Naharin’virus par la Batsheva Dance Company

Naharin’s Virus par la Batsheva Dance Company, chorégraphie d’Ohad Naharin

IMG_6713Quel bonheur de voir de la danse qui  fait sens! Ohad Naharin a pris ici, pour fil conducteur, des extraits d’Outrage au Public de Peter Handke, auxquels se mêlent les paroles autobiographiques des interprètes. Cette véritable création collective repose sur leurs propositions, et ils sont tous d’une présence scénique exceptionnelle.
Naharin’s Virus débute lentement : en silence, une danseuse dessine sur un mur barrant tout le fond de scène. Le premier mot inscrit est :VOUS. Le chorégraphe israélien  veut ainsi nous faire sortir en permanence de notre position confortable de spectateur passif.
Et ce, par la puissance du texte, proféré par un danseur, perché sur le mur : «Le sujet c’est vous. Vous êtes le centre d’intérêt. Nous ne traitons pas le sujet, nous vous traitons. …Vous n’êtes pas au singulier. Vous êtes au pluriel…Vous êtes l’événement». Mais aussi par la chorégraphie : les dix-huit interprètes  nous questionnent fréquemment du regard; en costume lycra couleur chair et noir, qui les fait ressembler à des lettres de l’alphabet, ils réalisent ainsi une calligraphie dans l’espace, en redoublant les graffitis qui s’inscrivent sur le mur.
L’harmonie du mouvement dansé est parfaite, que cela soit en groupe ou en solo, et chaque figure semble ressentie au plus profond des corps. L’énergie et les ruptures de rythme de ces virtuoses du geste sont accompagnées par des musiques à la puissance émotionnelle exceptionnelle, en particulier L’Adagio pour cordes de Samuel Barber, et une partition originale du compositeur palestinien Habib Allal Jamal.
Des cloches résonnent, précédant un cantique: nous nous croyons à Jérusalem! Dans cette création (2001), la danse est valorisée en permanence par le texte, sans pour autant l’illustrer. Les mots prononcés nous évitent de sombrer dans trop d’émotion et cela induit une mise à distance : «Nous pourrions devenir pathétiques, nous ne simulons pas. Ici rien n’est simulé, rien n’est fabriqué. »
Vers la fin -la pièce dure une heure dix-, les propos de Peter Handke surprennent le public : «Vous serez insultés, parce que l’insulte est une façon de communiquer. En insultant, nous devenons naturels. Nous avons une prise sur vous. Nous renversons l’obstacle qui nous sépare. Nous renversons le mur. Nous allons vers vous».
Ce mur, figure de toutes nos fractures, compte-tenu du pays de la compagnie, possède une haute valeur symbolique, et  est  définitivement brisé quand un danseur termine par ces mots : «Vous étiez ce soir, les bienvenus. Nous nous remercions. Bonne nuit».
Presque une parole sacrée…

Jean Couturier

Théâtre National de Chaillot du 17 au 21 décembre.Deuxième programme: Decadance Paris du 24 au 28 décembre.              


Archive pour 23 décembre, 2014

Naharin’virus par la Batsheva Dance Company

Naharin’s Virus par la Batsheva Dance Company, chorégraphie d’Ohad Naharin

IMG_6713Quel bonheur de voir de la danse qui  fait sens! Ohad Naharin a pris ici, pour fil conducteur, des extraits d’Outrage au Public de Peter Handke, auxquels se mêlent les paroles autobiographiques des interprètes. Cette véritable création collective repose sur leurs propositions, et ils sont tous d’une présence scénique exceptionnelle.
Naharin’s Virus débute lentement : en silence, une danseuse dessine sur un mur barrant tout le fond de scène. Le premier mot inscrit est :VOUS. Le chorégraphe israélien  veut ainsi nous faire sortir en permanence de notre position confortable de spectateur passif.
Et ce, par la puissance du texte, proféré par un danseur, perché sur le mur : «Le sujet c’est vous. Vous êtes le centre d’intérêt. Nous ne traitons pas le sujet, nous vous traitons. …Vous n’êtes pas au singulier. Vous êtes au pluriel…Vous êtes l’événement». Mais aussi par la chorégraphie : les dix-huit interprètes  nous questionnent fréquemment du regard; en costume lycra couleur chair et noir, qui les fait ressembler à des lettres de l’alphabet, ils réalisent ainsi une calligraphie dans l’espace, en redoublant les graffitis qui s’inscrivent sur le mur.
L’harmonie du mouvement dansé est parfaite, que cela soit en groupe ou en solo, et chaque figure semble ressentie au plus profond des corps. L’énergie et les ruptures de rythme de ces virtuoses du geste sont accompagnées par des musiques à la puissance émotionnelle exceptionnelle, en particulier L’Adagio pour cordes de Samuel Barber, et une partition originale du compositeur palestinien Habib Allal Jamal.
Des cloches résonnent, précédant un cantique: nous nous croyons à Jérusalem! Dans cette création (2001), la danse est valorisée en permanence par le texte, sans pour autant l’illustrer. Les mots prononcés nous évitent de sombrer dans trop d’émotion et cela induit une mise à distance : «Nous pourrions devenir pathétiques, nous ne simulons pas. Ici rien n’est simulé, rien n’est fabriqué. »
Vers la fin -la pièce dure une heure dix-, les propos de Peter Handke surprennent le public : «Vous serez insultés, parce que l’insulte est une façon de communiquer. En insultant, nous devenons naturels. Nous avons une prise sur vous. Nous renversons l’obstacle qui nous sépare. Nous renversons le mur. Nous allons vers vous».
Ce mur, figure de toutes nos fractures, compte-tenu du pays de la compagnie, possède une haute valeur symbolique, et  est  définitivement brisé quand un danseur termine par ces mots : «Vous étiez ce soir, les bienvenus. Nous nous remercions. Bonne nuit».
Presque une parole sacrée…

Jean Couturier

Théâtre National de Chaillot du 17 au 21 décembre.Deuxième programme: Decadance Paris du 24 au 28 décembre.              

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