People in field
People in a Field chorégraphie de Simon Tanguy
Dans le noir, une voix de femme, en anglais : «Je vous parle pour abattre le mur qui nous sépare (…) Il y a ceux qui regardent et ceux qui sont regardés. » Elle se demande pourquoi elle est là. Peut-être pour relever «le petit défi de vivre avec plaisir dans une monde d’espoir en miettes». Et, pendant cinquante-cinq minutes, pour partager cette petite utopie, «en sécurité, à l’abri du théâtre». Elle dit combien il est difficile de ralentir, emportés que nous sommes par la vitesse de nos vies…
Simon Tanguy, après une licence de philosophie, a étudié le clown à Paris, puis la danse à la School for New Dance Development d’Amsterdam, qui forme des chorégraphes à l’écriture de plateau et à la dramaturgie, plutôt que des interprètes. Ce cursus éclectique permet au jeune homme d’envisager cette discipline sous un jour différent, et dans People in a Field, sa troisième pièce, il veut traduire le fait que les corps sont traversés par un flot continu d’informations, de souvenirs, de mots, dans un ordre et des tempi aléatoires.
La danse contemporaine a son courant conceptuel, qui interroge l’être en scène du danseur : comment franchir le mur qui le sépare du public ? Que dire ? Ou comment danser ? Se demandent «les enfants des enfants des années soixante » et d’ajouter : «Il n’y a pas de place pour nous, le mieux que l’on puisse faire, c’est d’être libres. » C’est à cet exercice de liberté que se livrent les cinq danseurs. Ils ont champ libre à l’intérieur des quatre mouvements de la pièce. D’abord, une longue plage de silence où ils hésitent à se déployer, et où ils explorent leur corps, individuellement ou par deux, trois, quatre, cinq. Puis, à l’inverse, un concert les met en mouvement, voire en transe. La musique de Christophe Sherbaum, présent sur scène avec deux autres musiciens, s’inspire du répertoire rock des années soixante.
Fatigués et progressivement apaisés, les danseurs s’ébattent ensuite au milieu d’images projetées un peu partout sur le plateau, souvenirs filmés de leur vie collective en marge du spectacle, ou selfies pris sur le vif. À la fin, le texte de Chris Dupuy, disséminé tout au long de la pièce, est repris, sur-titré en français, expliquant a posteriori la démarche du chorégraphe.
Polysémie des gestes, déstructuration et complexité de la composition scénique, passages à vide succédant aux trop-pleins, changements brutaux de rythme, donnent à cette création un caractère erratique, et le public a du mal à suivre le fil de cette pièce décousue et fragile.
Entre danse et non-danse, il n’y a parfois qu’un pas….
Mireille Davidovici
Jusqu’au 1er février au Théâtre des Abbesses à Paris et le 16 avril : Festival Le Grand Bain, au Gymnase/ Centre de danse contemporaine de Roubaix.