Quelque part au cœur de la forêt
Quelque part au cœur de la forêt : La Belle et la Bête, texte de Claude Merlin, mise en scène de Claude Buchvald
Sur un joli texte aérien de Claude Merlin, c’est un spectacle tout public à partir de sept ans, d’une poésie pétillante, dont les mots exercent leur pouvoir enchanteur sur tous les enfants que nous sommes restés, car la Belle change ici sa vêture de princesse pure, pour enfiler, entre autres, une robe d’aube, puis une autre de vent, enfin, une troisième de soleil.
Et les regards émerveillés voient se succéder les métamorphoses colorées de la Bête, créature énigmatique, sous l’emprise d’un sort funeste dont elle saura se dégager patiemment, grâce à la fidélité régénératrice de la Belle. le public a rendez-vous avec de nombreux animaux et le dieu Pan, habillés de costumes féériques, et portant des masques inquiétants imaginés par Sabine Sigwalt.
Laurène Brun mime les oreilles de l’âne, avec un sens farceur de l’évocation et un humour serein, en faisant tomber ses mains levées autour de la tête, de gauche à droite, comme un animal humble mais éloquent. La comédienne juvénile, aux longs cheveux blonds lâchés, incarne la Belle avec un plaisir visible: la Bête, à ses côtés, a d’abord la voix grave et effrayante de celui que l’on ne veut pas voir, si grande est la terreur supposée de cette vision monstrueuse.
Le contrat entre la Belle et la Bête: la première ne doit jamais croiser le regard de la seconde. Mais, peu à peu, la Bête s’approche de la Belle, déguisée et grimée, et quand la Bête est blessée, c’est la Belle qui soigne cette victime singulière. Quand le père de la Belle tombe malade, elle se rend à son chevet, et abandonne la Bête qui par erreur, croit ce départ définitif. Or, la Belle, portée par un élan salvateur, revient avec toute l’attention amoureuse qu’elle porte intimement à cette figure étrange et mystérieuse, dont elle sait transcender la prétendue laideur.
La Bête se dévoile enfin en beau jeune homme (Nelson-Rafaell Madel) et compose, avec son instrument et sa voix, « une matière vibrante, dit Claude Buschwald, qui suscite notre la mémoire la plus ancienne, qui va jusqu’au cœur de l’enfance, et peut-être à l’origine du monde ». Cet univers sonore, à connotation grave, profonde et tellurique, tel que l’a conçu Yves Collet, est enchanteur: près de vieux troncs d’arbres, et de colliers de lianes végétales, mariage subtil de matières et de couleurs, il diffuse sa chaleur, entre la présence entêtante du bois et la fraîcheur de quelques fleurs.
Comme dans le jardin d’un paradis perdu, tout juste près de renaître.
Véronique Hotte
Le Grand Parquet, jusqu’au 1er février. T : 06 98 03 60 80