiel transformé en studio de télévision. (Sans doute une des premières fois pour l’époque).
Mais le spectacle bouscule cette vision mythifiée, qu’ont perçue les Européens, de ce régime démocratique, dont la chute, puis l’arrivée au pouvoir d’Augusto Pinochet provoqueront ensuite l’isolement du Chili. Marco Layera fait aussi allusion à nos démocraties actuelles, à leur hypocrisie, (comme le rôle évident des Etats-Unis dans cette mise à bas de Salvador Allende) et au plein pouvoir des médias: ce qui irrite la bien-pensance occidentale. L’impertinence doit choisir son camp pour être admise!
Le théâtre dans le théâtre, trop souvent utilisé chez nous, l’est encore ici mais avec bonheur, grâce à l’énergie et au jeu des acteurs qui ont recours à différentes formes d’expression scénique: cabaret, pantomime, cirque, danse, interventions dans le public, etc. Mais certaines scènes sont trop longues ou inutiles, comme le monologue de «la balle perdue» ou le délire des hommes politiques sous cocaïne. D’autres plus réussies et poétiques, comme la chute sur le sol du président Allende.
Finalement Marco Layera nous dit: « Nous n’avons jamais pensé, dit Marco Layera, que notre spectacle serait considéré comme une insulte à l’image de Salvador Allende, bien que nous ayons été conscients que notre fiction pouvait en déranger plus d’un.»
N’est-ce pas encore aujourd’hui le rôle du théâtre?
Jean Couturier
Théâtre des Abbesses jusqu’au 11 décembre