Nos Serments

Nos Serments (très librement inspiré de La Maman et la putain) de Jean Eustache par la compagnie L’In-Quarto de Guy-Patrick Sainderichin et Julie Duclos, mise en scène de Julie Duclos

 la maman et la putain  Le film-culte (1973) de Jean Eustache (qui s’est suicidé huit ans plus tard), avec Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont, Isabelle Weingarten et Françoise Lebrun,  avait déjà inspiré un remarquable spectacle de Jean-Louis Martinelli en 1990.
    C’est ici un peu la même histoire: François, intello sans le sou, vit avec Mathilde qui a une boutique de vêtements, puis devient l’amant d’Esther, avant de  rencontrer une belle et jeune infirmière polonaise, Oliwia.
Comme chez Jean Eustache,  ils vont essayer de refuser le schéma classique du trio amoureux, et faire en sorte que cela se passe au mieux… Les deux jeunes femmes acceptent ou tolèrent cette situation, mais François partira finalement vivre avec Oliwia, et Esther  en restera désespérée.

   Il y a aussi, autre pion dans ce jeu amoureux, Gilles, le meilleur ami et confident de François, qui a ensuite une liaison avec Esther. Plus tard, François et Oliwia vivront ensemble, auront un enfant mais elle partira avec un autre homme.
 “ Le souvenir et la trace du film a servi d’impulsion à l’écriture, dit Julie Duclos. Nos personnages,  avant de se déployer librement à leur façon, ont été initialement convoqués  par ceux du film ».  En 2011,  elle avait déjà conçu Fragments d’un discours amoureux, avec cinq acteurs, dans un dispositif scénique qui inclut de la vidéo. Et, l’an passé, elle avait déjà expérimenté, avec le même groupe d’acteurs, Masculin/Féminin, une sorte d’atelier/laboratoire. Une étape de travail de Nos Serments avait été présentée en mai dernier au théâtre de Vanves.
  Il était intéressant d’aller voir ce qu’une bande de jeunes acteurs  pouvait faire du scénario et des dialogues de ce film mythique, sorti alors qu’aucun d’entre eux n’était évidemment déjàné. (Les années nous viennent sans bruit, disait Ovide: Jean Eustache aurait 76 ans et pourrait donc être leur grand-père…)
  Sur  la scène, une sorte de studio de cinéma, intelligemment conçu par Paquita Milville, avec nombre de projecteurs sur pied, figurant un logement de jeunes gens à Paris où, comme cela se faisait dans les années 70, il y a juste un lit à même le sol, un canapé, une table de travail et quelques chaises.  Avec une référence permanente au cinéma: un décor de  salon est posé au fond, et, sur un écran central, sont projetées des scènes en extérieur avec les mêmes personnages. Rappel évident des moments du film de Jean Eustache qui se passent au Flore et aux  Deux Magots, célèbres cafés de Saint-Germain-des-Près, ou à l’hôpital Laennec.
   Dès le début, on voit que Julie Duclos, à peine sortie du Conservatoire, n’est pas n’importe qui et qu’elle sait diriger ses acteurs: Maëlle Gentil, David Houri, Yohan Lopez, Alix Riemer, particulièrement juste, et Magadelana Malina, qui a, elle, quelques problèmes de diction. Mais tous très présents et crédibles; ils se connaissent visiblement bien, sont très à l’aise sur le plateau et semblent habiter cet espace depuis des mois.
Julie Duclos a compris qu’il ne valait mieux pas imiter le jeu distancié de Jean-Pierre Léaud qui avait fait son succès au cinéma, et a su donner une véritable unité d’interprétation à ce spectacle de croisements amoureux, où les personnages vivent, des “temps superposés ». « Du seul fait, dit Gaston Bachelard, qu’ils n’ont pas les mêmes principes d’enchaînement, le temps pensé et le temps vécu ne peuvent être posés comme naturellement synchrones”.

 Ils semblent être en effet en constant décalage, à la fois temporel et spatial, et cela, la jeune metteuse en scène sait très bien le rendre. Si bien que l’on est tout de suite pris, pendant, disons, une petite heure, seulement à cause de la faiblesse évidente du texte, faiblesse qui  s’accentuera encore plus.  Sans doute, il n’y a pas tromperie sur la marchandise, puisque le titre annonce: “très librement inspiré de La Maman et la putain! Les dialogues de Jean Eustache étaient certes prolifiques et on sait qu’il était des plus exigeants, quant à leur  respect  par les comédiens… (Ce sont de lointains souvenirs, puisque le film n’est pas trouvable en DVD pour des raisons de droits d’auteur).
Ici, ce dialogue/bavardage, (visiblement élaboré à partir d’improvisations  sur la base d’un texte connu: une véritable manie aujourd’hui chez les jeunes metteurs en scène!), frise souvent le degré zéro de l’écriture, mal adaptée à la dramaturgie proposée.
Comme ces jeunes acteurs sont sympathiques et efficaces, on ne s’ennuie pas vraiment mais… cette première partie n’en finit pas, même si on a l’occasion de s’aérer un peu, au sens figuré et au sens propre, grâce à quelques bouts de film tournés dans les rues de Paris, et pour une dernière et longue scène dans un café, quand François retrouve  Oliwia, plusieurs années plus tard …
Mais l’éternité, c’est long, surtout vers la fin, comme dirait Alphonse Allais, et cette  première partie dure quand même plus d’une heure et demi! Arrive donc ce qui devait arriver: après l’entracte, la salle se vide d’un tiers des spectateurs, excédés par ce dialogue des plus faiblards; puis on doit revenir, mais pour quarante minutes seulement. Cherchez l’erreur…
   En fait, tout se passe, comme si Julie Duclos s’était fait d’abord plaisir et avait voulu suivre de trop près le modèle eustachien! En oubliant, erreur dramaturgique évidente, que le dialogue de théâtre n’est pas celui du cinéma, même si elle fait assez habilement l’aller et et retour entre image scénique et image filmée...
  Que faire maintenant que le spectacle est construit!  Supprimer cet entracte, et resserrer l’ensemble d’au moins   trente minutes? Mais Julie Duclos ne le fera pas: cela suppose trop de travail  avec ses acteurs et techniciens… Le spectacle, malgré ses qualités, restera donc à l’état de projet intéressant mais pas vraiment abouti. Dommage!
  Alors, y aller ou pas? Oui, pour cette brochette de jeunes  comédiens, à la belle présence, bien dirigés et  que l’on a vraiment plaisir à voir jouer. Non, à cause d’un  texte trop pauvre, que Julie Duclos  a voulu homogène, mais qui ne fonctionne pas sur la durée.
C’est une  bêtise de croire que le discours au théâtre peut agir comme un principe d’unité, même et surtout quand il est “très librement inspiré” et, en plus, comme ici d’un film-culte. On aurait dû apprendre cela (voir Molière, Marivaux, Beaumarchais, Lesage, etc…) à Julie Duclos et à ses amis, quand ils étaient élèves au Conservatoire national, sous le règne de Daniel Mesguisch.  Message transmis à Claire Lasne-Darcueil, qui lui a succédé, pour qu’elle améliore sérieusement les choses; il s’agit d’un enseignement dispensé dans  une école nationale supérieure…
 Voilà, vous êtes prévenus,  donc, à vous de choisir…

 Philippe du Vignal

 Théâtre de la Colline jusqu’au 14 février.
 

 


Archive pour 23 janvier, 2015

Festival On y danse

Festival: On y danse, 21ème édition

 Le Centre Wallonie-Bruxelles possède, au cœur de Paris, à côté du centre Georges Pompidou, un lieu de spectacle avec une  programmation cinéma, et peut  donc se faire l’écho du travail des artistes, toutes disciplines, confondues, issus de la Belgique francophone. On sait qu’en matière de danse, ce pays est le berceau d’un important courant. Tous les ans, pendant dix jours, de jeunes danseurs sont  invités  à dévoiler leur univers, leur style, leur être-au-monde, inscrits dans un paysage chorégraphique d’une grande diversité.

 Modern dance chorégraphie de Johanne Saunier

 C’est à un véritable marathon que se livrent trois danseuses (dont la chorégraphe) emportées par le rythme de Fast track, ou le simulant, quand le silence s’installe. Mais bientôt, des temps morts dévorent la danse, les corps se relâchent, se débattent, se tordent, menacés d’inertie, sans jamais tomber pourtant, sans jamais capituler.
Puis le tempo les ranime de plus belle. Une corde élastique, tendue en travers, aux tiers du plateau, délimite l’espace, créant une sorte de coulisse à vue, et a aussi pour fonction de faire rebondir et renvoyer les interprètes vers les spectateurs.
Bâtie sur un morceau de l’album We want Miles (1981), la chorégraphie épouse la musique de Miles Davis avec minutie. Mais on regrette que les costumes soient aussi peu flatteurs. Johanne Saunier, issue de la compagnie Rosas d’Anne Teresa de Keersmaeker, a créé sa propre structure, et, quand elle ne produit pas ses spectacles, collabore à de nombreux projets théâtraux ou musicaux.
Elle travaille souvent avec le compositeur Georges Aperghis, et a imaginé ici, avec Modern dance,  un spectacle d’ une grande  précision et d’une grande simplicité, où la danse prime, qui met en lumière la virtuosité de chacune des interprètes. Mais on peut dire, comme Paul Valéry l’a si bien exprimé : «  Je croyais que les pieds de la danseuse savaient seulement dessiner,  je vois aussi qu’il savent penser, et même écrire. »
Une artiste à suivre.

 Mireille Davidovici

Centre Wallonie-Bruxelles, 46 rue Quincampoix, 75004 Paris. T: 01 53 01 96 96, jusqu’au 31 janvier; au programme : Double de Nono Battesti ; Hérétiques de Ayelin Parolin et S620 de Claudio Bernardo.
info@cwb. fr

http://www.dailymotion.com/video/xw1cc3 

 

 

 

 

Le Paris des Femmes

 

Le Paris des Femmes

6598bdu00a9f-mantovaniC’est la quatrième édition de  ce Paris des femmes au Théâtre des Mathurins. Véronique Olmi, Michèle Fitoussi et Anne Rotenberg, directrices artistiques de ce festival, passent ainsi des commandes d’écriture sur un thème  imposé à  neuf auteures. Mais le texte ne doit pas excéder trente minutes et est mis en espace, par des  professionnels qu’elles sélectionnent chaque année.
En 2015, le thème:  le meilleur des mondes, à prendre au sens que l’on veut : au pied de la lettre, ou   comme l’entend Adlous Huxley… Furent ainsi  sélectionnées: Nina Bouraoui, Sedef Ecer, Anne Giafferi, Stéphanie Janicot, Nathalie Kuperman, Amélie Nothomb, Lydie Salvayre, Samira Sédira et Lucy Wadham. Pour   mettre en espace  leurs textes:  Jean-Philippe Puymartin, Eric Massé et Michel Vuillermoz, sociétaire de la Comédie Française.
Ce 10 janvier, c’est  Éric Massé qui  dirige d’abord Parfaite de Lucy Wadham, romancière britannique, auteur du best-seller The secret life of France. Une mère retrouve son fils après plusieurs années de séparation, mais cet  enfant de bonne famille qui prenait des médicaments, a dû partir loin de son entourage familial qu’il ne supportait plus. Elle le découvre, vivant du minimum dans une ferme, cultivant des légumes bio, et dont la compagne  est enceinte.
L’intrigue a quelque chose de classique et son auteur n’a pas l’habitude de l’écriture dramatique: trous d’air dans le texte et manque de rythme,  et même beaucoup de légèreté. Mais le principe de la mise en espace, c’est uen fois de plus prouvé,  ne rend service à personne : les comédiens, texte à la main, s’empêtrent avec un accessoire! Visuellement, cela n’a pas grand sens, et on n’est donc qu’à moitié au théâtre. Quand un texte est bon, la lecture  à la table est suffisante, mais…certainement moins spectaculaire et attirante !
   Puis c’est au tour de Tu honoreras ton père et ta mère de Samira Sédira qui nous avait touché au cœur avec son roman L’odeur des Planches (voir Le Théâtre du blog).  La pièce résonne avec la récente actualité! Un jeune homme  part faire le djihad et croit fort à cette croisade pour le meilleur des mondes. Ses parents, au courant de son projet, ne l’ont jamais cru vraiment capable de passer à l’acte, mais là, il est décidé. Au dernier moment, il ne s’en sent plus capable et  n’embarquera pas,.
Mais voilà: déserter a un prix: il doit impérativement trouver un remplaçant, sinon, on le tuera. Il se tourne  alors vers ses parents… Ici, cela fonctionne beaucoup mieux, avec un texte bien découpé, parfois glaçant,  même si le public, plutôt âgé et bourgeois, rit de manière surprenante. Les acteurs,  dont Delphine Rich qui interprète la mère, s’en sortent bien. L’écriture de Samira Sédira est vive; l’écrivaine joue avec un sujet grave mais n’hésite pas à mettre de petites touches d’absurde, de cynisme, voire de comique  sans pourtant jamais les installer.  Sur la demi-heure, les évènements s’enchaînent, et  il y a donc une véritable construction dramaturgique.
Puis vient enfin, Otages de Nina Bouraoui, sobrement interprété par Christine Citti; elle a une belle présence et incarne Sylvie Meyer, une chef d’équipe d’une usine en crise.  Son lui patron demande de dresser une liste des employés « pas suffisamment sérieux », pour qu’il puisse les licencier! Mais elle craque et le séquestre.
On assiste à son témoignage devant ce qui semble être un tribunal. Belle tension et forte montée dramatique  dans un dispositif libérant Christine Citti, qui donne ici le meilleur d’elle-même et déclenche notre émotion. Tout est fait pour que nous comprenions son geste et les étapes qui l’y ont menée.

Ce Paris des Femmes est une bonne initiative, même si on comprend mal pourquoi on fait cette proposition d’écriture seulement à des femmes. Il y a de belles écritures au fur et à mesure des éditions, et l’opération semble gagner en ouverture, puisque les organisatrices font moins maintenant appel à leurs seules relations, pour choisir leurs auteures…
Cela dit, ces mises en espace ne rendent pas toujours le meilleur service aux textes et aux acteurs, mais comment faire autrement…  si on veut  générer des recettes de billetterie!

Julien Barsan

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