Les ratés
Les Ratés de Natacha de Pontcharra, mise en scène de Fanny Malterre
« -On était faits./ -Faits l’un comme l’autre./ -Faits comme des rats./ -Tous les deux avec des têtes de rats. » Jeff et Jeffy sont nés ainsi, près de Nogent: un accident génétique dans la lignée des Bordurier, époux Duchaussoix. Pas facile de trouver place dans la société quand on n’est pas comme les autres. Ils ont beau se cacher leur visage sous une capuche, mettre des masques d’hommes en latex, ils restent sur la touche : éternels remplaçants dans l’équipe de foot, préposés aux fruits et légumes sur le parking du supermarché… Cela finira très mal.
Et pourtant, on rit. Fanny Malterre a dirigé avec précision et à un rythme diabolique, Jean-Christophe Allais et Rainer Sivert (Jeff et Jeffy) qui forment un duo burlesque sans grimage ni artifice; leur gestuelle sautillante et leurs mimiques en font des rats très convaincants. Jean-Yves Duparc, le Papa, lui, tient plutôt du clown triste.
Mais père et fils sont pétris de tendresse.
La bande-son, en sourdine, apporte un contrepoint d’inquiétude à cette étrange histoire dont la metteuse en scène a su tirer partie de toutes les finesses. Natacha de Pontcharra qui n’a pas la langue dans sa poche, s’amuse en effet avec les mots, les triture pour leur faire rendre tous leurs sens, et tisse cette fable sur l’exclusion sans sensiblerie, avec un soin de dentellière.
Et Fanny Malterre nous fait entendre cette langue et découvrir une auteure trop peu jouée, dont pourtant les pièces d’actualité explorent les bas-fonds de l’âme et de la société, à travers des personnages souvent exclus, piégés par un système qui les abandonne et les contraint, soit à abdiquer, soit à se révolter.
Les Ratés sont vraiment une pièce à voir et à lire
Mireille Davidovici
Théâtre du Lucernaire 53 rue Notre-Dame des Champs jusqu’au 30 mars à 18h 30. T. 01 45 44 57 34 www.lucernaire.fr
Le texte est publié aux éditions Quartett.