Céline/Proust
Céline/Proust Une rencontre? Faire bouillir le chevreau dans le lait de sa mère, composé par Emile Brami et Michaël Hirsch, mise en scène d’Ivan Morane.
Dans l’espace intime du Théâtre des Déchargeurs, s’engage en soixante-dix minutes, une rencontre surprenante entre deux géants de la littérature française. Avec un repas en tête-à-tête entre Céline et Proust « qui confient leur amour pour leurs mères et grands-mères », dit Ivan Morane, metteur en scène et acteur de la pièce.
Céline est à l’honneur cet hiver, avec un autre spectacle impressionnant et singulier de ce même metteur en scène, Faire danser les alligators sur la flûte de Pan interprété par Denis Lavant (voir Le Théâtre du Blog).
C’est ici une toute autre histoire avec des écrivains que tout oppose, sauf le génie de la langue… Ivan Morane s’empare tour à tour de ces deux personnages. Formidable dans son interprétation de Louis-Ferdinand Céline, moins convaincant dans celle de Proust qui semble plus difficile à cerner que Louis-Ferdinand Céline, dont la dimension théâtrale est évidente.
Le dialogue est accompagné par la remarquable chanteuse Silvia Lenzi; la musique en effet joue un rôle important dans la construction dramatique de cette rencontre autour d’un repas; et apporte un supplément de poésie et de tension à cette parole littéraire, et fait surgir des espaces inarticulés et fugaces qui se nichent secrètement dans un texte.
Ivan Morane, metteur en scène, réussit à donner corps et résonance aux mouvements subtils de ces deux écritures; il incarne Céline avec émotion et talent mais son Proust est trop flou, ce qui empêche la rencontre entre les deux personnages de se cristalliser vraiment.
Bref, on reste sur sa faim, mais tout de même heureux d’avoir pu goûter certains morceaux jubilatoires et sublimes de la langue française, qu’elle soit célinienne ou proustienne.
Emile Brami et Mikaël Hirsch ont gardé les textes dans leur forme originale, sans ajout, et on apprécie le rythme et l’intelligence avec lesquels ils ont théâtralisé cette rencontre ! Ivan Morane, lui, donne au public la possibilité d’une perception existentielle, esthétique de ces écritures, en ne séparant pas l’art poétique, la personnalité et le vécu de Louis-Ferdinand Céline et de Marcel Proust.
Ce spectacle, comme celui du Théâtre de l’Oeuvre, constitue un pari mené avec esprit et sensibilité. Une autre façon de lire les grands textes ou, au moins, d’aller, avec plaisir et curiosité, à leur rencontre ! .
Elisabeth Naud
Théâtre Les Déchargeurs. 3 rue des Déchargeurs, T: 01 42 36 00 50, jusqu’au 28 février.
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