Les amours inutiles

Les Amours inutiles,  d’après des nouvelles de Guy de Maupassant, mise en scène d’Eric Vanelle

 4-theatre5L’International Visuel Théâtre, carrefour culturel pour sourds et entendants, est installé depuis plusieurs années dans l’ancien théâtre du Grand Guignol qui a été joliment rénové.  Dans le hall, les débats sont très animés mais dans le plus grand silence, puisqu’ici, on communique en langue des signes; on n’entend donc que des rires ! Au bar, pas d’autre moyen, que de désigner sur un tableau noir pour avoir la consommation désirée, et on est  guidé en silence jusqu’à nos places par deux personnes sourdes. Le spectacle de cette compagnie de Toulouse qui s’est beaucoup joué en Midi-Pyrénées, est adapté de quatre nouvelles de Guy de Maupassant, et interprété en langue des signes avec un humour réjouissant par trois comédiens sourds, doublés par des entendants.    Dans Le Moyen de Roger, publié en 1885 dans le journal Gil Blas,  un jeune homme, Roger,  au moment de consommer son mariage avec une jeune veuve très libertine, est déconcerté et se retrouve impuissant. Pour ne pas continuer à subir ses caprices, il s’enfuit au bordel où il regagne sa virilité, puis en revient pour consommer son mariage… sans plus de discussions.  Le Lit 29, c’est le titre d’une nouvelle où un capitaine qui porte beau, doit abandonner sa maîtresse pour partir à la guerre. Elle a transmis sa syphilis à tous les Prussiens qui l’ont fréquentée et il la retrouve à l’hôpital mais,  lâchement, ne répond à ses appels au secours qu’à sa dernière extrémité. Mais, plus que lui, elle aura gagné la guerre en contaminant l’ennemi…  Dans La Serre, Monsieur Le Rebour, boutiquier de son état, est un bon vivant mais il a épousé une femme revêche qu’il finit par ne plus supporter, mais qui se laissera enfin dompter. Et dans L’inutile Beauté, une jeune et jolie femme, condamnée à subir des grossesses à répétition, se révolte enfin, après avoir donné le jour à sept enfants! Sa détermination finit par avoir raison de son égoïste époux qui en tombe alors amoureux.   Ce spectacle en langue des signes, est interprété avec une grande finesse et un bel humour par d’excellents comédiens, Martine Cros, Lucie Lataste, Corinne Mariotto, Delphine Saint-Raymond et  Éric Vanelle.. Le spectateurs, pour applaudir, agitent les mains en l’air.

Edith  Rappoport.

Spectacle vu à l’International Visuel Théâtre, le 14 février.


Archive pour 16 février, 2015

La fin du monde est pour dimanche

La Fin du monde est pour dimanche, un spectacle de et par François Morel, mise en scène de Benjamin Guillard

 ph-spectacles-001Remarquable comédien, longtemps chez Macha Makeieff et Jérôme Deschamps, metteur en scène (Instants critiques), poète et chroniqueur chaque semaine à France-Inter, François Morel reprend ici La fin du monde est pour dimanche, créé à La Rochelle en 2013.
  Seul en scène, il parle avec cet amour des mots qu’on lui connaît, et sous une apparente désinvolture de la vie  quotidienne qui s’enfuit. Avec aussi un bel humour mais aussi la mélancolie de ceux qui vieillissent et regardent derrière eux, il nous raconte ces moments de la vie quotidienne envolée depuis longtemps mais toujours bien présente à notre esprit qui ne peut s’empêcher de les convoquer.
François Morel a une diction et une gestuelle impeccables, et une maîtrise totale du plateau: il dialogue ainsi  parfois avec des images vidéo habilement introduites par Thierry Vareille, comme avec cette image de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard (1965)  où la belle Anna Karina marche sur une plage de Porquerolles et qui revient régulièrement avec cette phrase-culte: «Je m’ennuie, qu’est-ce que je peux faire, je ne sais pas quoi faire. »

  Dénominateur commun  de ces petits textes : le temps qui coule inexorablement, sans aucun appel possible. “On peut quelquefois retrouver un être mais non abolir le temps, remarquait déjà Marcel Proust. Dimanche, c’est la métaphore de notre dernier jour de vie, que François Morel soit le narrateur de cette  Fin du monde est pour dimanche, ou l’interprète de ses personnages: un vieil homme qui au lever du soleil, parle avec son petit-fils : «Tu vois gamin, la vie, c’est comme une semaine. Ni plus, ni moins. Lundi, mardi, jusqu’à dimanche…Quel jour qu’on est ? Mercredi, jeudi ? On n’en sait rien. La vie, c’est comme une semaine. On se croit mercredi. On a tout le temps qu’on se dit. Vu qu’on a toute la semaine, vu qu’on a toute la vie. Mais si ça se trouve, on est jeudi ou vendredi… Ça file ! Ça court ! Ça va trop vite»
Ou cette caissière de supermarché qui remercie Sheila de l’avoir accompagnée toute sa vie en musique… Dans cette galerie de personnages que François Morel croque avec beaucoup d’humour et tendresse, il y a aussi, un homme fatigué qui, dans le métro, croise le regard d’une jeune femme, et qui rêve, malgré quelques cheveux blancs, de pouvoir la séduire. Et cet envoyé spécial de France Bleu à Bethléem qui  raconte l’accouchement  de la Vierge Marie. Ou encore cet homme  nous parlant son amour-passion avec une fine de claire n°3…

  Nostalgie ? François Morel est un peu réticent devant le terme: « La nostalgie, je la ressens essentiellement en pensant à quelques-uns qui ont quitté la vie et qui me manquent. J’ai la mélancolie joyeuse ! C’est une accompagnatrice, notamment au théâtre. Les plus beaux  spectacles que j’ai vus, étaient empreints de mélancolie. La mélancolie, c’est le plaisir d’être triste. On se réunit dans des théâtres pour se consoler de l’irrémédiable, si j’ose dire ».
  Dans ce très beau solo, mis en scène avec une grande précision par Benjamin Guillard, François Morel,dans cette grande salle du Rond-Point, nous parle du bonheur mais comme en confidence, à l’oreille de chacun des spectateurs, avec générosité, sans cynisme ni sarcasme : «Jouissez chaque jour des joies que la vie vous apporte, car la richesse est vaine chez les morts» : la leçon du roi Darios dans Les Perses d’Eschyle, vingt-cinq siècles plus tard, reste toujours valable, nous dit François Morel.
  Mais ce spectacle est aussi remarquable par la qualité de sa langue, merveilleusement fluide et poétique qui fait parfois penser à celle des Vies Minuscules de Pierre Michon. Les jeunes écrivains qui sont aussi souvent les metteurs en scène de leur texte, laborieusement écrit sur un coin de table, après des journées d’improvisation avec leur copains d’école, peuvent en prendre de la graine…
Le public, toutes tranches d’âge confondues, fait une ovation bien méritée à cette Fin du monde est pour demain, qui est, et  ce n’est pas si fréquent par les temps qui courent,  un grand moment de théâtre.

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point, Paris jusqu’au 28 février à 21h.

 

 

 

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