Cirkopolis
Cirkopolis, un spectacle du Cirque Éloize
Aldous Huxley souligne dans Le Meilleur des Mondes, la folie où pourrait nous conduire une course effrénée vers l’eugénisme, ce que pointe aussi du doigt le film Bienvenue à Gattaca; dans 1984, George Orwell avait déjà repris les caractéristiques des dictatures qui ont lacéré la première moitié du vingtième siècle. Les contre-utopies d’aujourd’hui mettent en scène des espaces dévastés, où la nature est devenue hostile aux êtres humains qui en ont pompé toutes les ressources, avec entre autres, The Road de Cormac McCarthy, ou la B.D. Le Transperceneige, adaptée au cinéma.
Il y a donc une certaine urgence à poser le regard sur ce qui menace l’humanité, mais de quel péril souhaite donc nous garder la compagnie de cirque québécoise? Pas de l’ennui en tout cas. Elle s’empare d’un univers dystopique pour donner un cadre à un spectacle où se mêlent: acrobatie, roue Cyr, bascule, sangles, jonglage, contorsion… En fond de scène défilent, sur un immense écran, les images de tours infinies ou d’énormes rouages évoquant Les Temps modernes de Charlie Chaplin, Metropolis de Fritz Lang, ou Gotham City, surnom de la ville de New York, chère à Batman.
Cet univers sombre, aux allures cartoonesques, défile avec force effets de perspective et avale interprètes et spectateurs dont l’imagination est vite saturée; le monde de la contre-utopie est donc employé ici à rebours de son usage premier et tient lieu de décoration plaisante, rassurante même, tant il nous est familier avec ses thèmes connus : uniformité des êtres, travail vide de sens, personnage lunaire faisant office de grain de sable dans la grande machine, et amour/évasion… Mais ici la nécessité inhérente au genre devient alors prétexte à divertissement des plus neutres.
On reprend son souffle, avant de replonger dans des scènes parfois pénibles où des jeunes filles au regard tantôt énamouré, tantôt éberlué, jouent les fragiles créatures noyées dans un univers mâle. Est-ce une dénonciation? Pas sûr.
Adèle Duminy
Spectacle vu au Théâtre municipal de Grenoble le 25 janvier.
Du 31 janvier au 4 février au Grand Théâtre d’ Aix-en-Provence; les 6 et 7 février à Antibes/ Anthéa ; les 10 et 11 février à l’Espace Jean Legendre de Compiègne; les 13 et 14 février au Splendid de Saint-Quentin; les 15 et 16 avril au Colisée-Théâtre de Roubaix; les 29 et 30 avril au Théâtre Anne de Bretagne de Vannes, et du 4 au 7 mai au Grand T de Nantes.