Scènes de la vie conjugale

Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman mise en scène de Nicolas Liautard

 

 sl_Sc_C3_A9nes_20de_20la_20vie_20conjugale-3_20_28c_29_20La_20Nouvelle_20Compagnie Histoire d’un couple ordinaire : en six épisodes auxquels il a donné des titres précis, Ingmar Bergman déroule la vie de Johan et Marianne. Ecrite en trois mois, et tournée en quatre, la série eut, à sa diffusion en 1973, un immense succès.
Il est vrai que ce n’était pas joué par n’importe qui : Liv Ulman et Erland Josephson ont à côté d’eux, entre autres, Bibi Anderson, Gunnel Lindblom… Ni les acteurs des « grands »  films, ni le réalisateur n’ont négligé ce travail apparemment plus léger, et l’on retrouve ce couple-vedette, vieilli, dans Saraband, l’un des derniers films d’Ingmar Bergman.
Cela pourrait s’intituler, comme Feydeau l’avait fait pour une série de ses plus cruelles pièces: Du mariage au divorce. Nicolas Liautard a repris la série à la lettre, ou presque, en la projetant dans le monde d’aujourd’hui. Cela commence en abyme par une interview à la télévision, du couple idéal témoin, Johan et Marianne, donc.
Mariés depuis dix ans, ils ont de bonnes situations (elle est avocate spécialisée dans le divorce, entre autres…), deux enfants, une maison de campagne, bref, un bonheur exemplaire qui commence à grincer et à se défaire, dès la première scène.
Un couple ami se dispute chez eux, une grossesse non désirée finit par un avortement pas davantage désiré, puis, de séquence en séquence, arrive une certaine Paula. Séparations, cris et sanglots, reconstruction jamais en même temps : temps et contretemps jouent un grand rôle dans cette affaire.

Nicola Liautard a choisi le réalisme le plus cru, jusqu’à la nudité des corps. Disons tout de suite que les comédiens, Anne Cantineau et Fabrice Pierre sont exemplaires. Entièrement donnés à leur rôle, ils nous le donnent tout aussi entièrement. Nous ne sommes pas voyeurs, nous sommes devant un miroir social. Les Européens moyens se ressemblent, dans leurs comportements privés, et si l’on rit parfois, c’est de se reconnaître.
Cela fonctionne d’autant mieux que des personnages extérieurs au couple viennent remettre tout ça en perspective et rendre au conflit conjugal son épaisseur sociale : la cliente de Marianne, qui veut divorcer parce que, depuis trente ans, « il n’y a pas d’amour » dans son mariage, le gardien du bureau où Johan, en perte de vitesse, se réfugie pour discuter divorce avec Marianne, en même temps qu’ils tentent de faire l’amour.
Surtout, la mère de Marianne, que celle-ci ne revoit qu’une fois calmée de sa séparation avec Johan : l’arrivée d’un autre langage, d’une autre génération, d’une autre vision de l’amour, lavée par l’âge, par la mort de l’unique conjoint, donne comme une nouvelle dimension à la pièce. Michèle Foucher y est magnifique.
La scénographie bi-frontale contribue à la fois à l’identification du spectateur et à la distance : le salon bourgeois du début se défait peu à peu (comme le couple…), le «making off» qui reliait discrètement les premières séquences devient inutile, le jeu même s’épure à mesure que le couple, séparé, remarié chacun de son côté, arrive à sa tendresse et à sa vérité.
C’est très beau. Et on ne regrette pas de passer quatre heures à expérimenter ce qu’est la vie et ce qu’est l’amour.

 Christine Friedel

Spectacle vu à la scène Watteau de Nogent-sur-Marne. Les 6, 7 et 8 janvier à L’Apostrophe de Cergy-Pontoise, et le 28 janvier, salle Jacques Brel à Gonesse.

 


Archive pour 1 janvier, 2015

Scènes de la vie conjugale

Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman mise en scène de Nicolas Liautard

 

 sl_Sc_C3_A9nes_20de_20la_20vie_20conjugale-3_20_28c_29_20La_20Nouvelle_20Compagnie Histoire d’un couple ordinaire : en six épisodes auxquels il a donné des titres précis, Ingmar Bergman déroule la vie de Johan et Marianne. Ecrite en trois mois, et tournée en quatre, la série eut, à sa diffusion en 1973, un immense succès.
Il est vrai que ce n’était pas joué par n’importe qui : Liv Ulman et Erland Josephson ont à côté d’eux, entre autres, Bibi Anderson, Gunnel Lindblom… Ni les acteurs des « grands »  films, ni le réalisateur n’ont négligé ce travail apparemment plus léger, et l’on retrouve ce couple-vedette, vieilli, dans Saraband, l’un des derniers films d’Ingmar Bergman.
Cela pourrait s’intituler, comme Feydeau l’avait fait pour une série de ses plus cruelles pièces: Du mariage au divorce. Nicolas Liautard a repris la série à la lettre, ou presque, en la projetant dans le monde d’aujourd’hui. Cela commence en abyme par une interview à la télévision, du couple idéal témoin, Johan et Marianne, donc.
Mariés depuis dix ans, ils ont de bonnes situations (elle est avocate spécialisée dans le divorce, entre autres…), deux enfants, une maison de campagne, bref, un bonheur exemplaire qui commence à grincer et à se défaire, dès la première scène.
Un couple ami se dispute chez eux, une grossesse non désirée finit par un avortement pas davantage désiré, puis, de séquence en séquence, arrive une certaine Paula. Séparations, cris et sanglots, reconstruction jamais en même temps : temps et contretemps jouent un grand rôle dans cette affaire.

Nicola Liautard a choisi le réalisme le plus cru, jusqu’à la nudité des corps. Disons tout de suite que les comédiens, Anne Cantineau et Fabrice Pierre sont exemplaires. Entièrement donnés à leur rôle, ils nous le donnent tout aussi entièrement. Nous ne sommes pas voyeurs, nous sommes devant un miroir social. Les Européens moyens se ressemblent, dans leurs comportements privés, et si l’on rit parfois, c’est de se reconnaître.
Cela fonctionne d’autant mieux que des personnages extérieurs au couple viennent remettre tout ça en perspective et rendre au conflit conjugal son épaisseur sociale : la cliente de Marianne, qui veut divorcer parce que, depuis trente ans, « il n’y a pas d’amour » dans son mariage, le gardien du bureau où Johan, en perte de vitesse, se réfugie pour discuter divorce avec Marianne, en même temps qu’ils tentent de faire l’amour.
Surtout, la mère de Marianne, que celle-ci ne revoit qu’une fois calmée de sa séparation avec Johan : l’arrivée d’un autre langage, d’une autre génération, d’une autre vision de l’amour, lavée par l’âge, par la mort de l’unique conjoint, donne comme une nouvelle dimension à la pièce. Michèle Foucher y est magnifique.
La scénographie bi-frontale contribue à la fois à l’identification du spectateur et à la distance : le salon bourgeois du début se défait peu à peu (comme le couple…), le «making off» qui reliait discrètement les premières séquences devient inutile, le jeu même s’épure à mesure que le couple, séparé, remarié chacun de son côté, arrive à sa tendresse et à sa vérité.
C’est très beau. Et on ne regrette pas de passer quatre heures à expérimenter ce qu’est la vie et ce qu’est l’amour.

 Christine Friedel

Spectacle vu à la scène Watteau de Nogent-sur-Marne. Les 6, 7 et 8 janvier à L’Apostrophe de Cergy-Pontoise, et le 28 janvier, salle Jacques Brel à Gonesse.

 

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