Zigmund follies
Zigmund Follies de Philippe Genty
Philippe Genty est de retour, avec un de ses spectacles fondateurs; créé en 1983, il a fait le tour du monde et a, depuis, été réactualisé et repris plusieurs fois. Zigmund Follies a gardé toute sa vigueur, son inventivité… et sa folie. Trente-cinq ans après, la pièce entraîne toujours le spectateur dans une épopée onirique, dont l’intrigue procède par coq-à-l’âne facétieux, et prend la langue au pied de la lettre, à la manière d’un Lewis Carroll.
Le conteur de cette histoire a perdu la tête mais la retrouve cachée dans un carton. Puis sa main gauche, sans plus lui obéir, fouille sa poche, il la prend la main dans le sac… à main. Mais elle échappe à son contrôle. Pour la rattraper, il lui faut rétrécir à la taille d’un doigt et entrer par une fermeture Éclair en fusion dans un monde miniature.
Là, surgissent des personnages, réduits à des mains portant leur tête à bout de doigt : Félix Nial de la police secrète, affublés de multiples déguisements, le Ministre de l’intérieur, et un fou qui ne lui sera d’aucun secours. Le conteur se perd alors dans les « colonnes de la presse », une fausse perspective en papier journal.
Empruntant des lignes de fuite, il plonge au fond d’un trou de mémoire, aux confins de la mer des souvenirs. «Son compte est bon» mais, heureusement, une grosse horloge bleue, engagée dans une course contre deux montres, le recueille et le voici face à un e muet qui ne peut lui dire comment atteindre «l’île de la poste restante», où les lettres, en désordre, se disputent, car cette «police manque de caractère!»… Au fil des événements, qui s’enchaînent à grande vitesse, naissent des images raffinées, souvent époustouflantes, produites avec des moyens rudimentaires.
Jeux de mains et jeux de mots fusent sans temps mort, dans ce spectacle qui se fonde sur la pure et simple manipulation d’objets à bout de doigts, à mains nues ou gainées. S’il ne se prive pas des discrets artifices de la vidéo, il conserve cependant son caractère artisanal d’origine. Ce qui demande à Eric de Sarria, conteur et manipulateur, et à Philippe Richard, virtuosité et rapidité, pour interpréter cette partition à quatre mains et vingt doigts.
On retrouve avec grand plaisir l’univers poétique et foldingue de Philippe Genty. À découvrir ou à revoir d’urgence. En prime, à l’issue du spectacle, les acteurs dévoilent l’envers du décor : derrière le castelet, les spectateurs peuvent examiner et toucher les accessoires de pacotille, les objets de plastique et de carton-pâte qui ont servi à créer cette heure et demi de rêve.
Pour prolonger le spectacle, on peut voir,dans le hall du théâtre, des sculptures mettant en scène des mains, sous forme de jeux de mots ou de rébus : Cousu main représente une main suturée baignant dans le formol ; Main courante, une main munie de pieds, poursuivie par une meule, À mains nues, trois Grâces à têtes de mains, etc…
Mireille Davidovici
Le Grand Parquet, 35 rue d’Aubervilliers 75018 Paris, du 5 au 15 mars et du 2 au 5 avril.T. : 01 40 05 01 50 ; billetterie@legrandparquet.net www.legrandparquet.net
Le texte de Zigmund Follies est publié chez Un Soir Ailleurs. À lire aussi l’autobiographie de Philippe Genty: Paysages intérieurs, éditée chez Actes-Sud, (voir Le Théâtre du blog)