Répétition de Pascal Rambert
Répétition, texte, mise en scène et chorégraphie de Pascal Rambert
La dernière et très belle pièce de Pascal Rambert Clôture de l’amour qui avait été créée au festival d’Avignon en 2011, (voir Le Théâtre du Blog) avait connu un grand succès; avec deux de ses interprètes d’alors, Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, il a fait appel aussi maintenant à Denis Podalydès, Emmanuelle Béart et Claire Zeller, pour créer ce nouvel opus qui fait penser à Clôture de l’amour, son précédent spectacle.
Décor unique de Daniel Jeanneteau: une salle de gymnase jaune et bleue, équipée d’un panier de basket, éclairée par des plafonniers de tubes fluo qui se déplacent selon les scènes.
La structure dramatique est fondée sur les monologues de quatre personnages qui se succèdent, et dont le prénom est le même que dans la vie.
Mais Pascal Rambert donne aussi une grande importance aux mouvements du corps…On assiste ici à la répétition d’un spectacle: Audrey, une belle comédienne aux cheveux longs qui semble avoir vu un regard un peu trop appuyé chez Denis, un écrivain, sur Emmanuelle, et s’imagine que quelque chose est en train de se passer entre elle et lui. Il y aussi Stan, un metteur en scène. Tous ont déjà travaillé ensemble et se connaissent visiblement très bien.
“ A partir de là, j’ai essayé de montrer, dit Pascal Rambert, comment à l’intérieur d’un regard, je pouvais établir un monde et ce monde, et comment je voulais le faire imploser. On est dans différents niveaux de réalité. J’ai souvent l’impression que ce qu’on appelle la vérité ne se tient pas nécessairement dans ce qu’on appelle la réalité mais plus fréquemment à l’intérieur même des fictions”. Quel bavardage! Bref, Pascal Rambert fait joujou, (sans en être dupe) avec deux vieilles ficelles usées du théâtre occidental: le théâtre dans le théâtre (voir Shakespeare, Corneille, Molière, Marivaux etc…) et les histoires de couple. Mais au jeu des ruses, mensonges et trahisons en tout genre, l’auteur des Fausses Confidences reste toujours imbattable…
Pascal Rambert possède une grande aisance quant au traitement de l’espace, sait maîtriser l’énergie de ses acteurs, et diriger ce bouillonnement du langage qu’il leur impose et qui est devenu un peu comme sa marque de fabrique. Et, comme pour mieux dire l’importance du corps, c’est Claire Zeller, une jeune acrobate et jongleuse qui vient, à la fin et sans dire un mot, jouer avec deux cerceaux et un faisceau de rubans dont elle tire de belles figures. Elle clôture ainsi symboliquement cette histoire d’amour de la vie et du théâtre, comme avec un clin d’œil au titre: Clôture de l’amour.
Il a voulu marquer son texte de quelques repères, ceux des voyages qu’il a récemment effectués à Moscou, Tbilissi, Kiev, Yalta… Mais aussi parler du théâtre et de la vie réelle, de Staline et de ce grand poète que fut Mandelstam, et dire comment des idéologies ont basculé, comment nous sommes aussi peu lucides quant à notre perception du monde contemporain. Pourquoi pas? Mais on a un peu de mal à s’y retrouver…
Et cela fonctionne? Oui, au tout début, avec Audrey Bonnet très en colère contre les trois autres, mais moins ensuite: son monologue dure quelque trente minutes! Et, à la fin aussi, quand Stanislas Nordey, juste et profondément attachant, se lance face public dans une belle envolée lyrique et réussit à faire passer une véritable émotion.
Pour le reste, cela tourne à vide dans une impitoyable logorrhée: on parle beaucoup ici, des sentiments, de la vie du théâtre, du théâtre dans la vie, et des souvenirs communs! Mais Pascal Rambert reste l’incorrigible bavard, ce qu’il était déjà, quand il montait ses premiers spectacles à la Ménagerie de verre, il y a trente ans.
Malgré une qualité d’écriture, cette suite de monologues interminables ne fait en rien théâtre, comme disait Antoine Vitez, même et surtout, comme il le croit un peu naïvement, quand il parle du théâtre et de la vie. Cela bavasse à propos de tout et de rien, et ce spectacle n’a, ni l’évidence, ni la force de Clôture de l’amour.Tous aux abris!
Bref, on a souvent l’impression que Pascal Rambert s’est fait plaisir, sans se demander une seconde si le plaisir qu’il avait, lui, à écrire ce semblant de pièce pouvait aussi intéresser le public de Genevilliers, et pas seulement les amis des quatre comédiens qui font ici un remarquable travail et qui devront s’y remettre chaque soir pendant un mois!. (On sentait parfois chez Emmanuelle Béart comme une certaine lassitude, et il y a de quoi!)
Bon révélateur, comme dirait notre amie Christine Friedel: un groupe de jeunes gens a déserté vite fait, devant ces lapalissades sur le théâtre qui deviennent, et de façon irréversible, un monument d’ennui! C’est bien joli de s’envoyer des fleurs! Pascal Rambert parle en effet de son spectacle, comme d’une “chose extrêmement structurée à travers la langue mais la langue extrêmement structurée peut donner forme à cette révolte “pure” de l’être humain qui dit “je suis”. (Sic!) Mais cette Répétition dépasse rarement, soyons lucides, un très médiocre bavardage esthético-philosophique.
L’auteur et metteur en scène peut dire un grand merci à ses quatre acteurs, mais, à mission impossible, nul n’est tenu, et nombre de spectateurs sommeillaient! On voit donc mal quelques bonnes raisons de vous conseiller d’aller à Gennevilliers, sinon pour les acteurs. Vous pouvez y aller avec votre grand-mère (pas grave, elle s’assoupira vite) mais surtout pas avec des lycéens! C’est le genre de spectacle à les dissuader de revenir un jour dans un théâtre quel qu’il soit…
Enfin cela aura permis à notre aimable ministre de la Culture et de l’Economie numérique de découvrir un texte sans avoir à le lire. On aimerait bien savoir ce qu’elle a pu penser de ce pensum.
Philippe du Vignal
T2G de Gennevilliers/Centre Dramatique de création contemporaine jusqu’au 17 janvier. T: 01 53 45 17 17.