En route Kaddish
En route Kaddish, conception et mise en scène de David Geselson.
Toute sa vie, Yehouda Ben Porat a poursuivi le rêve d’un État d’Israël idéal et a aimé une femme avec laquelle il ne vivra pas. Parti de Lituanie pour la Palestine en 1934, il s’engagea dans la Brigade juive de l’armée anglaise, puis participa à la guerre d’indépendance d’Israël. Mais il déserte et va aux États-Unis, puis revient fonder l’Institut de recherche sur l’histoire d’Israël en 1971.
David Geselson, son petit-fils, comédien, dont c’est la première mise en scène, s’est emparé de cette saga, pour raconter aussi son histoire, entre réel et mythologie familiale. « Mon principal moteur, dit-il, a été l’écriture. Le désir d’écrire pour le plateau, de penser l’espace, de produire des images… Et ce qui a finalement concrétisé mon désir, c’est le besoin impérieux de dire quelque chose. J’avais une histoire à écrire, à raconter. J’ai voulu monter des nouvelles d’Haruki Murakami et je suis parti à Tokyo pour y travailler. Mais à mon retour, j’ai appris que je n’aurai pas les droits pour l’adaptation. Alors, j’ai commencé à écrire mes propres nouvelles, à raconter mes tribulations japonaises. Et est apparue la figure de mon grand-père Yehouda. J’ai entrepris alors de raconter son histoire. Et pas seulement son histoire vraie… »
En fait, c’est aussi pour David Geselson, l’occasion de questionner ses origines, de rechercher les racines du conflit entre Israël et Palestine, pour mieux éclairer le présent. Dans une démarche qui fait sans cesse le grand écart entre le passé/avenir de son grand-père, et son avenir à lui. Il a demandé aussi à Elios Noël de jouer le rôle de son grand-père et à Lisa Navarro de créer une scénographie où le texte puisse faire l’aller et retour entre fiction et réalité, soit deux espaces de jeu dont l’un avec un bureau, et aussi un petit écran pour la projection de paysages.
David Geselson joue ici son double, un jeune trentenaire, un acteur qui raconte la saga de son grand-père. C’est lui et pas seulement lui et Elios Noël interprète le personnage d’Yehouda Ben Pora qui a quelque chose à voir avec ce fameux grand-père de légende mais pas seulement. Il y a ensuite comme un second volet, une discussion entre lui et David sur la question du territoire d’Israël, où ils n’occultent pas la complexité de ce dossier qui pourrit la vie de ce nouvel Etat depuis des décennies.
L’auteur et metteur en scène est en désaccord-et il le dit clairement ici-avec le gouvernement de Benjamin Netanyahou: pour lui, depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin en 1994 et l’échec des accords de paix à Oslo, la politique d’Israël, qui tient à la fois du meurtre et du suicide moral, détruit les espoirs des jeunes Palestiniens d’avoir un État libre et souverain, mais aussi l’avenir des jeunes Israéliens en rendant leur État plus en plus illégitime…
Le parallèle, que fait David Geselson entre le grand amour qu’a vécu son grand-père, et son impossible histoire d’amour à lui qui l’a poussé à aller jusqu’au Japon, est moins évident. Mais il y a, dans la mise en scène de ce spectacle/mise en abyme personnelle, sans doute un peu trop bavard, une vraie sincérité.
Donc, à suivre…
Philippe du Vignal
Spectacle créé au Théâtre de Vanves du 14 au 18 décembre dernier.
Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette,Paris. ( XI ème) T: 01 43 57 42 14, du 2 au 6 mars et du 15 au 22 mars à 19 H 30, et le dimanche à 15 h.
En 2016, Nouveau Théâtre de Montreuil, du 17 mars au dimanche 3 avril à 20 h, le 3 avril à 17h (relâche les 20, 26, 27 et 28 mars).