Gustave, librement inspiré de la correspondance de Gustave Flaubert
Gustave, librement inspiré de la correspondance de Gustave Flaubert, mise en scène d’Arnaud Bédouet
C’est comme une rencontre intime, celle de Jacques Weber et du public invité chez Gustave Flaubert.
Affaire délicate que celle de mettre en scène, un auteur et son œuvre littéraire, sa vie. quand ce n’est pas l’adaptation d’un roman ou une lecture mise en espace pour la scène. On se souvient de Fabrice Luchini jouant pour la première fois, un extrait du Voyage au bout de la nuit, au Théâtre du Rond-Point en 1985, à la demande de Jean-Louis Barrault, et depuis de nombreuses créations ont vu le jour, permettant ainsi à un large public de découvrir une œuvre, un auteur.
Gustave, donné dans ce charmant et un peu désuet Théâtre de l’Atelier, a comme matériau, la Correspondance de Gustave Flaubert. C’est dit, Arnaud Bédouet, « un immense personnage de théâtre et son verbe évoque un Falstaff, un Don Quichotte, un Alceste. Nous sommes dans la démesure des sentiments et, je le pense, assurément au théâtre »
Pour être à la hauteur de ce poète anarchiste « dans un corps de bourgeois », Arnaud Bédouet offre au public, une mise en scène au rythme très enlevé, avec une interprétation physique et sensuelle du personnage de Gustave Flaubert par Jacques Weber qui est formidable !
« Louise me quitte » dit Gustave qui ajoute quelques instants plus tard: « L’amour n’est pas un met principal, c’est un assaisonnement »… Louise Colet, une poétesse rencontrée en 1846 dans l’atelier du sculpteur Pradier, sera son amante pendant une dizaine d’années.
Jacques Weber prend véritablement possession de l’espace scénique avec autant de subtilité que de fougue. Le décor, sobre, et poétique crée une atmosphère charnelle, et on se sent habité par le quotidien de l’auteur, ses joies, sa mélancolie, son ironie, et l’on perçoit ses plus profondes obsessions et sestourments.
Mais Gustave est ici avec un nommé Eugène, à la fois son homme de main, son valet, confident, et compagnon. Bravo à Philippe Dupont ! Gustave en effet dialogue, ou semble dialoguer avec cet Eugène qui reste pratiquement muet mais qui est très important dans la construction du spectacle. Le personnage nourrit en effet la situation, participe de sa théâtralité, et installe ce « monstre » de Gustave et de son monde, dans l’espace du théâtre et non plus de la littérature.
Eugène laissera échapper un seul mot : ABRICOT. Tellement inattendu, un vrai coup de théâtre ! A vous de découvrir pourquoi, en allant voir ce Gustave ou en vous plongeant dans la biographie de cet immense auteur.
Spectacle haut en couleur, où jaillit une « colère terriblement actuelle, pleine d’énergie et de joie, jusque dans ses pires détestations ». Mots sans concession sur l’art poétique, l’univers des écrivains, le monde et la société bourgeoise : « Etre connu n’est pas ma principale affaire. Je vise à mieux : à me plaire, et c’est plus difficile (…) Le succès me paraît être un résultat, et non pas le but (…). J’ai en tête une manière d’écrire et une gentillesse de langage à quoi je veux atteindre » ! écrivait Gustave Flaubert à son ami Maxime du Camp.
Rien de plus salutaire, à notre époque conformiste et peureuse, obsédée par l’apparence, d’aller écouter et regarder , comme le dit Arnaud Bédouet « la rage d’un homme qui tenait la gageure de vivre en bourgeois et de penser en demi-dieu » !
Elisabeth Naud
Théâtre de L’Atelier, 1 place Charles Dullin, 75018 Paris, jusqu’au 31 décembre. T: 01 46 06 49 24. Du mardi au samedi à 20h30, et le dimanche à 15h30.
Bonsoir Madame,
Je suis ravi de vous avoir découvert ce soir … Dîner et lecture intéressants.
Laurent