30/30 24 Propositions pluridisciplinaires
30/30 24 Propositions pluridisciplinaires de formes courtes
Créé en 2004, cet événement offre des formes artistiques aux identités plurielles: “ Nous restons attachés, dit Jean-Luc Terrade, son directeur artistique aux dépassements des frontières qui se multiplient entre les arts, amenant les créateurs à nouveaux langages en explorant toutes sortes de combinaisons scéniques”.
Cela se passe à Bordeaux et dans toute sa périphérie (Gradignan, Pessac, Le Boucat…), et jusqu’au Pôle national des arts du cirque à Boulazac en Dordogne. Et le format habituel a été un peu élargi cette année: les spectacles peuvent dépasser un peu les trente minutes, et il y a souvent plusieurs interprètes.
Dénominateur commun à toutes ces formes courtes: l’expression du corps, parfois en conflit avec la réalité la plus terre à terre, par des artistes français mais aussi autrichiens, hollandais, belges… déclinée sous de multiples façons: danse, jonglage, acrobatie, performance, avec la présence fréquente de musiciens sur scène.
Le festival a commencé au Théâtre des Quatre Saisons à Gradignan, une salle chaleureuse de 450 places aux murs de bois blond, bien remplie d’un public familial. D’abord avec Fall Fell Fallen, un spectacle du Lovely Circus, dans une mise en scène collective, sous la direction de Nicolas Heredia, avec Jérôme Hoffman, concepteur et interprète de “déséquilibres sonores” qui obtient des sons très particuliers, grâce à un archet sur des tiges filetées et à une platine pour vinyles, revue et corrigée.
Son complice, le fildeferiste Sébatien Le Guen, dispose, lui, d’une sangle à cliquets, de bastaings de bois qu’il accumule dans un équilibre précaire et sur lesquels il arrive à se hisser, et de planches qui, miraculeusement, se tiennent debout, sages comme des images et qui lui obéissent au quart de tour, sur un sol plastique, où il opère aussi d’incroyables glissades.
Avec, on s’en doute, une sorte de “partition du risque et de la chute” comme ils disent, nous avons, beaucoup songé à la quête, à la fragilité de l’humain, face à ses obsessions et à ses désirs. (…)Nous avons cherché la musicalité graphique du risque”.
Et cela fonctionne? Oui, les enfants et adultes sont émerveillés par ce clown longiforme, à la fois inquiet et joyeux, en proie à l’aléatoire et au risqué, avec autant de belles images qui sont comme un miroir grossissant de l’existence humaine. Comme le disait le cher Nietzsche dans Le Gai savoir: “« Croyez-moi! Le secret pour récolter la plus grande fécondité, la plus grande jouissance de l’existence, consiste à vivre dangereusement! » Le public, tous âges confondu, est ravi par ce mélange d’animalité, d’instinct et de virtuosité humaine…
La deuxième partie du spectacle, Chute libre, a aussi pour thème, la chute; il a été créé par les Voyageurs de l’Espace, un collectif scénique, avec, à sa tête, Pierre Meunier, auteur et acteur de formidables spectacles (voir Le Théâtre du Blog) qui est ici entouré de Philippe Foch (percussions), Didier Petit (violoncelle) et Christian Sebille (instruments électroacoustiques). Pierre Meunier, après un vol à bord de l’Airbus Zéro G dans le cadre des Ecrivains en impesanteur, en avait tiré un récit sonore qui était, semble-t-il, la préfiguration de ce spectacle, lors de la nuit blanche au CNES, Observatoire de l’Espace à Paris.
Ici, il parle en solo de la matière, de la pesanteur, du vide, selon un mode poétique mais aussi scientifique. En relation directe et en correspondance, avec la musique et des images projetées sur grand écran. Images sublimes d’exploration spatiale qui auront été le symbole des recherches scientifiques les plus pointues du XX ème siècle, où on peut voir notamment un astronaute en scaphandre faire une réparation sur la navette, mais aussi, revers de la médaille, des envols de fusées retombant en feu quelques secondes plus tard.
Au début, on est assez fasciné par la sonorité de la voix et par la belle présence de Pierre Meunier, acteur. Mais comme il reste assez statique et peu éclairé, cela commence vite à ne plus nous surprendre, à cause d’une relation peu évidente avec les musiciens, placés de chaque côté et/ou les images très prégnantes qui défilent sur le grand écran.
En fait, cette forme courte aurait exigé une véritable mise en scène qui fait ici cruellement défaut! Du coup, l’ennui surgit assez vite et des spectateurs désertent au bout de dix minutes. C’est un peu dommage, mais que cela ne dissuade surtout pas les Bordelais d’aller voir les autres formes courtes de ces rencontres.
“ Ces artistes, comme le dit très bien Jean-Luc Terrade, en s’éloignant du réel, qui d’ailleurs n’en est plus, s’aventurent dans les contrées de l’imaginaire, du rêve ou du cauchemar (qu’importe!) et nous redonnent goût, à condition de laisser nos peurs et nos certitudes de côté”. Et par les temps qui courent, c’est une chose des plus précieuses…
Philippe du Vignal
A Bordeaux et dans ses environs du 24 janvier au 4 février 2015. www.marchesdelete.com