Terre rouge
Terre Rouge d’Aristide Tarnagda, mise en scène de Marie-Pierre Bésanger
Lui est un homme de théâtre du Burkina Faso ; on l’avait vu ici, comédien dans Une saison au Congo d’Aimé Césaire au T.N. P. Il a reçu commande d’un texte sur la terre, dans le cadre d’un projet pluridisciplinaire autour des notions de pays et de paysage, en Corrèze et au Burkina-Faso. Deux pays a priori bien différents. Mais Marie-Pierre Bésanger qui le met en scène, est installée à Tulle.
Ce monologue a été créé et a fait une tournée en Limousin, en 2012. Accompagné de la musique, un peu trop présente, de deux musiciens qui veulent vivre au rythme du texte, et d’une bande-son suggérant les bruits du paysage, Aristide Tarnagda s’impose avec force. Pour dire la terre rouge de son enfance, au Burkina-Faso, il scande son texte, comme pourrait le faire un griot. Magnifiée par ses souvenirs, c’est la terre de l’insouciance, de l’innocence et des jeux, celle de tous les possibles. Le narrateur et son frère jouent au foot, en rêvant d’ en être un jour les vedettes. Lorsque l’enfant se blesse, le grand frère le soigne en couvrant ses plaies avec la poussière rouge, miraculeuse panacée, terre cicatricielle.
Et puis, il y a la rupture: d’abord l’exil à Paris de son frère qui s’est désincarné, qui n’est plus que mots sur une lettre, ou paroles au téléphone. Loin de sa terre, il s’étiole dangereusement entre maladie et chômage. Ensuite, le narrateur découvre que sa terre n’est plus à lui : son propre gouvernement et les pays étrangers l’exploitent et seuls lui restent les mots pour en dénoncer le démantèlement et la dépossession.
Ce monologue, simple, bien rythmé, dit, avec lyrisme, les maux de l’Afrique et le désespoir de ceux qui refusent les mirages de l’exil, et qui voudraient sauver leur pays pour y vivre comme leurs pères y avaient vécu: avec dignité.
Elyane Gérôme
Spectacle vu au T. N. P. de Villeurbanne; en tournée le 31 mai à Cergy-Pontoise.