Le Paris des Femmes
Le Paris des Femmes
C’est la quatrième édition de ce Paris des femmes au Théâtre des Mathurins. Véronique Olmi, Michèle Fitoussi et Anne Rotenberg, directrices artistiques de ce festival, passent ainsi des commandes d’écriture sur un thème imposé à neuf auteures. Mais le texte ne doit pas excéder trente minutes et est mis en espace, par des professionnels qu’elles sélectionnent chaque année.
En 2015, le thème: le meilleur des mondes, à prendre au sens que l’on veut : au pied de la lettre, ou comme l’entend Adlous Huxley… Furent ainsi sélectionnées: Nina Bouraoui, Sedef Ecer, Anne Giafferi, Stéphanie Janicot, Nathalie Kuperman, Amélie Nothomb, Lydie Salvayre, Samira Sédira et Lucy Wadham. Pour mettre en espace leurs textes: Jean-Philippe Puymartin, Eric Massé et Michel Vuillermoz, sociétaire de la Comédie Française.
Ce 10 janvier, c’est Éric Massé qui dirige d’abord Parfaite de Lucy Wadham, romancière britannique, auteur du best-seller The secret life of France. Une mère retrouve son fils après plusieurs années de séparation, mais cet enfant de bonne famille qui prenait des médicaments, a dû partir loin de son entourage familial qu’il ne supportait plus. Elle le découvre, vivant du minimum dans une ferme, cultivant des légumes bio, et dont la compagne est enceinte.
L’intrigue a quelque chose de classique et son auteur n’a pas l’habitude de l’écriture dramatique: trous d’air dans le texte et manque de rythme, et même beaucoup de légèreté. Mais le principe de la mise en espace, c’est uen fois de plus prouvé, ne rend service à personne : les comédiens, texte à la main, s’empêtrent avec un accessoire! Visuellement, cela n’a pas grand sens, et on n’est donc qu’à moitié au théâtre. Quand un texte est bon, la lecture à la table est suffisante, mais…certainement moins spectaculaire et attirante !
Puis c’est au tour de Tu honoreras ton père et ta mère de Samira Sédira qui nous avait touché au cœur avec son roman L’odeur des Planches (voir Le Théâtre du blog). La pièce résonne avec la récente actualité! Un jeune homme part faire le djihad et croit fort à cette croisade pour le meilleur des mondes. Ses parents, au courant de son projet, ne l’ont jamais cru vraiment capable de passer à l’acte, mais là, il est décidé. Au dernier moment, il ne s’en sent plus capable et n’embarquera pas,.
Mais voilà: déserter a un prix: il doit impérativement trouver un remplaçant, sinon, on le tuera. Il se tourne alors vers ses parents… Ici, cela fonctionne beaucoup mieux, avec un texte bien découpé, parfois glaçant, même si le public, plutôt âgé et bourgeois, rit de manière surprenante. Les acteurs, dont Delphine Rich qui interprète la mère, s’en sortent bien. L’écriture de Samira Sédira est vive; l’écrivaine joue avec un sujet grave mais n’hésite pas à mettre de petites touches d’absurde, de cynisme, voire de comique sans pourtant jamais les installer. Sur la demi-heure, les évènements s’enchaînent, et il y a donc une véritable construction dramaturgique.
Puis vient enfin, Otages de Nina Bouraoui, sobrement interprété par Christine Citti; elle a une belle présence et incarne Sylvie Meyer, une chef d’équipe d’une usine en crise. Son lui patron demande de dresser une liste des employés « pas suffisamment sérieux », pour qu’il puisse les licencier! Mais elle craque et le séquestre.
On assiste à son témoignage devant ce qui semble être un tribunal. Belle tension et forte montée dramatique dans un dispositif libérant Christine Citti, qui donne ici le meilleur d’elle-même et déclenche notre émotion. Tout est fait pour que nous comprenions son geste et les étapes qui l’y ont menée.
Ce Paris des Femmes est une bonne initiative, même si on comprend mal pourquoi on fait cette proposition d’écriture seulement à des femmes. Il y a de belles écritures au fur et à mesure des éditions, et l’opération semble gagner en ouverture, puisque les organisatrices font moins maintenant appel à leurs seules relations, pour choisir leurs auteures…
Cela dit, ces mises en espace ne rendent pas toujours le meilleur service aux textes et aux acteurs, mais comment faire autrement… si on veut générer des recettes de billetterie!
Julien Barsan