Le Sacre du printemps

 Le Sacre du printemps, concept et mise en scène de Roméo Castellucci, musique d’Igor Stravisnky, direction musicale de Teodor Currentzis, et sonore de  Scott Gibbons – Festival d’Automne

Le Sacre du Printemps - Mise en scäne Romeo Castellucci ∏ C. Raynaud de Lage 141207_RdL_03435  »Réveiller l’effet de choc »,  dit Romeo Castelluci, quand il s’empare du Sacre du Printemps,manifeste musical d’Igor  Stravinsky et chorégraphique de Nijinsky, dont la création en 1913 au Théâtre des Champs-Elysées provoqua  un scandale.
« C’est une pièce pour les nerfs, pas pour la conscience. Cela va tellement vite, qu’au niveau épidermique, c’est presque une électrocution. » dit aussi Roméo Castelluci, qui privilégie les nouvelles technologies, mais est tout autant attiré par les arts plastiques, la philosophie, les sciences, au-delà des conventions et des académismes.
Aux  trente-quatre minutes du Sacre du Printemps, succède la pièce du compositeur américain Scott Gibbons qui explore l’infiniment petit du bruissement des atomes, à l’aide d’instruments scientifiques de haute technicité. On évoque d’habitude Le Sacre du Printemps comme réveil de la saison nouvelle et primitive, la germination de la nature et des passions dionysiaques, selon le paganisme d’une tradition russe.
Le metteur en scène associe l’œuvre à la scène du veau d’or. Cette métaphore animale est filée durant toute la  pièce, à travers la poussière, à la fois accessoire et objet essentiel  soit ici, une poudre d’os fabriquée pour servir d’engrais .
Ce ne sont plus les danseurs qui évoluent selon une chorégraphie mais la danse elle-même, détachée de ses supports humains - gestes, mouvements, pirouettes, figures – à travers le corps atomisé des interprètes devenus poussière. Déplacements, jeux de forme et de rythme commandés par le magicien Roméo Castellucci, au moyen d’une impressionnante machinerie. Avec des images saisissantes dans leur incongruité même et leur in-appropriation.
Deux plateaux  descendus des cintres, grosses machines rectangulaires de métal, brillantes et neuves, munies d’un voyant lumineux qui signe leur lien avec un logiciel, déversent des quantités de poussière selon des formes géométriques ou mouvantes variables, soit six tonnes de  cendre volatile issue de soixante-quinze carcasses d’animaux.
D’abord, en réponse à la musique syncopée d’Igor Stravinski, tombent des rideaux fins et légers de poussière comme une chevelure longue ou un voile à peine transparent, et par secousses, cette masse volatile s’intensifie, puis se clarifie, et finit par disparaître.
Ces ruissellements réguliers prennent l’aspect de cascades dessinées en flots puissants ou en jets plus incisifs, et cette poussière de cendres dansantes et tourbillonnantes, de vagues parsemées d’or, fixe à travers le voile transparent de scène, protecteur et transparent, un instant d’éternité. Les lumières font vivre ces tableaux, telles des impressions de formes spectrales, de palimpsestes, de souvenirs de l’humanité et de la nature, qui nous seraient enfin révélés.
De nature, il n’est guère question ici; ces machines et installations techniques fabriquent  ces poussières qui deviendront des fertilisants: la roue tourne sans fin. La Genèse fait naître le corps humain de la terre et le fait retourner après la mort à la poussière : « Tu es poussière et tu retourneras en poussière. » La cendre, signe même de ce qui n’est plus, symbole d’absence de vie humaine et des choses éphémères, est aussi liée à l’idée de purification, de résurrection. Renaître de ses cendres à travers l’art, la littérature, la poésie, la peinture, la sculpture et la musique, comme l’écrivait Marcel  Proust dans La Prisonnière : « Ces robes (…) c’était celles dont Elstir (…) nous avait annoncé la prochaine apparition, renaissant de leurs cendres, somptueuses, car tout doit revenir, comme il est écrit aux voûtes de Saint-Marc, et comme le proclament, buvant aux urnes de marbre et de jaspe des chapiteaux byzantins, les oiseaux qui signifient à la fois la mort et la résurrection. »
Ce Sacre du Printemps 2014 – un siècle après Igor Stravinsky et Nijinsky et, d’une autre façon moins apparente, chez Marcel Proust – salue donc avec une intense émotion, le retour infini de la vie et de son énergie.

 Véronique Hotte

 Festival d’Automne, Grande Halle de La Villette, du 9 au 14 décembre.

 

 

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