Double, chorégraphie de Nono Battesti

Double, chorégraphie de Nono Battesti

80319424_B971765616Z.1_20140110093032_000_G6I1OO749.1-0 Surgissant de bosquets de bambous, Nono Battesti s’élance, félin, dans le clair-obscur, et la silhouette d’une danseuse reprend ses mouvements, telle une ombre portée, double blond du danseur noir. Entre eux, un duo s’ébauche au rythme de la guitare, bercé par la  voix grave de Dyna B. Ils se rapprochent puis se rejettent, se cherchent ou s’évitent.
Plusieurs styles s’épousent ici ou se contrarient : lui, est issu du hip-hop, organisateur de battles réputés en Belgique, et très au fait de la danse contemporaine comme Juliette Colmant, formée aussi au classique; ils  se livrent à une sorte de combat, se heurtent puis s’embrassent, pour mieux se repousser, jusqu’à une fusion finale.
Ils réconcilient alors les uns avec les autres les styles qu’ils maîtrisent (néo-classique, jazz, break dance, hip-hop  danse contemporaine).
Entre temps, de nombreux événements se sont produits, mettant en jeu les deux autres interprètes. Second double de Nono Battesti, la chanteuse (sa sœur) entre dans la danse : trio improbable entre deux jumeaux de couleur et la femme blanche.
Puis, c’est au tour du  musicien Quentin Halloy d’affronter le danseur, lors d’un duel violent : le corps déchaîné du danseur bondit par saccades, comme un tigre, contre le batteur occidental énervé. Musique contre danse. Puis  la voix de la chanteuse entre en conflit avec la partition corporelle. Les doubles forment un quatuor à géométrie variable, mariant ou opposant musique, chant et corps en mouvement.
Nono Battesti, originaire d’Haïti, signe ici son deuxième spectacle. L’itinéraire du personnage principal, qu’il interprète, est celui d’un héros de roman d’apprentissage. Confronté à une succession d’épreuves, il traverse,  de l’amour à la répulsion, de la colère à l’apaisement, une série d’étapes initiatiques, avant que la pièce ne se conclue par un dénouement pacifié.
«Je représente les histoires de ma vie en dansant», dit le chorégraphe qui livre ici un spectacle à la fois dynamique et sensible, inspiré de sa propre expérience, mais où il laisse chacun de ses partenaires s’exprimer selon sa personnalité.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Centre Wallonie-Bruxelles/ festival On y danse (voir Le Théâtre du blog). Et le 28 février au centre Culturel de Longlaville (54); le 3 mars à Lessay (50); le 5 mars à Tessy-sur-Vire (50); le 6 mars à Hébécrevon (50) ; le 7 mars à Bricquebec (50); le 26 mars au Hall de Woluwé Saint-Pierre à Bruxelles ; du 20 au 26 avril: festival: dont vous êtes le héros, à Namur et le 20 mai à Ciney (Belgique). Et en  juin, aux Nocturnes de Saint-Didier à Lyon.  www.compagniedessources.be

 


Archive pour 26 janvier, 2015

Standards, chorégraphie de Pierre Rigal

std-p6Standards chorégraphie de Pierre Rigal

«Quand on se demande pourquoi certains sont prêts à tuer pour des frontières, des croyances, ou des symboles, on dessine des p’tits bonshommes», n°1178 de Charlie Hebdo, du 14 janvier 2015, un journal de résistance à la connerie humaine.
Pierre Rigal, qui questionne ici la notion d’identité, lui, ne dessine pas, mais réalise une chorégraphie pour des artistes qui dansent sur la projection, au sol, du drapeau tricolore. Pendant une heure, huit danseurs de hip-hop ont l’emblème français comme paysage de jeu. Le spectacle, créé en 2012, prend, bien sûr, une autre dimension aujourd’hui, puisqu’il aborde, à partir d’un symbole collectif, la question d’une vision commune selon des standards communs: celle de l’appartenance à une nation  avec le devoir se conformer à ses règles, nation fondée sur l’idée de liberté, et que des extrémistes religieux cherchent à détruire.
Le spectacle est repris dans un lieu significatif: le Musée de l’histoire de l’immigration, ouvert en 2007, anciennement Musée des colonies, qui avait été inauguré en 1931 pour l’Exposition coloniale, et dont les fresques de l’imposante salle des fêtes illustrent la mission  «civilisatrice» de la France.
 Dans une première partie, les danseurs cherchent, individuellement ou collectivement, à s’extraire de ce rectangle au sol, qui les bride et suivent, avec minutie, le rythme de la musique originale de Nihil Bordures. Puis, ils vont changer leurs repères de jeu, et utilisent séparément les trois morceaux de tapis de danse  constituant le drapeau tricolore. Ils s’enroulent dedans, s’amusent avec, forment des sculptures mouvantes  avec  précision, et créent des figures d’une belle poésie.
Pierre Rigal propose ici un travail exigeant, avec une multitudes d’images que chacun peut interpréter à sa façon, notamment quant au sens et à la valeur de ce drapeau, symbole national de plus en plus malmené aujourd’hui.

Jean Couturier

 Musée de l’Histoire de l’immigration, Paris les 23, 24 et 25 janvier.

www.pierrerigal.net

    

Dezafi

Dezafi de Frankétienne, adaptation et mise en scène de Guy Régis Jr.

 

c3a113c864ae551a39557b17818dd12d« La culture est debout », déclarait Frankétienne à la télévision, montrant sa bibliothèque adossée au seul mur préservé de sa maison qui avait été éventrée par le tremblement de terre de 2010, en Haïti.
Une parole à la hauteur de son œuvre littéraire : contre vents et marées, contre dictateurs et tyrans, l’un des plus grands écrivains de la Caraïbe n’a cessé de dénoncer l’oppression et les folies du pouvoir des Duvalier. En 1975, il publie Dezafi, premier roman écrit en créole, qu’il traduira lui-même en français, sous le titre Les Affres d’un défi.
Ce livre flamboyant, à la langue finement ciselée, raconte la révolte du peuple contre Zofer, un dictateur cruel qui, avec l’aide de Saintil, un prêtre vaudou,  a assujetti le peuple en le transformant en une troupe de zombis.
Dans un récit-puzzle, où le symbolisme vaudou croise une poésie ardente, l’amour de Sultana, la fille de Zofer, pour Clodonis, va sauver l’humanité. Grâce à un grain de sel, seul élément capable de mettre fin à cette zombification, Clodonis va ouvrir les yeux du peuple et prêcher la révolte. Le partage du sel aura lieu, c’est à dire l’avènement de la liberté.  Haïti, on le sait, fut, en 1804, la première république noire indépendante, avant de sombrer dans l’horreur deux siècles durant.
On sait gré à Guy Régis Jr., auteur et directeur de la compagnie haïtienne Nous théâtre, de nous  faire  connaître la prose éruptive et déconcertante de Frankétienne, dont l’oralité évidente convient bien au théâtre. Sur le plateau, dans le noir, un chœur de zombis martèle des mots ésotériques. Ses incantations s’accompagnent de cris et piétinements. Il y est question de branches entremêlées, de partage du sel, de rats, et de ventres creux.
Une lumière  parcimonieuse laisse entrevoir des corps scandant des formules en créole, donc difficiles à saisir pour nous,  mais le plus souvent en français, d’où émergent des expressions de toute beauté  : «Mes oiseaux mal servis par des ailes déplumés »,  « Je titube dans la mouvance des sables »…
Mais le spectacle en offre seulement des bribes et, au lieu de développer une intrigue, aussi décousue fût-elle ( comme dans le roman), il fait surtout la part belle  au travail corporel. Lors des quelques scènes dialoguées, on ne distingue guère, dans la pénombre, les enjeux dramatiques entre les personnages, et le public, même curieux de découvrir le théâtre haïtien, reste donc sur sa faim, mais on découvre, malgré tout, un de ses  grands écrivains…

 Mireille Davidovici


Le Tarmac, 159 avenue Gambetta, 75020. T. 01 43 64 80 80. Jusqu’au 24 janvier  www.letarmac.fr

Le texte est publié aux éditions Vents d’ailleurs (2010)

 

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