L’Enclos

L’Enclos, un film d’Armand Gatti

 966637791  Ce film est projeté actuellement en hommage à Armand Gatti, bientôt 91 ans, écrivain, dramaturge, qui  a écrit  de nombreuses pièces, dont déjà en 1962,  La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G. au T.N.P. de Villeurbanne, mise en scène de Jacques Rosner, puis La Deuxième Existence du camp de Tatenberg par Gisèle Tavet au Théâtre des Célestins à Lyon, et Le Voyage du Grand Tchou, mise en scène de Roland Monod au TQM de Marseille…
Suivirent, entre autres, Chant public pour deux chaises électriques, puis La Passion du général Franco, créée en 1968, dont les répétitions  avaient été interdites, à la demande du gouvernement espagnol! Armand Gatti est aussi cinéaste.
L’Enclos (1961), son premier film, présenté au festival de Cannes, remporta le Prix de de la critique, et à Moscou, celui de la mise en scène. Il réalisera en 1963, à Cuba, El Otro Cristobal, qui obtiendra  au Festival de Cannes le prix des Écrivains de cinéma et de télévision. Mais on voit rarement ses films, couverts de prix mais souvent censurés, voire interdits dès leur sortie.
Armand Gatti, le poète, l’anarchiste, internationalement reconnu mais éternel exclu…. On se souvient peut-être du mot de Theodor W. Adorno : « On ne peut plus faire de poésie après Auschwitz ». Et donc, à plus forte raison, avec Auschwitz, et sur Auschwitz. Mais L’Enclos n’est pas seulement un film sur le monde concentrationnaire. La grandeur du poète est de détourner les enjeux, et Armand Gatti  a évité ici tous les pièges.
Il s’élève d’emblée au-dessus de son sujet, transcende ce qu’il a de circonstanciel, et nous fait partager l’horreur concentrationnaire. Mais, à chaque mot, geste ou  situation, nous sommes à la fois dans l’histoire, et au-delà de l’histoire, avec les personnages mais aussi avec avec nous-mêmes, spectateurs de notre propre vie.
Avec son intuition de poète, Armand  Gatti dépasse ce que Gilles Deleuze appelle « la donnée de la situation ». Pour savoir ce qu’est L’Enclos, il faut d’abord se demander ce qu’il n’est pas.  Ni un document, témoignage, fable ou parabole.  Ni non plus un cri, prière, protestation, ni surtout pas une dénonciation. Ou tout cela, avec quelque chose en plus: une dimension qui rattache l’indescriptible et l’indicible, à  une  confrontation avec nous-mêmes, et à notre angoisse du temps et de  la mort.
   L’Enclos est une tragédie grecque, au sens où Nietzsche l’avait compris, quand, dans sa vision de  l’ « éternel retour », il reliait la modernité aux transes de la pythie. C’est une lutte pour la vie, pour la fraternité dans la terreur qui soude les personnages dans un chœur unique, face au verdict des Dieux de l’Olympe…
Qu’ils aient ici le visage de S.S., n’a d’ailleurs pas grande importance! Au-dessus du sublime de la trivialité, s’élève le chant de la pitié pour les hommes, pour tous les hommes, qu’il soient victimes et bourreaux. L’Enclos nous rappelle aussi que nous aurions  tort de nous  situer après l’histoire, celle de la Shoah et d’Auschwitz! Les horreurs de l’actualité pourraient vite nous mettre au diapason des horreurs du passé.
Ce film nous fait revivre un passé insoutenable, avec la beauté hiératique d’une cérémonie funèbre,  et  nous projette aussi dans notre monde concentrationnaire actuel. Les projecteurs de L’Enclos éclairent une réalité que l’on aurait tort de confondre avec une histoire ancienne, car elle est  la nôtre, celle de tous les jours… On voit déjà ici  l’affrontement entre la puissance et la masse, et surtout une ébauche de solution de cet affrontement.
La « solution finale » hitlérienne était la tentative encore balbutiante d’une expérience à plus grande échelle, où les hommes sont transformés en rats de laboratoire, dont l’extermination n’est pas programmée comme une fin en soi, mais comme la condition d’un avenir radieux…

Gérard Conio

Salle Saint-André des Arts, jusqu’au 16 décembre et à L’Entrepôt. Et en janvier à Montreuil pendant deux semaines.

 

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