L’Avantage avec les animaux… de Rodrigo Garcia
L’Avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans te poser de questions de Rodrigo Garcia, traduction de Christilla Vasserot, mise en scène de Christophe Perton
Comme des animaux en cage, cantonnés sur un terrain de basket grillagé, trois comédiens échangent des propos graves ou anodins sur la vie, la mort, l’amour. Les aphorismes succèdent aux anecdotes et des passages lyriques (le son et les mouvements d’une rivière en cascade, les couleurs de l’automne…) font place à des considérations triviales (comme des réflexions sur la lunette des toilettes).
Il est beaucoup question de maladie, de souffrance, d’hôpital, d’un chien triste, d’une mère mourante. Les médecins sont inconséquents, les infirmières sans compassion, les chats sans intérêt, les chiens trop serviles, mais souvent plus attachants que les humains. « C’est, dit Christophe Perton, un texte libre et débridé et qui malgré son apparente déconstruction, repose sur une dramaturgie très cohérente ».
Le dit texte se veut une sorte de manifeste contre la mort : « Il s’agit à chaque page, désespérément, de rester en vie, de sauver sa peau. Et de promettre (…) de revenir à la vie mais en mieux, en se repensant en tant qu’homme et non en tant qu’espèce à peine plus évoluée que le simple animal. (…) L’avantage avec les animaux… insiste sur l’idée de ne pas se laisser mourir. »
Ce qui frappe, dans cette pièce -composée comme un dialogue qui n’en est pas un- c’est la teneur poétique de la langue, l’impertinence du ton et son humour irrévérencieux. Francisco de Quevedo ou Robert Walser sont cités à l’appui. On découvre aussi l’univers architectural d’Enric Miralles, évoquant le cimetière d’Igualada. Mais on regrette que l’énergie, la vitalité que déploie l’auteur, sa dérision teintée de poésie, ne soient pas toujours au rendez-vous. Et que ce soit plutôt le morbide qui l’emporte.
Certes, c’est une gageure de s’emparer de Rodrigo Garcia, connu pour son univers scénique décoiffant et ses audaces provocatrices. « J’estime, dit Christophe Perton, qu’il existe une œuvre autonome, c’est à dire une écriture de Rodrigo Garcia indépendante de ses mises en scène ». Mais, hormis quelques passages où les acteurs réussissent à jouer ensemble et à entrer dans cet univers fantasque truffé de coq-à-l’âne incongrus, il ne se tisse aucune véritable complicité entre eux.
Chacun se contente d’occuper le terrain, et de jouer au mieux sa partition. Seule Judith Henry trouve la bonne tonalité. Les interventions chorégraphiques faussement enjouées peinent à créer une dynamique et n’empêchent pas ce spectacle tristounet de courir après ce qui fait l’essence et l’originalité de la pièce.
Mireille Davidovici
Théâtre du Rond-Point, Paris, jusqu’au 14 février.
Le texte publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.