Mon frère, ma Princesse
Mon frère, ma princesse, de Catherine Zambon, mise en scène d’Émilie Leroux
Les représentations de tous les spectacles pour public scolaire ont été annulées jusqu’à nouvel ordre en Ile-de-France, en conséquence du plan Vigipirate… Pour ne pas tout perdre, l’équipe artistique a fait le choix généreux d’aller dans les classes faire des lectures de Mon frère ma princesse qui a reçu le prix Collidram, prix national de littérature dramatique des collégiens en 2013.
Nous voici dans la famille d’Alyan, cinq ans, et de Nina, sa grande sœur. Une famille tout à fait classique mais où Alyan préfère la vieille robe de princesse de sa sœur, au nouveau vélo offert par sa mamie Loupiotte. Son papa,lui, est trop occupé pour s’en inquiéter et sa maman ne sait pas trop comment réagir, même si elle aimerait bien que ça change.
Mais voilà, Alyan n’en démord pas, il veut être une princesse, et plus tard être une maman; il ne quitte plus sa robe et sa baguette magique avec laquelle il fait « la magination » ; il dit aussi qu’il « mourira », si on l’empêche d’être une princesse. Nina, en sœur protectrice, encaisse les moqueries d’abord, et les coups ensuite, lavant l’honneur de son petit frère qui fait des tours de magie et qui parvient à la faire disparaître… C’est à partir de là que tout le monde prend conscience des problèmes.
L’écriture de Catherine Zambon, à la fois tendre et efficace, dit les choses sans entraves, porte ce qu’il faut d’humour et de poésie pour un résultat d’une justesse et d’une émotion directes. Émilie Leroux a su réaliser une mise en scène de cette même veine engagée, et ses comédiens sont excellents; Dieu sait pourtant qu’il n’est jamais facile pour des adultes de jouer des enfants sans bêtifier, alors quand un jeune homme doit jouer un petit garçon qui se déguise en fille!
Défi relevé avec talent par Colin Melquiond, jamais ridicule, mais aérien et enchanteur. Marie Bonnet interprète, elle, une Nina pleine de colère rentrée, les dents serrées, ne souriant qu’à son petit frère qu’elle aime tant. Les comédiens, d’abord tous face public créent un beau tableau et nous amènent tout de suite à beaucoup d’empathie. Trois cadres de portes reliés entre eux et montés sur roulettes vont beaucoup bouger pour représenter différents lieux et nous proposer aussi plusieurs angles de vue d’une même scène, ou pour faire tournoyer ou enfermer les personnages.
Une belle lumière et quelques beaux effets (une robe descendant des cintres, des paillettes scintillantes …) viennent s’ajouter à la magie du plateau. Catherine Zambon a beaucoup insisté pour que son texte soit joué par six comédiens, ce qui est coûteux donc pas facile, quand il s’agit d’une production destinée au jeune public. Mais elle a bien fait d’avoir cette exigence: cela évite que l’on se focalise trop sur le personnage d’Alyan; on aborde ainsi, dans son ensemble, ce thème brûlant traité avec une belle sensibilité d’écriture: on pense à Tomboy, un superbe film sorti juste après l’écriture de Mon frère, ma princesse.
C’est la preuve, une fois de plus, que le théâtre dit jeune public, peut proposer de beaux moments de réflexion quand il s’agit comme ici, d’une création théâtrale de grande qualité !
Julien Barsan
Maison de la musique de Nanterre, le samedi 17 janvier à 15h; Le Coléo, Pontcharra (38), le 23 janvier; Théâtre de Vénissieux, les 29 et 30 janvier; Théâtre de Villefranche (69), du 28 février au 4 mars; Centre culturel de La Ricamarie (42), les 12 et 13 mars et Train Théâtre, Portes-les-Valence, les 31 mars et 1er avril.
La pièce est éditée à L’Ecole des loisirs.